Finalement, avec une brutalité qu’on découvre extrême lorsque la réalité nous donne tous ses composants, en quelques semaines qui se concentrent pour nous en quelques jours, le monde a totalement changé sous nos yeux aveuglés par l’intensité du phénomène. Nous le réalisons parce que, justement, des évènements spécifiques dont nous avons bien du mal sur le moment à mesurer l’ampleur et l’importance, se sont empilés en quelques jours, qui nous ont donnés la clef pour distinguer ce changement : là aussi, le globalisme (globalisation contre mondialisation) a donné un résultat de nature différente que la simple addition des évènements.
De quel changement parle-t-on ? L’axe du monde, c’est-à-dire l’axe de la GrandeCrise, – l’axe crisique si l’on veut, – a brusquement basculé.
Ce que nous jugions inéluctable depuis l’intervention russe en Ukraine, après des années de crise larvée et de paroxysmes de cette crise aux USA depuis l’arrivée de Trump en 2015-2016, – cela s’est brusquement produit, – ou paru se produire “brusquement” pour notre seule perception. Quels sont les évènements de ce temps-courant qui ont mis en place et réalisé cette transition fusionnelle ? Tentons d’en suivre la trame en même temps qu’on en défait l’écheveau des significations profondes.
Un automne digne des mémoires d’un dieu• La brutale crise de “la guerre de Gaza” commencée le 7 octobre dans l’encombrement des traquenards et montages des petits hommes contents d’eux-mêmes et de leur habileté de bazar, a modifié de fond en comble la vision du système de la communication qui restait jusqu’alors attaché, comme par fascination, à la seule guerre en Ukraine. On comprend l’importance du fait lorsqu’on a à l’esprit l’importance colossale, proche d’être exclusive, du système de la communication dans l’“exercice” (?) du pouvoir.
• Cette conjonction a tout aussi brusquement privé la crise ukrainienne de cette attractivité quasi-exclusive et fascinatoire que nous évoquons (je parle pour “nous”, dans l’Occident-compulsif), laissant la place à la vérité-de-situation de l’inéluctabilité de l’effondrement ukrainien (militaire et psychologique), avec les nombreuses chicayas autour de ce qu’est ou n’est pas un effondrement, une défaite, une contre-offensive, etc., toutes ces choses si intéressantes pour des esprits habiles au simulacre de l’art de la guerre.
• Pour autant, ce n’est pas “la guerre de Gaza” qui a remplacé l’Ukraine, malgré l’extrême violence et la formidable charge émotionnelle de la seconde. Il s’agit du réveil, d’une éruption d’un volcan qui ne s’est jamais éteint depuis 1947, avec des éruptions épisodiques rappelant son existence, et cette fois l’une des plus violentes et certainement la plus importante de toutes les éruptions, – mais essentiellement à cause de ses conséquences indirectes qui ne cessent de se répandre.
• Ce qui est apparu brusquement, à l’occasion de divers désordres désormais classiques aux USA (jusqu’au vote du Sénat), c’est que l’effondrement ukrainien déclenchait et laissait place à la plus grave de toutes les “sous-crises” constitutives de la GrandeCrise : la crise des USA, la crise du système de l’américanisme, notamment par le biais de la prise en compte de la possibilité extrêmement sérieuse d’une répudiation de la politiqueSystème.
• ... Et l’on signale en plus qu’aussitôt apparue, cette crise s’est aussitôt aggravée si l’on en juge par les commentaires avisés d’Alexander Mercouris, bien souvent cité ici en ce moment, à propos de l’intervention quasiment impériale et pachydermique de Lloyd Austin devant les parlementaires républicains ébahis...
