Lettre d’André sur la « conquête du cool », les huîtres et la fin des espèces (sic) :
« Cela fait des années que je vous suis, sur votre formidable blog. Toutefois, en lisant ce matin votre dernier post, je fais le lien avec le film que j’ai vu hier soir, découvert par hasard dans une boutique de déstockage : Happy Days, de Robert Zemeckis en 1978 avec Nancy Allen, entre autres.
J’aime bien Zemeckis, il décrit bien la transition du monde actuel, et puis, on sent derrière l’influence du producteur exécutif, le sulfureux Spielberg, qui fait passer son message subliminal : hommes blancs Wasp, acceptez le changement, il est inéluctable…Le film parle de la première émission de télé des Beatles à New-York, chez CBS, et des trois copines groupies un peu neuneus qui essaient de décrocher des places pour y assister. Il y a bien sûr la quatrième copine intello, une rebelle qui préfère Dylan et Baez (c’est la fille du disquaire, qui la tance, car, dit-il : « Dylan et Baez ne vendent rien comme disques »), et le Fonzy de service hétéro dominant, frustré de ne plus pouvoir draguer les filles (toutes folles de Paul ou Ringo et de leur coupe au bol) qui trouve que ces anglais sont des « pédales efféminées, comme, tous les mâles Anglais au demeurant ».
NDLR : ce film de Zemeckis c’est Crazy day (1978) Disponible ici : https://ok.ru/video/5502438214360
« Changement de paradigme à tous les étages. Les écoliers garçons
refusent de se faire couper les cheveux, au grand dam de leur père, qui
veut une coupe à la tondeuse « comme dans la marine », pour leurs fils,
en échange de pouvoir aller voir le show des bébêtes british (les digues
cèdent, malgré tout…) , une des groupies a loupé la messe pour assister
à la nouvelle religion, la troisième veut faire des photos des quatre
garçons par opportunisme, pour lancer sa carrière de journaliste, et la
dernière, fiancée, est traînée de force alors qu’elle voulait enterrer
ce soir-là sa vie de jeune fille avec ses amies. C’est d’ailleurs celle
qui vivra la rencontre la plus torride sexuellement, tandis qu’une autre
assistera depuis un placard à la rencontre perverse d’un vieux blanc
avec une étudiante call girl (déjà !)
Après mille péripéties que je
ne dévoilerai pas, Spielberg pose ses grosses papattes sur notre volonté
anticonformiste : vous ne pouvez échapper à la tentation, au progrès
woke (déjà), même le ciel s’oppose au sabotage de l’antenne de CBS lors
de la retransmission, alors n’imaginez pas que vous, peuple conservateur
et avec les pieds sur terre, vous pouvez échapper à Baal, au modernisme
pardon. »
« Sans transition, dimanche matin, je vais acheter des huîtres
pour ma femme. A sept heures, les Boomers font déjà la queue dans mon
quartier résidentiel paisible de retraités. A huit heures, le camion se
pointe. C’est la file d’attente infernale, il n’y a qu’un lecteur de
carte bancaire et les deux vendeurs (l’un pour les bourriches pré
commandées par les retraités, l’autre, pour les ventes au détail)
doivent attendre que chaque client s’acquitte de son paiement numérique.
J’arrive enfin à accéder au producteur, un gilet jaune de la première
heure, avec mes espèces en main. A côté de moi, une retraitée pimpante
de 75 ans, ancienne soixante-huitarde paye sans contact.
Je déclare
au producteur : « je suis sidéré de découvrir que tous les retraités
paient par carte et en plus sans contact ». Toujours aussi idiot – je ne
peux pas m’empêcher d’être pédagogue, même en présence de veaux -, je
me mets au devoir d’expliquer à la retraitée béate devant son plastique
qui ping ! sur le lecteur de CB, qu’avec l’arrivée des monnaies
numériques de banque centrale, le non usage des espèces va précipiter
notre – son – esclavage (je n’ose par rajouter à cette quadruple ou
quintuple dosée, probablement comme toutes la queue septuagénaire, notre
mise à mort sociale et physique ainsi que celle de son âme, déjà
largement moribonde). Devant ses yeux encore orgasmique, je m’intime
l’ordre de me taire.
Inutile.
L’ostréiculteur, acquiesce en
silence, c’est sa clientèle, il ne va pas se suicider commercialement.
Et la Boomer de conclure en rangeant son bout de plastique : « oui, mais
c’est tellement pratique ! ». « Comme un gode », ai-je envie de lui
rétorquer, avant de prendre ma douzaine sous le regard navré du vendeur
et de fuir ces zombies en courant.
J’ai peur depuis. Mon quartier,
envahi de ces décérébrés par 80 ans de facilité post guerre viendront
s’agglutiner derrière mes fenêtres à la première crise sévère que les
nonagénaires génocidaires, comme vous dites si bien, ne manqueront pas
de provoquer pour les exterminer. Pour mendier un conseil, une idée, un
espoir de solution à leur malheur impromptu qui leur tombera dessus
comme le filet du chasseur, BFM étant en panne, tout comme leur bout de
plastique orgasmique et leur cerveau à l’encéphalogramme plat.
Oui, je dois fuir de là. Ce monde est parti en vrille depuis longtemps. Je dois retrouver la campagne profonde et lointaine, là où les vieux paysans savent encore survivre sans électricité et avec trois bouts de chandelles. »
« Merci Nicolas, pour tous vos rappels littéraires.
Cette
prose est un témoignage parmi tant d’autres de vos lecteurs. Ce monde
est foutu. Et nous sommes tous, à des niveaux différents bien sûr, mais
tous ne nous leurrons pas, les artisans de son déclin et de sa chute
finale sous le courroux divin, par manque de charité, active ou par
omission.
Comme à Sodome… »
Crazy day (1978) again : https://ok.ru/video/5502438214360
Nicolas Bonnal
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