Dans un silence médiatique presque total en France, l’Allemagne subit une guerre de l’énergie de grande ampleur. Les agriculteurs ont massivement manifesté le 8 janvier et prévoient une nouvelle journée de mobilisation le 15. L’industrie est asphyxiée, notamment l’industrie chimique et automobile. Le mécontentement gagne, alors qu’il reste encore deux mois d’hiver. À son tour, l’Allemagne va-t-elle connaitre un « hiver du mécontentement », comme l’Angleterre en son temps (1978-1979) ? Les mesures en faveur des panneaux solaires et de l’éolienne sont en train d’étrangler l’économie allemande.
Quand, pour des raisons idéologiques qui trouvent leurs sources dans la pensée marxiste de l’Allemagne de l’Est, l’Allemagne a décidé d’abandonner le nucléaire pour développer le charbon et l’éolien, elle ne pouvait faire autrement que s’appuyer sur un gaz abondant et bon marché afin de pallier l’intermittence inhérente à l’éolien. Un gaz qu’elle achetait essentiellement à la Russie, via des accords avec la société Gazprom, dont l’ancien chancelier Gerard Schröder était membre du comité d’administration. Gaz russe plus vent et charbon allemand devait générer un mix énergétique qui promettait une énergie « verte », abondante et pas chère. Rien de tout cela n’est arrivé.
Le problème énergétique allemand ne vient pas de la guerre en Ukraine. Celle-ci a accéléré et aggravé le problème, mais il serait survenu de toute façon. Avec le sabotage de NordStream et l’embargo sur la Russie, le pilier gaz indispensable à l’Allemagne s’est effondré. Dans le même temps, les paysages sont saturés d’éoliennes, qui sont couteuses à entretenir et qui ne tiennent pas leurs promesses énergétiques. Restent alors les centrales à charbon, l’Allemagne disposant de la septième réserve mondiale de charbon, grâce au lignite. Pris dans un double effet ciseaux, l’Allemagne, comme prévu et annoncée depuis plusieurs années, est désormais dans une impasse.
Le gaz ne sert pas uniquement comme énergie pour les moteurs et les machines. Il est aussi utile pour l’industrie agricole via la production des engrais. Les hydrocarbures sont la matière première des industries de la chimie et de l’automobile, si importantes pour l’économie et le tissu social allemands. C’est donc l’ensemble de l’appareil productif allemand qui est fragilisé et pénalisé. Hausse des coûts, perte de compétitivité, qui annonce chômage intérieur et déclassement extérieur. Angela Merkel porte une très lourde responsabilité dans cette faillite, elle qui a appliqué le programme des Verts allemands pour rester au pouvoir, et qui a imposé ce programme à l’ensemble de l’UE afin de ne pas perdre en compétitivité face à ses concurrents. La responsabilité incombe aussi aux électeurs allemands qui ont soutenu les Verts et les politiques de Merkel, sans voir les conséquences dramatiques que cela allait engendrer. D’où la montée de l’AfD, parti qui n’a pas participé à cette politique de sape et qui affirme son opposition à la transition énergétique et demande le développement du nucléaire. Il sera très intéressant d’analyser son score aux futures européennes, tant le résultat au niveau global que les résultats par land.
Subventions mon amour
Pour répondre à la colère des agriculteurs et à l’angoisse des industriels, le gouvernement Scholz a dégainé l’arme des politiciens : les subventions. Selon l’analyse brillante de Frédéric Bastiat : un gouvernement crée un problème puis crée des taxes pour soulager le problème créé, ce qui crée d’autres problèmes. La subvention, ce sont des taxes maquillées : pour donner à l’un, il faut prendre à l’autre. La taxe sur le CO2, qui était de 30€ la tonne, va ainsi passer à 45€, ce qui va lourdement grever les bénéfices des entreprises. Les taxes sur le carburant des agriculteurs devaient elles aussi augmenter. À la suite d’une révolte massive, où plus de 7 000 tracteurs ont bloqué Berlin, le gouvernement a pour l’instant décidé d’attendre. En novembre dernier, la Cour constitutionnelle a invalidé le fonds de la transition énergétique, d’un montant de 60 milliards€, qui devait subventionner les énergies dites renouvelables. C’est-à-dire financer par l’impôt des énergies qui sont plus chères à l’achat. Double peine pour les Allemands. Cette invalidation oblige le gouvernement à trouver d’autres solutions, c’est-à-dire soit abandonner son plan énergétique, soit accroître les taxes pour le financer. Il n’est pas certain que la seconde solution convienne aux Allemands.
Le précédent des Pays-Bas
Cette révolte allemande rappelle celle de 2022 aux Pays-Bas, quand des milliers de paysans avaient défié le gouvernement d’Amsterdam. Les Pays-Bas sont le premier exportateur européen de viande, avec une production massive de bovins, porcs et poulets, élevés et abattus dans de grandes industries fermières puis expédiés par la mer via des bateaux spécialisés. Cette industrie rejette de l’azote et de l’ammoniac, ce qui provoque des pollutions des sols et des cours d’eau. Face à ce problème, le gouvernement d’alors décida d’une réduction de 70% du cheptel hollandais, ce qui signifiait la mort de nombreux paysans et la vente de leurs exploitations. Pour ne pas mourir, des milliers de paysans bloquèrent gares, aéroports, autoroutes et manifestèrent dans la capitale contre cette mesure qu’ils jugeaient violente et brutale.
Face à la pollution des eaux usées, le gouvernement fit le choix du malthusianisme (réduire le cheptel) plutôt que d’encourager la recherche et la mise en place de solution adaptée pour récupérer les eaux et ainsi réduire la pollution des sols. Comme pour l’énergie en Allemagne, ce n’est pas la voie de la recherche et de l’innovation qui est suivie, mais celle de la pénurie et de la décroissance. Une décroissance qui conduit à la mort, des paysans en Hollande, des industries en Allemagne. Les manifestations, si violentes soient-elles, ne suffiront pas : c’est tout le logiciel philosophique et mental qu’il faut changer.
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