« ... Et il semble que la rencontre [entre Austin et les républicains] est devenue de plus en plus acrimonieuse et le commentaire que fit Lloyd Austin [sur l’envoi de “vos fils, frères et cousins pour se battre contre les Russes” si l’on n’envoie pas son contingent de billets verts à l’Ukraine] exaspéra la colère des parlementaires républicains et eut pour effet de rendre ces parlementaires encore plus furieux, et lorsque les gens sont furieux ils deviennent de plus en plus entêtés... Mon impression est que les tentatives de l’administration de persuader les gens du Congrès de soutenir l’aide à l’Ukraine a complètement échoué, et a eu comme effet rendre leur opposition encore plus forte... »
• Le même jour où le Sénat votait, Poutine effectuait un voyage-éclair aux EAU et en Arabie, avec des accueils mis en scène comme un véritable triomphe “à la romaine” par ses hôtes eux-mêmes ; ce fut comme si les riches princes d’Arabie accueillaient l’Empereur et suzerain du nouvel Imperium. (S’il vous plaît, prenez ces mots comme des symboles, nullement comme des situations de hiérarchie effective et encore moins comme des suggestions de nouvelles situations géoponique : c’est d’au-dessus de tout cela que l’on parle ici.) Poutine affirmait la puissance ressuscitée de la Russie et la position incontestée de leader d’influence et symbolique de la nouvelle géographie sacrée du monde dont ce pays-civilisation est le mandataire symbolique, avec son glaive bronzé au feu de la guerre d’Ukraine. Poutine, au nom de la Russie, l’affirmait devant tout ce “Sud Global” en pleine insurrection contre l’Occident ligoté en bloc-BAO, lequel “Sud Global” trouve en lui le symbole d’une direction qui jamais n’affirme de supériorité, mais au contraire affiche son respect pour les uns et les autres comme ses pairs. La Russie est en train de créer une nouvelle “géographie sacrée” où tous trouvent leur place, une “géographie sacrée” que l’un de nos petits chorégraphe de la pensée-conforme pourrait qualifier de “démocratique”...
• Par conséquent, l’on comprend que ce qui compte ici pour notre logique, c’est cette affirmation du “Sud Global” plus que le triomphe de Poutine qui est pourtant incontestable et d’une extrême importance pour d’autres propos. Cette pression du “Sud Global” agit comme un formidable aliment de la crise du système de l’américanisme, une tension formidable ; elle ne lui laissera aucun répit jusqu’à ce que son naufrage soit assuré, réalisé et authentifié devant notaire.
“Comme un torrent”Reprenons cette expression de « Comme un torrent », venu de mars 2016 et juin 2017 et encore reprise fort récemment. Elle vient de la littérature américaine (et non américaniste) avec des connotations politiques et militaires, et surtout psychologiques, et concernant spécifiquement les USA et ses démons intérieurs que la psychologie de ce pays veut exorciser en les faisant extérieurs. Le diable s’est emparé de cette conjoncture et a jugé qu’il pouvait en faire l’instrument exceptionnel de la destruction du monde qui reste son rêve le plus chéri, – ce qui sembla bien être le cas, ou alors, en termes moins symboliques que le diabolisme, c’est la destruction de ce monde-là déjà complètement perverti et inverti qu’il importe effectivement de réaliser et notre propre jugement est parfaitement satisfait.
« “L’expression m’est venue à l’esprit” me suis-je dit et, très vite, je me suis corrigé de cette façon : “m’est une fois de plus venue à l’esprit”. Comme toujours, elle vient du titre de ce même film, mais ce que je voulais me dire avec ce “une fois de plus”, c’est que je l’avais déjà employé en titre. Vérification faite, c’est le cas, et telle quelle : une première fois en 2011 (le 17 octobre 2011), une seconde fois il y a un peu plus d’un an délibérément d’un texte à l’autre dont un texte des deux également sous ce titre exactement (le 6 mars 2016) dans ce Journal-dde.crisis, où je rappelais l’analogie du film (adaptation française du ‘Some Came Running’ de 1958, tiré du roman éponyme de James Jones de 1957)... L’expression désignant [dans mon chef, pas dans le livre] le même phénomène du déferlement diluvien des crises, cette expression “comme un torrent”, qui revient sous ma plume me fascine par sa puissance et sa magie à la fois symboliques et sans doute incantatoires, et peut-être même divinatoires... »
... Ainsi et simplement considéré selon les règles de la nature, ce “déferlement diluvien des crises” simplement torrentueux, qui s’est formé d’une multitude de torrents, est en train de trouver sa voie décisive et sa force ultime en se transmutant, – changement de nature répondant à la logique du globalisme, – en un ensemble de gigantesques chutes qui rappellent celles du Niagara (honneur aux yankees) ou bien les chutes Victoria, – ou bien, mieux encore, les chutes d’Iguazu réputées comme les plus hautes du monde (voyez une photo de ces chutes, et demandez-vous si elles ne constituent pas une image symbolique éblouissante et étourdissante de l’amoncellement crisique en cours aux USA, – seuls les USA parviendraient à faire autant de bruits et d’écumes avec leurs crises).
