On distingue deux courants souterrains dans le domaine initiatique. Le plus connu est celui de l'occultisme dont les organisations sont nombreuses et enseignent des systèmes de maîtrise des forces naturelles.
L'autre courant, plus secret, se rattache à la chaîne initiatique des anciennes écoles des mystères dont l'épopée cathare fut le couronnement dans l'histoire récente.
Le courant ésotérico-occultiste s'adresse à l'ego, à la personnalité incarnée dont il tente de développer les pouvoirs en ce monde.
À l'opposé, le courant secret, que les orthodoxies ont persécuté comme « hérésie », ne cherche pas à développer les pouvoirs de la personnalité. Le but des fraternités de ce courant spirituel est de faire renaître l'âme divine. Depuis toujours, c'est du courant de la gnose (connaissance divine) qu'émanent les systèmes de libération et les grands messagers, connus ou inconnus de l'histoire.
Le courant occultiste se différencie peu des orthodoxies religieuses dans la mesure où il croit que le monde invisible supérieur est un but à atteindre. Par contre, les gnostiques ne cherchent pas le contact avec les domaines invisibles, mais ils mettent l'accent sur la délivrance au sens bouddhique, ce qui les relie aux anciennes écoles de sagesse. Aujourd'hui, comme depuis le fond des temps, des écoles transmettent cette initiation sous une forme adaptée aux temps modernes.
Il est difficile de marcher seul sur ce chemin à cause des obstacles. L'union fait la force. Un être sincèrement en recherche de la libération est naturellement connecté avec la grande fraternité des âmes libérées. Ce contact s'actualisera si le désir est juste et si le karma le permet. Il ne s'agit pas de « bon » ou de « mauvais » karma ou de prédispositions psychiques comme dans l'occultisme. Il s'agit d'être éveillé à l'illusion de la vie et de la mort.
Comment se manifeste cet éveil ?
L'éveil est un stade de maturité où l'être réalise que sa place dans le monde n'est pas stable, qu'elle est incertaine et périlleuse, et que rien ne peut offrir une sécurité durable.
Durant ses incarnations précédentes, cet être a expérimenté la religion, le mysticisme, la philosophie, la magie et l' occultisme.
Il a éprouvé les limites de tous les systèmes car aucun ne mène à une libération définitive. Toutes ces voies recréent du karma et de l'attachement. Celui qui est prêt pour le grand saut n'est pas un être exceptionnel. C'est quelqu'un qui est venu au monde en sachant que son but est de se libérer. Il n'a pas besoin d'être intelligent ou d'avoir des dons particuliers. Il peut être d'une banalité affligeante selon l'apparence extérieure, et pas meilleur qu'un autre. C'est son désir de libération qui le différencie. Et ce désir peut être vécu comme une affliction latente, un mal de vivre ou une difficulté d'adaptation aux faux-semblants de la société.
Celui qui est prêt à faire le grand saut n'a pas besoin de psychologue ou de thérapeute pour aller mieux. Il ne cherche pas à s'améliorer. En outre, il n'y a pas de signe ni de charisme qui le distinguent des êtres humains ordinaires.
Que doit faire celui qui s'engage sur ce chemin, quelle pratique adopter et dans quel but ?
Il ne doit pas faire mais défaire. Il simplifie. Pas en adoptant un mode de vie bucolique ou en imitant le renoncement extérieur. Il se rend disponible à son âme. Il ne se met pas au service d'un idéal généreux dans l'ordre extérieur des choses. Au contraire, il se détache des implications mondaines, et cela est plus difficile que d'enfourcher les nobles causes. Ce comportement implique de réduire la vie matérielle à l'essentiel.
Un proverbe taoïste décrit cette situation ainsi : "Le sage est comme l'enfant au sein de sa mère". Les besoins biologiques sont satisfaits et tout le reste devient accessoire.
Il n'y a pas de prière spéciale, de rituel ou de méditation ?
Pour l'individu qui s'engage sur la voie, les rites, les prières et les méditations ne sont pas recommandés, contrairement au système occultiste qui est fondé sur des pratiques répétitives. Le gnostique tourne le dos au monde, il n'en attend rien, et comme le dit un proverbe soufi : "Le gnostique n'a aucun droit en ce monde". C'est un grand privilège.
La voie de la Libération est une sortie du double monde physique et subtil, et il n'y a rien à cultiver d'un côté comme de l'autre. C'est un point incompréhensible pour ceux qui suivent un chemin de développement personnel par lequel ils essaient de mettre leur ego à l'abri de la douloureuse contradiction existentielle. Celui qui s'engage sur la voie de l'âme ne cherche pas un résultat provisoire ou une amélioration. C'est pourquoi les autorités religieuses ont persécuté les gnostiques car elles ne pouvaient comprendre leur comportement, jugé indifférent ou iconoclaste.
Le gnostique n'adhère pas à une croyance religieuse particulière ?
C'est un point délicat. Les croyances ne mènent pas à la libération. Elles consolent ou servent de repères dans la confusion de la vie. Croire ou ne pas croire, ce n'est pas important. Le véritable chercheur de vérité croit en la vérité. Pour citer Blavatsky : "La vérité est la plus haute des religions".
C'est le contact direct de l'âme avec la source universelle qui importe, et non les représentations traditionnelles. On n'a pas besoin de croire en des avatars, des maîtres de sagesse ou des hiérophantes supérieurs.
Joël Labruyère.
Illustration :
BD "Le Dernier Cathare". Au XIIIe siècle dans la région de Toulouse, Escartille de Puivert, un jeune troubadour, va se retrouver bien malgré lui témoin d'un massacre que le pape aurait aimé garder secret.
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