Le conflit israélo-palestinien
Comme si l’enchaînement de crises qui touchent le monde actuel n’était pas suffisant, une des plus anciennes et amères a tout à coup repris de l’ampleur, le conflit israélo-palestinien.
C’est une crise ou le biais d’appartenance (le fait de s’identifier à un des côtés, ce qui nous fait perdre tout objectivité), la mauvaise foi politique, la censure médiatico-gouvernementale, la propagande de guerre et la crainte d’être traité d’antisémite sont réunis pour faire de cette crise une caricature de notre époque.
Je ne vais pas m’aventurer dans la liste sans fin des pours et des contres pour une affaire qui est plus âgées que moi et qui continue de diviser même des pays qui ne devraient pas se sentir directement concernés, comme la France. Sur cette affaire chacun à son biais d’appartenance et s’y accroche comme l’huitre à son rocher. Sujet explosif s’il en est.
Pourtant les faits sont clairs. Un peuple exproprié de sa terre natal par un autre qui utilise des préceptes datant de 2000 ans comme justificatif pour sa colonisation. Un peuple armé jusqu’au dent, ayant même des bombes nucléaires, face à un autre n’ayant pas d’armée, juste des « groupes de terroristes », pour tenter de se défendre. Un peuple soutenu par « la communauté internationale », c’est-à-dire le bloc occidental, face à un autre qui semble bien isolé. Une impossibilité organique de pouvoir s’entendre et vivre ensemble quand une des parties en conflit s’affirme ouvertement « nation juive » dans laquelle seuls les juifs peuvent obtenir la nationalité….
Nous nous bornerons donc à présenter les faits et observer les positions de différents pays face à ce nouvel accès de fièvre.
La première chose qui saute aux yeux de l’observateur est que le bloc occidental n’essaye même plus de prendre une attitude de neutralité, comme il avait tendance à faire auparavant sur ce sujet. Le monde occidental fait maintenant bloc autour d’Israël, quelques soient les circonstances :
« Les États-Unis envoient leur porte-avions le plus récent et le plus avancé, ainsi qu’un groupe d’intervention complet, pour soutenir Israël à la suite d’une attaque terroriste qui a tué des centaines de civils.
Le USS Gerald R. Ford et ses plus de 4 000 marins ont été déployés pour la première fois l’année dernière. Décrit par les responsables de la marine américaine comme “le plus grand et le plus redoutable des navires de guerre américains”, il est doté d’un pont d’envol redessiné qui lui permet de générer 30 % de vols supplémentaires par rapport à n’importe quel autre porte-avions américain.
Le Ford sera accompagné d’un croiseur à missiles guidés et de cinq destroyers à missiles guidés.
En outre, Austin a indiqué que les États-Unis prenaient des mesures pour renforcer les escadrons de chasseurs F-35, F-15, F-16 et A-10 de l’armée de l’air américaine au Moyen-Orient.
Il a ajouté que les États-Unis allaient fournir à l’armée israélienne des équipements, des ressources et des munitions supplémentaires, qui devraient arriver dans les prochains jours, ce que M. Austin a réaffirmé au ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, lors d’un appel téléphonique dimanche, selon le Pentagone.
“Le renforcement de notre dispositif de forces conjointes, en plus du soutien matériel que nous fournirons rapidement à Israël, souligne le soutien indéfectible des États-Unis aux forces de défense israéliennes et au peuple israélien”, a déclaré M. Austin dans le communiqué. »
« Dans un communiqué commun publié lundi 9 octobre en fin de soirée, l’Allemagne, les États-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni indiquent qu’ils « soutiendront les efforts d’Israël pour se défendre » après l’offensive meurtrière menée par le Hamas samedi. Ces cinq puissances condamnent « sans ambiguïté possible le Hamas et ses actes terroristes révoltants ».
Je remarque au passage que les pays occidentaux soutiennent tous « le droit d’Israël à se défendre » mais que pas un mot n’est dit sur « le droit des palestiniens à se défendre », sous entendant que ce sont toujours les palestiniens les agresseurs et les israéliens les victimes. Une totale inversion des faits.
