Dans la Genèse, Dieu promet à Abraham un pays allant du Nil à l’Euphrate, symbolisé sur le drapeau israélien par une étoile de David prise en pita entre deux bandes bleues. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet du canal Ben Gourion de nouvelle route maritime viabilisant le Grand Israël.
En 1855, l’amiral William Allen imaginait une route vers l’Inde par un canal reliant la mer Rouge à la mer Morte. Toutefois, il ignorait que la Mer Morte était sous le niveau de la mer. Quelques génocides plus tard, en réponse à la nationalisation du canal de Suez par Nasser en 1956, l’axe américano-sioniste scénarise un projet de canal reliant cette fois la mer Rouge à la mer Méditerranée et passant par la bande de Gaza (« passing by Beersheba and the Gaza Strip »). L’opération de terrassement coûtant trop cher, il avait été envisagé une méthode low-cost d’excavation en faisant exploser 520 bombes nucléaires dans le désert du Néguev. Effet Swiffer non garanti, la maîtrise d’œuvre américaine a baissé pavillon. Le projet a refait surface à la suite de l’accord entre la société israélienne EAPC et les Émirats arabes unis pour acheminer le pétrole du Golfe par « l’itinéraire le plus court, le plus efficace et le plus rentable (...) vers les centres de consommation à l’Ouest ». L’idée est aujourd’hui de creuser deux voies navigables depuis le port d’Eilat au sud d’Israël jusqu’à la mer Méditerranée. Si le canal aboutit, Israël deviendrait l’artère principale du commerce maritime mondial.
Également concurrencé par la future route maritime du Nord russe, Israël veut rétrograder l’influence de l’ennemi égyptien et de son canal de Suez aux 9 milliards de dollars de revenus (500 000 dollars en moyenne le passage d’un navire).
Depuis son ouverture le 17 novembre 1869, le canal de Ferdinand de Lesseps est historiquement « libre et ouvert » au commerce mondial, en période de paix comme de guerre depuis 1888. Toutefois, l’Égypte en a fermé plusieurs fois l’accès en ne manquant pas de rappeler en 2013 qu’il ne s’agissait pas pour les américains d’« un chemin pour aller frapper n’importe quel pays arabe », et à eux de tester en retour les réactions égyptiennes comme lorsqu’ils laissent émerger leur sous-marin nucléaire en plein canal en novembre 2023.
Pour rappel, l’image mondial de la voie maritime avait été écornée en pleine période covid par le blocage de six jours (de Six Jours !) du navire Ever Given en travers du canal.
Avant cela, il avait pris soin, en attendant de pouvoir s’engager dans l’étroit passage, de figurer par le tracé de son itinéraire un pénis…
Tant pour des intérêts commerciaux que militaires, le canal Ben Gourion se doit donc d’être suffisamment ouvert pour les intérêts occidentaux, sécurisé, et accessoirement désencombrés de Gazaouis gênants pour les affaires des futurs restaurants et raves-parties kashers qui animeront la zone façon Priscilla, folle du désert.
Le projet pharaonique mesurerait ainsi une centaine de kilomètres pour 110 m de profondeur et mobiliserait 300 000 esclaves de tous pays avec un coût estimé à 55 milliards de dollars pour cinq ans de construction. À titre de comparaison, le doublement du canal de Suez a coûté 9 milliards de dollars pour une année de travaux. Si Israël a confirmé que le projet était sur les rails en lançant les travaux en 2021, aucune photo de grues ou d’ouvriers cap-verdiens sur toilettes turques n’ont été relevées. Cette annonce peut donc s’entendre comme une manière de figer dans le marbre le plan du tracé.
Le projet excite certains pays arabes. L’Arabie saoudite entretient un antisionisme de façade tout en exerçant un philosémitisme pratique sur plusieurs sujets. Elle œuvre de concert avec Israël sur le contrôle du golfe menant à la mer Rouge. Ainsi, comme le souligne Thierry Meyssan dans Sous nos Yeux : Du 11-Septembre à Donald Trump, l’État hébreu est le seul État à avoir reconnu l’État fantoche du Somaliland dès ses premières déclarations d’indépendance (1960, 1991), avant d’installer une base israélienne lors de sa troisième proclamation (2010) pour contrôler le détroit de Bab-el-Mandeb qui mène par le sud à la Mer Rouge. De même, l’État hébreu aurait fourni aux Saoudiens des armes nucléaires tactiques dans leur guerre contre les Yéménites pour s’ouvrir une façade sur l’océan Indien sans même violer le droit international (Israël n’ayant officiellement ni armes nucléaires, ni signé le traité de non-prolifération, qui ne s’occupe pas des achast à titre privé comme l’ont fait les Saoud). En 2022, les îles égyptiennes de Tiran et Samafir, pourtant égyptiennes suite à la Convention de 1840, et malgré deux annulations par des tribunaux égyptiens, sont « rétrocédées » à l’Arabie saoudite par le chef d’État égyptien proche des intérêts saoudiens qui se sont eux empressés de garantir la liberté de navigation des navires israéliens sous les auspices cacochymes de Joe Biden. Les relations entre Hébreux et Wahhabites étant sur la voie de la normalisation, il faut rappeler que le projet NEOM du prince Salmane, conseillé par notre Jacques Attali international que le monde nous envie, a vocation à modifier l’ensemble de la région. Israël semble être le candidat désigné à assurer le contrôle et la sécurité maritime de la zone.
Ce n’est donc qu’au prisme du multipolarisme, d’un monde arabe désuni, et d’un Israël carrefour mondial des marchandises par le fer, le feu et maintenant l’eau que se lit la question du canal mais aussi des Gazaouis, relégués au rang futur d’erreurs de l’Histoire, pour faire émerger comme l’a dit Jacques, « un bel endroit pour un gouvernement mondial ».
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