Hier 30 septembre, Alexander Mercouris commença son programme quotidien par cette déclaration, dite sur un ton détendu et calme, mais non dépourvu d’une certaine solennité :
« Aujourd’hui, le 30 octobre 2023, est le premier jour où, peut-être, nous commençons à voir les premiers signes d’un léger refroidissement de la tension dans la crise du Moyen-Orient. »
Il est vrai que nous étions renvoyés, dans ce constat, à un vote (vendredi) de l’Assemblée Générale de l’ONU qui a témoigné d’une manière sans guère de précédent, de l’isolement des États-Unis et d’Israël face au reste du monde (140 votes pour, en plus d’une kyrielle d’abstentions, une résolution à laquelle les deux compères s’opposaient avec ferveur). Les plans d’anéantissement et la conduite des durs israéliens sont une pilule un peu rude à avaler, même dans ce champ de navets à tête de radis qui fait office de “communauté internationale”.
Cet isolement de l’hégémon du monde, de cet exceptionnaliste “nation” censée conduire toutes les autres vers une Terre Promise sans trop de Palestiniens, fit passer un frisson à Washington D.C. Elle amena, – surprise, surprise, – à un entretien téléphonique entre Biden et l’Égyptien Al Sisi où le vieux politicard devenu dément retrouva ses anciens réflexes de politicard arrangeur de divers mensonges, combines et corruption, pour jouer mielleusement au vertueux grand’frère et partenaire cherchant désespérément à nourrir, choyer, secourir, câliner les Palestiniens bloqués dans leurs ruines de Gaza par on ne sait quelle malédiction diabolique qui ébahit les Israéliens eux-mêmes.
Mercouris, dont on sait qu’il est un diplomate dans l’âme, put ainsi montrer quelques signes de satisfaction devant ses effluves encore si lointaines mais déjà délicieuses d’un retour de la raison. Aller au-delà alors que le sol est déjà incertain nous paraîtrait extrêmement audacieux, pour ne pas dire utopique.
Alors, dans l’attente du destin de ces souffles de raison, on se tourne vers le solide John Helmer qui donne, dans un texte bien structuré, une analyse de la position russe qui ne dépend en rien des palinodies de Biden. Ici, la description est très intéressante parce qu’elle nous donne un coup d’œil sur ce qui nous attend, du côté russe et surtout de l’état-major russe, où l’on ne se fait aucune illusion, où la principale cible est les États-Unis, où Israël est considéré comme un ennemi et non comme un partenaire incertain, où la puissance et la sécurité de l’Iran sont considérés comme un facteur vital des intérêts russes. L’analyse, parue hier sur le site Helmer, nous parait sérieuse, bien sûr excellemment documentée avec lui, et surtout devoir tenir sur un terme important. (On trouve aussi un débat radio de Helmer avec John Cook.)
dde.org
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Là où le diable vous conduit...
Dans la guerre à ce stade, la force israélo-américaine chargée du génocide et du déplacement des Palestiniens de Gaza semble être en train de gagner. Pas tant sur le terrain que dans le consentement de leurs alliés occidentaux à fournir la logistique, à payer les factures et à approuver la moralité des crimes.
Au moment où William Shakespeare a repris l’idée selon laquelle la force peut contraindre au consentement, la maxime qu’il a rendue populaire était déjà exprimée en anglais depuis deux cents ans. Dans Tout est bien qui finit bien, il fait demander par la comtesse à son clown pourquoi il veut se marier. Il répond : « Mon pauvre corps, Madame, l'exige : je suis poussé par la chair ; et il faut qu’il s’aille là où le diable le conduit ». Habituellement laissé de côté dans ce fameux échange, le bouffon a expliqué qu'il avait « d'autres raisons sacrées ». La comtesse aimait encore moins les entendre, alors elle le renvoya hors de la scène.
Dans les opérations menées jusqu’à présent à Gaza et dans l’idéologie que les responsables et les journalistes israéliens répètent aux médias occidentaux, le diable vise à conduire à la mort chaque Palestinien, qu’il soit né ou non. Dans une telle guerre, la première nécessité pour le Hamas et les Arabes est de survivre afin de continuer à se battre. Rien n’est plus sûr que les “saintes raisons” que Shakespeare a mises dans la bouche de Lavatch le Clown, selon lesquelles survivre pour mener la longue guerre finira par vaincre les besoins de ce diable.