Il y aura même rétorsion contre le peuple palestinien de la part de l’Union Européenne :
« La Commission européenne a déclaré lundi qu’elle réexaminait l’ensemble de son aide au développement en faveur des Palestiniens, d’une valeur de 691 millions d’euros (729 millions de dollars), et qu’elle suspendait immédiatement tous les paiements à la suite de l’attaque du Hamas contre Israël.
“L’ampleur de la terreur et de la brutalité contre Israël et son peuple marque un tournant”, a déclaré Oliver Varhelyi, commissaire européen chargé du voisinage et de l’élargissement, dans un message publié sur les réseaux sociaux. “On ne peut pas continuer à faire comme si de rien n’était. »
Pourtant un journal israélien, Harrezt, est bien obligé de le reconnaître :
« Terrorisés par les colons, les bergers palestiniens de Cisjordanie sont contraints de quitter les villages où ils vivent depuis des décennies. La semaine dernière, c’était au tour d’Al-Baqa’a »
« Les principaux ministres israéliens assistent à la démolition de maisons bédouines ; Ben-Gvir : C’est un “devoir sacré”.
C’est la première fois que des ministres viennent applaudir ceux qui détruisent une maison et laissent ses habitants sans solution de rechange”, déclare un militant bédouin israélien. « C’est une chose cruelle » »
« Un ministre israélien d’extrême droite prépare le terrain pour doubler la population de colons en Cisjordanie
Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, a demandé que l’on se prépare à l’installation de 500 000 colons supplémentaires en Cisjordanie en modernisant l’infrastructure des colonies et des avant-postes illégaux. »
Pourtant, dans une répétition du cas de l’Ukraine, les dirigeants occidentaux parlent tous de l’attaque « non provoquée » du Hamas contre Israël :
« Nous voyons la classe politique/médiatique occidentale bêler à nouveau le mot “non provoqué” à l’unisson, cette fois-ci en référence à la vaste opération sur plusieurs fronts lancée par le Hamas contre Israël samedi matin, qui aurait tué des centaines d’Israéliens.
“Les États-Unis condamnent sans équivoque les attaques non provoquées des terroristes du Hamas contre les civils israéliens”, peut-on lire dans un communiqué de la Maison Blanche.
“La perte de vies humaines en Israël à la suite de l’attaque violente, calculée et non provoquée du Hamas est déchirante”, déclare Hakeem Jeffries, chef de la minorité de la Chambre des représentants.
“L’attaque terroriste non provoquée d’aujourd’hui et les meurtres de citoyens israéliens innocents sont un rappel brutal de la brutalité du Hamas et des extrémistes soutenus par l’Iran”, déclare Jim Jordan, membre du Congrès et candidat à la présidence de la Chambre des représentants.
“Cette attaque ignominieuse, non provoquée et barbare contre Israël doit faire l’objet d’une condamnation mondiale et d’un soutien sans équivoque au droit à l’autodéfense de l’État juif”, a tweeté le candidat à l’élection présidentielle Robert F. Kennedy Jr.
Il s’agit d’une “attaque non provoquée contre des civils” : Le lieutenant-général Keith Kellogg”, peut-on lire dans une récente dépêche de Fox News.
“L’agression non provoquée par les terroristes du Hamas”, peut-on lire dans un tweet de l’ancien secrétaire d’État Mike Pompeo….
Je pourrais citer beaucoup, beaucoup d’autres exemples, mais je pense que c’est suffisant pour comprendre ce que j’essaie de dire. N’est-il pas étrange de voir le même choix de mots étrangement spécifiques inséré encore et encore à propos du même événement dans les déclarations des politiciens et des experts, quelle que soit leur affiliation politique ? Lorsque vous les mettez tous ensemble, cela commence à sembler très suspect, comme quelqu’un qui se réfère toujours à sa voiture comme “ma voiture, que je n’ai pas volée”, ou qui présente toujours son épouse comme “ma femme, que je ne bats pas”.
Il est clair maintenant que chaque fois que vous voyez le mot “non provoqué” être répété avec force et de manière uniforme par l’ensemble de la classe politique/médiatique, ce dont ils parlent a certainement été massivement provoqué.
Nous avons vu exactement la même chose lorsque la Russie a envahi l’Ukraine ; dès le début, la politique et les médias occidentaux ont été saturés du mot “non provoqué”, bombardant le public occidental avec ce message encore et encore, malgré le fait évident et indéniable que la guerre en Ukraine a été très certainement provoquée.
