Vian traducteur de Marlowe écrit après la guerre quatre parodies de romans noir : le plus connu est le plus mauvais, J’irai cracher sur vos tombes. Le meilleur est Et on tuera tous les affreux, ouvrage méconnu qui pastiche plusieurs genres : le film d’aventures dans les îles ; le porno (eh oui) ; le roman noir et la SF.
Rappel : dans une île perdue du Pacifique un savant fou nazi nommé Schutz (et non Schwab) « fabrique » du vivant et des stars et surtout des politiciens pour diriger le monde. Parodie géniale de roman noir, d’érotisme et de SF surtout, Et on tuera tous les affreux annonce notre futur… « Je sais pertinemment que les trois cinquièmes des hommes politiques dangereux pour le gouvernement actuel ont été élevés et conditionnés par vous-même… Mes félicitations, d’ailleurs… votre système est très au point. »
On rapprochera ces textes (la volonté de créer un androïde parfait, un robot plus humain que l’humain façon Blade runner) de classiques de la littérature de SF : voir le livre de ma femme Tetyana Popova-Mozovska sur Philip K. Dick et le Grand Reset, qui a recensé et étudié tous les écrits de Dick dans cette perspective. Le premier créateur d’automates fut Dédale en personne.
Mais je pensais aussi aux Stepford wives. Les Stepford Wives sont un roman d’Ira Levin, le légendaire auteur de Rosemary’s baby. Ce film réalisé en 1966-67 comme une guerre des six (ou des 666) jours culturelles précipite la « conquête du cool » et le grande effondrement occidental dont on observe aussi le déchainement agonique et eschatologique qui est proprement satanique.
Les Stepford wives sont un peu différente : Levin se moque des amateurs de femmes gentilles et parfaites – voir de ces « fées du logis »
dont se moquaient déjà les féministes de mon enfance. Elles deviennent
dans l’œuvre luciférienne des démons robotiques. On a un excellent
remake de Franck Oz (2004) avec Glenn Close et Christopher Walken) qui
dénonce cette volonté bourgeoise de créer la potiche parfaite.
Mais je suis remonté sur mes roues. L’ennemi dénonce toujours ce qu’il va faire. Dans Et on tuera tous les affreux,
Vian annonce les Young Leaders de Davos et dans les Stpeford wives, on
nous annonce la femme nouvelle, soit nos politiciennes robotiques
écolo-féministes jeunes et folles. On n’est plus dirigés par des
politiciens mais par des machines humaines (cf. notre livre sur internet
: il est plus facile de transformer l’homme en machine que l’inverse).
Asselineau a à moitié compris le truc quand il a parlé des blancs-becs
de Davos que nos « nonagénaires génocidaires » (l’expression est de moi et je vais la breveter) mettent partout au pouvoir.
Vers la fin (pages 163 et suivantes) de son court et explosif roman, Vian (qui annonce les bobos comme pas un et s’avère être un bon sosie de Macron aussi) écrit :
– Je fais des quantités de blagues aux gens… poursuit Schutz. Bien entendu, je ne me borne pas à élever des enfants dans des bocaux ; ça, ce n’est rien. Je cultive leur corps et leur esprit et je les lance dans la nature, ou alors je les garde avec – 163 – moi pour m’aider dans mes travaux. J’ai de sérieuses références… Ainsi, la star Lina Dardell… elle vient de chez moi… C’est bien pour ça qu’on n’a jamais lu sa biographie nulle part… Il y a dix ans, elle était encore dans son bocal… Le vieillissement accéléré, c’est ce qui est le plus facile à obtenir… Une accélération temporaire du rythme vital, une oxydation un peu renforcée… ça va tout seul… Le gros point, c’est la sélection… l’amélioration… parce qu’il y a tout de même un assez gros déchet… soixante pour cent à peu près…
La fabrique des stars, l’usine à rêves s’applique maintenant à la politique :
– Je suis ici pour tout autre chose… dit Bokanski. Il n’est pas question de physique là-dedans. Vous le savez bien. – Ah, dit Schutz, si vous parlez par énigmes, je ne vous suis plus. Venez voir mes petites filles ; nous avons perdu assez de temps comme ça… Je vous demande une heure de votre temps et je vous fiche la paix… – Écoutez, dis-je. Vraiment, je sors d’en prendre et ce n’est pas une métaphore. Il y a seulement vingt-quatre heures, j’étais intégralement puceau et je vous assure que je regrette ce temps-là. Car depuis hier matin huit heures, je n’arrête pas…
On remarque que Schutz évoque les petites filles (elles baisent comme des tordues et se suicident si on les trouve laides) : on est déjà dans Epstein Island, comme dans l’Ile fantastique, le feuilleton cool et satanique des années 70-80. Venez dans notre île au plaisir…
Le visionnaire Vian évoque ensuite un politicien parfait (un Hunter Biden ?) bizarrement nommé Kaplan (je pense à Hitchcock et à sa mort aux trousses) :
Schutz ne répond rien et il continue, imperturbable. – Vous avez entendu parler de Pottar ? poursuit Mike. Rock, vous connaissez Pottar ? – Ben… oui, comme tout le monde, dis-je. J’ai lu ses articles… mais je ne l’ai jamais vu… – On ne sait pas qui est Pottar, continue Mike, qui parle rêveusement comme s’il était seul ; mais derrière Pottar, il y a déjà vingt millions d’Américains prêts à marcher avec lui au moindre signe. Et Kaplan ? – Je sais qui est Kaplan… dis-je. C’est lui qui a mené la récente campagne contre le gouverneur Kingerley. – Kaplan est apparu dans le monde politique il y a quatre ans, dit Mike ; et il a fait échouer tous les projets de Kingerley, un homme qui est depuis vingt ans dans le bain… On ne sait rien de Kaplan… mais quand on prend la peine de comparer les théories de Kaplan et celles de Pottar… on a de curieuses surprises… – Je suis très peu la politique… dit Schutz. (…) Kaplan et Pottar plaisent aux foules, dit Mike. Ils sont beaux, ils sont intelligents, ils ont du charme…
Un agent du FBI (agence pas encore assez noyautée et grand-remplacée apparemment) ajoute :
– Kaplan et Pottar sortent de chez vous… dit Mike froidement. Il y a un silence. Schutz s’arrête et ses yeux gris et glacés tombent sur Mike. – Écoutez, Bokanski, dit-il, épargnez moi vos plaisanteries… Parlons d’autre chose… Je vous le demande comme un service personnel… – Ça va, dit Mike. Je n’insiste plus… Mais quant à me dire que vous vous contentez de cultiver le physique des gens, n’attendez pas que j’avale celle-là… Je sais pertinemment que les trois cinquièmes des hommes politiques dangereux pour le gouvernement actuel ont été élevés et conditionnés par vous-même… Mes félicitations, d’ailleurs… votre système est très au point. Schutz se met à rire. – Écoutez, Bokanski… J’allais me fâcher, mais vous dites ça avec un tel sérieux que je vous pardonne… Moi, Markus Schutz, en train de préparer la ruine de mon pays… en train de noyauter tous les milieux pour mettre la main sur les leviers de commande ? Enfin, mon cher… vous voulez plaisanter… Je suis dans mon île comme un roi sans couronne, je me livre à mes expériences en toute tranquillité…
Pendant longtemps aussi j’ai cru que le forum économique mondial se livrait à des expériences en toute tranquillité…
Nicolas Bonnal
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