Car ce sont naturellement les USA qui sont le cœur, la matrice, le Nœud Gordien suprême de ce “déferlement diluvien des crises”. Cette puissance qui se jugeait exceptionnelle a revendiqué de prendre en charge toutes les forces et les impulsions de la modernité, laquelle devait déboucher sur une postmodernité qui serait une super-modernité et même une hypermodernité, comme une sorte de virginité du paradis enfin annexé au terrestre et côté à Wall Street. On voit aujourd’hui, en tant de débris épars et de folies infâmes traînant dans les décharges publiques et globalistes, ce qu’il en est et ce qu’il en reste en vérité... Et, naturellement et logiquement, comme un coup de tonnerre en retour, ce que nous voyons ne concerne pas l’Amérique seule, mais la civilisation entière de la modernité accouchée de l’Amérique.
Personne, pour l’instant, n’y échappe vraiment même si certains rassemblements du monde, disposant de vertus essentielles que d’autres ont perdues, d’une mémoire métahistorique et de ses traditions qui fondent le lien fondamental avec l’Unité originelle, avec la conscience aiguë de l’importance centrale des deux, sont lancés dans un labeur acharné pour s’en échapper. (S’il existe une voie de sauvegarde comme il est nécessaire et logique qu’il soit, ceux-là sont notre sauvegarde.)
America, RIP si tu peuxOn comprend que l’idée générale de cette courte analyse est de proposer avec toute l’humilité et les amabilités d’usage la conception que nous sommes au terme de l’avancée vers le cœur de la GrandeCrise puisqu’enfin la crise des USA y a pris la place qui lui revient, – la première. Il s’agit de l’entrée dans la séquence finale et cette idée nous habite depuis si longtemps, “nous hante” dirait certains, – comme celle de la fin d’une civilisation et surtout de la fin d’un verrou qui jusqu’ici bloquait toute rupture possible de cette prison qui nous tient enfermés, – la fin de la modernité. Nous l’écrivions, par exemple, le 14 octobre 2009, après l’avoir déjà écrit auparavant :
« Inexorablement, on voit donc que l’évolution de la situation crisique conduit vers l’éclatement des USA comme achèvement parfait de la GrandeCrise et de la destruction de la modernité. J’ai, nous à ‘dedefensa.org’ avons toujours pensé et dit qu’il s’agirait, – ce phénomène de la destruction des USA, – d’un choc psychologique immense et il faut plus que jamais en être persuadé. »
C’est effectivement à ce point que s’insinue le fondement même de notre jugement, de notre intuition également, qui concerne un facteur psychologique à la fois individuel (chaque individu qui aborde le problème en est touché) et baignant dans une psychologie collective qui adoube la psychologie individuelle dans le champ de la vérité indubitablement objective. Il s’agit du passage sur l’‘American Dream’ que nous avons déjà cité, parlant effectivement et en détails de ce phénomène, (voir par exemple le 18 juillet 2020, en marge des émeutes ‘Black Lives Matter’). La rupture inéluctable et nécessaire de ce rêve (l’‘American Dream’) comme un événement fondamental est une rupture de civilisation au cœur de notre psychologie. Nous écrivions à ce propos le 14 octobre 2009, ces lignes dont je ne changerais pas un mot du sens qu’elles proposent, de la destinée qu’elles illustrent, de la voie qu’elles encouragent à suivre :
« Nous l'avons déjà écrit et nous le répétons avec force : il ne peut y avoir, aujourd’hui, d’événements plus important pour la situation du monde qu’une dynamique de dislocation des USA. Nous pensons que la crise actuelle est à la fois, et contradictoirement, formidablement amplifiée et formidablement bloquée dans sa compréhension par la puissance de la communication. Ce phénomène ne cesse de dramatiser et d’attiser les conditions de la crise tout en renforçant la pression du conformisme de la pensée dominante pour ne pas mettre en cause les éléments qui sont les fondements de cette crise.
» L’un des fondements est psychologique, avec le phénomène de fascination – à nouveau ce mot – pour l’attraction exercée sur les esprits par le “modèle américaniste”, qui est en fait la représentation à la fois symbolique et onirique de la modernité. C’est cela qui est résumé sous l’expression populaire mais très substantivée de American Dream. Cette représentation donnée comme seule issue possible de notre civilisation (le facteur dit TINA, pour “There Is No Alternative”) infecte la plupart des élites en place; elle représente un verrou d’une puissance inouïe, qui complète d’une façon tragique la “fascination de l’américanisme pour sa propre destinée catastrophique” pour former une situation totalement bloquée empêchant de chercher une autre voie tout en dégringolant vers la catastrophe. La fin de l’American Dream, qui interviendrait avec un processus de parcellisation de l’Amérique, constituerait un facteur décisif pour débloquer notre perception, à la fois des conditions de la crise, de la gravité ontologique de la crise et de la nécessité de tenter de chercher une autre voie pour la civilisation – ou, plus radicalement, une autre civilisation. »
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