En politique pratique, soit Israël et les États-Unis gagnent leur guerre génocidaire rapidement maintenant, soit ils perdront la longue guerre. Des sources militaires russes rapportent que les États-Unis réapprovisionnent les Forces de défense israéliennes (FDI) à raison de deux transports de l'US Air Force (USAF) par heure, partant de la zone continentale des États-Unis et passant par des bases au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Grèce et à Chypre. . Des sources américaines ont reconnu que l’effort logistique était trop important pour se poursuivre longtemps. À l’heure actuelle, la marine américaine et l’USAF ne peuvent pas continuer à assurer le réapprovisionnement promis des forces ukrainiennes dans leur guerre contre la Russie, tandis que dans les bases américaines en Syrie et en Irak, le Pentagone évacue ses troupes en catimini tout en frappant publiquement ses attaquants arabes.
Les médias arabes, iraniens et russes rapportent qu’en réponse, le Hamas et le Hezbollah maintiennent une cadence de tir appuyée contre Tsahal et les cibles territoriales israéliennes. Ils n’attaquent pas encore les plates-formes de production de gaz offshore d’Israël, qui fournissent l’essentiel du carburant pour les centrales électriques du pays. Ils ne désactivent pas encore les ports et les aérodromes israéliens. L’évaluation militaire russe est que, pour le moment, les capacités du Hamas et du Hezbollah restent intactes et en réserve. La partie arabe fait preuve de retenue.
Quels sont alors les besoins auxquels doivent désormais répondre les alliés des Palestiniens, des États arabes, de l’Iran, puis de la Russie ?
Dimanche, la Russie a officiellement qualifié cette guerre de « projet américain ». Cela fait suite au vote de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) vendredi dernier, le 27 octobre, lorsque les États-Unis et Israël ont mené une infime minorité en faveur de leur courte guerre, comprenant une demi-douzaine d’États insulaires s’enfonçant lentement dans l’océan Pacifique.
Une source moscovite confirme que les États-Unis sont la cible prioritaire de la Russie, car Tsahal ne peut pas continuer à intervenir à Gaza alors que les capacités américaines s’épuisent. Elle estime que les efforts excessifs des États-Unis au Moyen-Orient accéléreront le passage de l’armée russe à l’offensive sur le champ de bataille ukrainien et raccourciront ainsi cette guerre. Les déclarations publiques en faveur d'une médiation entre les parties belligérantes, publiées par le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son ministère, ne reflètent pas toute la position russe, estime la source. La première priorité de la médiation de Lavrov, dit-il, se situe entre l’état-major et le Kremlin. La deuxième priorité est de laisser les Américains démontrer leur faiblesse dans la région en maintenant les Palestiniens sur place, en dissuadant les demandes de concessions égyptiennes et jordaniennes et en empêchant une attaque directe contre l’Iran.
« La véritable position russe, et non les déclarations publiques, dépend en fin de compte du niveau de coopération militaire du ministère russe de la Défense avec Téhéran. Les guerres en Syrie et en Ukraine ont aggravé cette situation. Je m’attends à ce que la ligne publique du ministère des Affaires étrangères change lorsque le nombre de victimes palestiniennes atteindra 20 000 personnes. Comme le montrent déjà clairement les déclarations officielles israéliennes contre le gouvernement russe, ils savent ce qui se passe dans les coulisses. Il ne s’agit plus uniquement des musulmans du Caucase, mais de la plupart des Russes qui estiment qu’il y a eu suffisamment de soutien criant à Israël. Lavrov rattrapera son retard.
» Je dirais que le vrai travail à présent à Moscou consiste à garantir que les Américains n’attaquent pas directement l’Iran. Le reste se déroulera selon la feuille de route de l’état-major que Lavrov pourrait et devrait avoir sous les yeux. Appelez cela la longue guerre pour faire court. »
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