L’UE s’est dotée mardi (6 février) de son tout premier instrument législatif pour lutter contre les violences faites aux femmes. Si le texte a été largement salué par les eurodéputés et les associations, une déception subsiste : le viol a finalement été retiré du texte.
Mardi soir, après plusieurs heures de discussions, le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil sont parvenus à trouver un accord final sur la directive de lutte contre les violences faîtes aux femmes lors du cinquième cycle de négociations interinstitutionnelles, aussi appelées trilogues.
« C’est un signal important. N’oublions pas que c’est une question de vie ou de mort. Que 450 millions d’Européens et trois institutions disent que c’est inacceptable, c’est quand même significatif », a déclaré l’eurodéputée irlandaise et co-rapporteur du dossier Frances Fitzgerald (PPE), lors d’une conférence de presse mardi.
Proposée par la Commission le 8 mars 2022, la directive vise à protéger les femmes contre toutes sortes de violences auxquelles elles sont confrontées en Europe, comme les mariages forcés, les mutilations génitales ou encore le cyberharcèlement sexiste.
« Une décision historique a été prise ! L’UE a envoyé un message selon lequel les droits des femmes sont des droits humains fondamentaux au cœur même du projet européen, et qu’ils ne sont jamais une affaire privée », a salué Iliana Balabanova, présidente du Lobby européen des femmes, dans un communiqué de presse
Désormais, les Etats membres devront par exemple créer un accompagnement personnalisé pour les femmes victimes de violences au niveau social, juridique et économique.
Seule ombre au tableau : le viol a finalement été exclu du texte initial et ne fera donc pas parti du futur arsenal législatif. Une décision loin d’être anodine puisque, depuis que la Commission a présenté la directive, la question d’y inclure – ou non – le viol cristallise toutes les tensions.
Définition basée sur le consentement
La Commission et le Parlement souhaitaient voir le viol inscrit dans la directive, et les deux institutions de l’UE s’étaient accordées sur une définition commune du viol incluant la notion de consentement.
Or, c’est sur ce point précis que s’écharpent les États membres depuis le début des négociations.
D’un côté, treize pays en faveur d’une définition basée sur le consentement dont l’Espagne, la Belgique, la Grèce, la Croatie, l’Italie ou encore l’Autriche. De l’autre, dix pays hostiles dont la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie et la Bulgarie. Au milieu, trois pays indécis.
Mais sans majorité qualifiée, impossible de valider une définition commune aux 27 états membres. Les pays réfractaires avancent l’idée que l’UE ne serait juridiquement pas compétente pour juger les viols, et que la notion de consentement ne protégerait pas mieux les victimes.
Face au tollé général, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti avait défendu la position française jeudi 1er février au Sénat en expliquant que « le seul responsable, c’est le violeur. Le risque majeur est de faire peser la preuve du consentement sur la victime ».
De son côté, le service juridique du Conseil a indiqué que l’inclusion du viol dans ce texte présenterait un « risque important », selon une source européenne proche du dossier.
Colère des associations
Alors que chaque année, dans l’UE plus de 100 000 viols sont enregistrés, pour les associations de défense des droits humains, cet argument ne tient pas la route.
« Une définition européenne commune du viol basée sur le consentement permettrait de lutter contre l’impunité généralisée et systématique des violences sexuelles dans l’UE », ont réagi le Planning familial et Amnesty International dans un communiqué de presse commun.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a dénoncé un “échec” pour la lutte pour les droits des femmes sur X.
Même son de cloche pour l’eurodéputée française Nathalie Colin-Oesterlé, rapporteur du texte pour le groupe de centre droit PPE, selon qui l’exclusion du viol est « un terrible message envoyé aux femmes ».
« Nous avons bataillé sans relâche pour donner une définition du viol au niveau européen, basée sur le défaut de consentement. Malheureusement, Emmanuel Macron, comme Viktor Orban, ont exclu le viol du texte », a-t-elle dénoncé à l’issue des négociations mardi.
Les députés européens ont tout de même réussi à instaurer une «obligation pour les Etats membres d’œuvrer en faveur d’une culture du consentement, avec des campagnes de sensibilisation».
Les 27 pays de l’UE ont maintenant trois ans pour mettre en place la directive.
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