La question de l’immigration économique est un angle mort pour les droites françaises et européennes. Tandis que le projet de loi immigration a été adopté à l’Assemblée nationale mardi 19 décembre, ce texte a notamment durci les conditions de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension tandis qu’une soixantaine de métiers sont concernés.
C’est dans ce contexte que le président du Medef (Mouvement des entreprises de France), organisation se présentant comme le « premier réseau d’entrepreneurs de France » s’est exprimé sur le sujet le même jour au micro de Radio Classique. Patrick Martin a ainsi trouvé « extrêmement désolant » que le Medef n’ait pas été consulté par les partis politiques lors des débats autour du texte de loi.
Ne s’estimant « légitime que sur le champ économique », le président du Medef a déclaré qu’il s’intéressait en premier lieu à la « démographie », qu’il qualifie de « science exacte » présentant des « tendances lourdes ». Un constat que nous partageons avec lui.
« Ce ne sont pas les patrons qui demandent de l’immigration »
Aux yeux de Patrick Martin, l’essentiel de ce débat sur l’immigration pourrait se résumer en une question : savoir si « nous aurons besoin ou non de main-d’œuvre immigrée légale à partir de 2036 ».
Cette échéance de 2036 n’est pas avancée au hasard puisque c’est à partir de cette dernière que, selon l’Insee, la population active française devrait commencer à baisser. Et c’est aussi à partir de cette prévision démographique que se situent les principaux enjeux et les choix politiques qui en découlent : « Nous avons des régimes sociaux, comme les retraites, l’assurance chômage ou la santé, qui sont assis sur les revenus du travail, et donc sur l’emploi ». Voilà ainsi résumée par Patrick Martin l’équation à résoudre.
Étayant son propos en indiquant que dans le secteur de l’aide à la personne, où l’on observe « d’ores et déjà d’énormes tensions de recrutement », 800 000 postes vont nécessiter des candidats à l’embauche d’ici 2030, le président du Medef s’en remet à l’exemple des pays nordiques, « où le débat a été posé objectivement » : « ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », explique-t-il. Des pays nordiques où les aspirations à davantage de main-d’œuvre immigrée sont contrebalancées par certaines réalités sociétales induites par l’immigration.
Medef : 4 millions de travailleurs étrangers en France d’ici 2050 ?
Quant au cas français, Patrick Martin estime que « d’ici à 2050, sauf à réinventer notre modèle économique et social, nous aurions besoin de 3 900 000 salariés étrangers », hors de l’Union Européenne puisque « tous les pays de l’UE sont confrontés au même problème démographique ».
Ce nombre de près de 4 millions de travailleurs immigrés est issu d’une étude prospective publiée en 2021 par le Center for Global Development, un cercle de réflexion économique américain basé à Washington. Une étude au titre évocateur : « L’Afrique peut-elle aider l’Europe à éviter
la crise du vieillissement qui se profile à l’horizon ? »
Pour parvenir à ces prévisions, les chercheurs ont notamment analysé les projections démographiques des Nations Unies de l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués et les données sur les flux migratoires internationaux. Avant d’établir qu’en France, il manquerait 5,4 millions de travailleurs en 2050 par rapport à 2015 tandis que dans cet intervalle de temps, 1,5 million de nouveaux travailleurs étrangers arriveraient dans l’Hexagone quoi qu’il arrive. D’où les 3,9 millions nécessaires.
Des travaux prospectifs qui rappellent également le document « Espagne 2050 » présenté en 2021 et dans lequel il était également question d’importer massivement de la main-d’œuvre immigrée afin de maintenir la population active espagnole.
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