Comme l’a dit Noam Chomsky l’année dernière, “Bien sûr, elle a été provoquée. Sinon, ils ne parleraient pas sans cesse d’une invasion non provoquée”.
Il en va de même pour la dernière offensive du Hamas. Il y a toutes sortes d’arguments que l’on peut légitimement avancer à son sujet, mais il y en a un que l’on ne peut absolument pas défendre, c’est qu’elle n’a pas été provoquée. Comme l’a dit l’écrivain et humoriste palestino-américain Amer Zahr sur Twitter, “75 ans de nettoyage ethnique. 15 ans de blocus. Confiscation des terres palestiniennes. Pogroms dans les villes palestiniennes. Profanation des sites sacrés palestiniens. Raids quotidiens dans les maisons palestiniennes. L’humiliation constante de tout un peuple. Rien de ce qui se passe aujourd’hui n’est ‘non provoqué'”.»
Les Etats-Unis sont même prêts à fermer les yeux face au massacre en cours à Gaza :
« Alors qu’Israël intensifie ses attaques contre Gaza, le Département d’Etat décourage les diplomates travaillant sur les questions du Moyen-Orient de faire des déclarations publiques suggérant que les Etats-Unis souhaitent moins de violence, selon des courriels internes consultés par le HuffPost.
Dans des messages diffusés vendredi, le personnel du département d’État a écrit que les hauts fonctionnaires ne veulent pas que les documents destinés à la presse contiennent trois expressions spécifiques : “désescalade/cessez-le-feu”, “fin de la violence/effusion de sang” et “rétablissement du calme”.
Cette révélation constitue un signal fort de la réticence de l’administration Biden à inciter Israël à la retenue, alors que ce proche partenaire des États-Unis étend l’offensive qu’il a lancée après que le Hamas – qui dirige Gaza – a attaqué des communautés israéliennes le 7 octobre.
Les courriels ont été envoyés quelques heures après qu’Israël a demandé à plus de 1,1 million d’habitants du nord de la bande de Gaza de quitter leurs maisons et leurs abris en prévision d’une invasion terrestre de la région. Jeudi, les Nations unies ont déclaré qu’Israël avait donné aux habitants de Gaza un délai de 24 heures pour se rendre dans le sud de la bande de Gaza, et ont averti qu’il serait “impossible qu’un tel mouvement ait lieu sans conséquences humanitaires dévastatrices”. »
Du côté israélien, c’est la surprise d’un pays qui se croyait en toute sécurité derrière son « dôme de fer » :
« Ce samedi 7 octobre, la plus puissante armée du Moyen-Orient a été prise de court et mise en échec. Ses avions de guerre ont été cloués au sol. Elle a mis des heures à réagir : une débâcle totale. Les commandos du Hamas se sont infiltrés en territoire israélien avec une facilité déconcertante, sans presque aucune résistance en face.
Des bases de l’armée israélienne ont été conquises en rien de temps. Des soldats ont été capturés, abattus. Des civils et des militaires israéliens ont été enlevés et envoyés à Gaza. Il s’agit à la fois d’un échec militaire pour Israël et d’un échec cuisant pour ses services de renseignements.
Si l’armée israélienne a donc tardé à réagir, elle écrase pourtant désormais Gaza sous les bombes. Le message d’Israël est clair : « vous nous terrorisez, on vous terrorise ». L’armée israélienne a ciblé, comme en 2021 lors de la précédente grande guerre à Gaza, les tours d’habitation. Officiellement parce qu’elles abritent des positions du Hamas. Mais la réalité derrière cette stratégie est la volonté de frapper fort, de marquer les esprits, de traumatiser et de couper l’envie de recommencer aux Palestiniens.
