Mai 1921, les radiocommunications du monde entier se retrouvent perturbées ; janvier 1938, les transmissions radio sont interrompues pendant près de 12 heures au Canada et des pannes électriques provoquent l’arrêt de trains en Angleterre ; mars 1989, six millions de personnes se retrouvent privées d’électricité pendant plusieurs heures au Québec et des satellites quittent temporairement leur orbite ; octobre 2003, plusieurs satellites sont abîmés tandis qu’une panne de courant d’une heure survient en Suède… Point commun entre tous ces événements ? Ils ont tous été provoqués par une grosse éruption solaire.
« En général, nous sommes bien protégés du Soleil », explique Aurélie Marchaudon, chercheuse à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP) de Toulouse. Mais lorsque les éruptions solaires sont suffisamment fortes et orientées vers la Terre, elles peuvent créer des perturbations sur notre planète.
Pic mi-2024
Les éruptions solaires sont de brusques flashs de rayonnement qui se produisent à la surface du Soleil et s’accompagnent généralement d’une violente éjection de plasma. Le phénomène est assez fréquent, en particulier lorsque le Soleil atteint un pic d’activité, le maximum solaire, qui se produit à peu près tous les 11 ans. Le prochain est proche, il est prévu vers mi-2024, avec un an d’avance.
Les signaux sont là. On observe depuis plusieurs mois de nombreuses taches à la surface de notre étoile, parfois visibles à l’œil nu. C’est au niveau de ces taches que les éruptions ont lieu. Depuis fin février, des aurores polaires, provoquées par des tempêtes solaires, ont également été vues à des latitudes très basses, notamment en France. Et le 3 juillet dernier, la plus grosse tempête solaire de ces 20 dernières années a provoqué une brève panne radio en Amérique du Nord.
Mais si les scientifiques s’accordent à dire que le Soleil devrait atteindre un pic d’activité d’ici quelques mois, impossible pour autant de prédire où et quand exactement auront lieu les prochaines éruptions, si elles vont toucher la Terre, combien de temps elles vont durer (quelques heures ou plusieurs jours) et quelle sera leur intensité.
Quelles conséquences ?
Or les plus extrêmes sont susceptibles d’endommager les satellites. En bombardant l’ionosphère de particules énergétiques et ionisées, elles augmentent aussi sa densité ce qui peut dévier, freiner ou absorber les signaux satellites et donc priver les avions et les navires, notamment, de GPS, ce qui est extrêmement dangereux. Sans compter que les personnes se trouvant dans un avion en vol au passage d’une tempête solaire peuvent se retrouver exposées à de fortes doses de rayonnement.
« Aujourd’hui les réseaux étant interconnectés, si une partie du réseau européen tombe par exemple, cela va provoquer un report de la demande sur le reste, qui va se retrouver surchargé et risque de tomber à son tour »
Autre risque, « ces éruptions sont des sources de courants électriques intenses et génèrent des courants de contre-réaction à la surface de la Terre », explique Aurélie Marchaudon. Lorsque ces contre-courants se situent au niveau de la croûte terrestre, qui est peu conductrice, ce n’est pas grave. Mais s’ils touchent nos installations électriques, ils peuvent faire disjoncter ou détruire des transformateurs, comme en 1989 au Québec. « Et aujourd’hui les réseaux étant interconnectés, si une partie du réseau européen tombe, par exemple, cela va provoquer un report de la demande sur le reste, qui va se retrouver surchargé et risque de tomber à son tour », commente-t-elle.
« Ampleur jamais vue »
S’il n’est pas possible de prédire les éruptions, il existe tout de même des outils permettant d’étudier le soleil et détecter une éruption lorsqu’elle se produit. Celles-ci mettant généralement plusieurs heures à atteindre la Terre, cela laisse le temps d’éteindre les satellites temporairement, ou de clouer les avions au sol dans la zone où va frapper l’éruption, comme ce fut le cas en novembre 2015 en Suède. Pour ce qui est du réseau électrique en revanche… « On ne peut pas l’éteindre dans le monde entier en quelques heures », souligne Aurélie Marchaudon.
Mais pour voir une éruption solaire capable de créer des perturbations sur l’ensemble de la planète, il faut remonter à 1859. « L’évènement de Carrington », du nom de l’astronome l’ayant observé, avait alors fortement perturbé les télécommunications. Quant à la plus violente éruption connue, elle remonterait à 14 300 ans. Dans une étude publiée le 9 octobre, des scientifiques expliquent avoir découvert dans les cernes d’arbres subfossiles trouvés dans les Alpes françaises une surdose de radiations cosmiques provenant d’une tempête d’une « ampleur jamais vue ». Or « une telle tempête aujourd’hui serait catastrophique pour notre société technologique moderne », avertissent-ils.
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