Encore une fois, l’État hébreu se lance dans la politique du « tout sécuritaire ». Une stratégie pourtant défaillante, aussi vieille que l’occupation et qui dure depuis 56 ans. Répression, colonisation, attaques de colons, des centaines de Palestiniens tués chaque année, des détentions arbitraires, la profanation de lieux saints musulmans et chrétiens… La violence appelle la violence. Malheureusement, les civils innocents israéliens et palestiniens en payent le prix. »
La dangereuse mais classique déshumanisation de l’ennemi est en cours :
« Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a ordonné ce 9 octobre un « siège complet » de la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, au troisième jour de l’offensive surprise et massive lancée par le mouvement islamiste palestinien. « Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé », a-t-il déclaré dans un message vidéo en hébreu. « Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence », a ajouté le ministre. »
Pour justifier la féroce répression que subissent les civils palestiniens, comme le fait remarquer l’œil de lynx de Caitlin Johnstone :
« Il est intéressant de constater que la semaine dernière, Israël n’avait aucune idée des activités du Hamas, alors que cette semaine, il connaît toutes les mosquées, les écoles et les hôpitaux dans lesquels le Hamas se cache.
Lorsque vous vivez dans un empire du mensonge, on vous demande de croire beaucoup de choses très stupides. La chose la plus stupide que l’on nous demande de croire cette semaine est que les services de renseignement israéliens sont à la fois si incompétents que l’attaque du Hamas de samedi les a pris complètement par surprise, mais en même temps si compétents que tous les bâtiments qu’ils détruisent avec leur campagne de bombardements incessants sur Gaza sont dirigés uniquement vers le Hamas.
L’expression “cibles du Hamas” a fait le tour des médias ces derniers jours en référence aux attaques en cours sur Gaza, qui ont tué à ce jour plus de 1 500 Palestiniens, dont un tiers d’enfants.
“Israël mène des frappes à grande échelle sur des cibles du Hamas”, titre CNN.
Israël mène des “frappes à grande échelle” sur des cibles du Hamas”, lit-on dans le titre d’une séquence d’ABC News.
“Israël affirme avoir largué 6 000 bombes contre des cibles du Hamas”, lit-on dans un article du Washington Post.
Israël doit avoir une très bonne visibilité de la bande de Gaza pour savoir que chacune de ces 6 000 bombes visait des “cibles du Hamas” et pas seulement des bâtiments civils.
Où était cette vision 20/20 lorsque le Hamas préparait une attaque à l’aide de parapentes motorisés, de drones et de bateaux à moteur dans une bande de terre fermée de la taille de Philadelphie ? Comment les services de renseignement israéliens n’ont-ils pas détecté les préparatifs de cette attaque, alors même que les services de renseignement égyptiens les avaient prévenus de son imminence ? Comment ont-ils échoué de manière si spectaculaire que même le Hamas aurait été surpris par l’ampleur du succès de son opération ? Est-il vraiment raisonnable de croire qu’ils étaient aveugles comme des taupes aux activités du Hamas la semaine dernière, mais qu’ils ont l’œil de l’aigle cette semaine ? »
Doutes d’autant plus valides que c’est le gouvernement israélien lui-même qui a financé le Hamas. Même RFI est maintenant obligé de reconnaitre ce qui est pourtant encore désigné comme une « hypothèse complotiste » :
« Dans le même temps, le Hamas, organisation islamiste créée en 1987 et opposée aux accords d’Oslo qui devaient garantir la reconnaissance d’Israël par un futur État palestinien, voit son influence s’étoffer grâce à la bienveillance des gouvernements Sharon puis Netanyahu, tandis que Fatah et OLP sont peu à peu affaiblis et décrédibilisés. « Nous avons permis l’émergence d’un monstre : le Hamas a été nourri à l’instar du Golem de la tradition juive, qui se retourne aujourd’hui contre nous », se désole David Ben Ishay, co-fondateur du collectif des Démocrates modérés. Les valises remplies de billets qatariens à destination du Hamas via Israël remontent aujourd’hui à la surface. « Le mouvement continuait à exister mais il a perdu de son ampleur après l’échec d’Oslo et les intifadas : le message de paix passait plus difficilement dans la société israélienne », rappelle Alain Ronzenkier. »
Dans un article qui montre le peu d’espoir pour une paix entre Israël et la Palestine :
« Quel camp pour la paix ?
Qu’il est loin le temps où le mot renvoyait à un horizon atteignable grâce à un large désir social et politique : les manifestations géantes de plusieurs centaines de milliers de personnes dans les années 1970 et 1980 – comme celles rassemblées en 1978 à l’appel de plus de 378 officiers pour conclure la paix avec l’Égypte ; la naissance en 1992 du Meretz, parti historique de la gauche laïque et traduction politique du mouvement social pacifiste, qui entre à la Knesset ; la poignée de main Rabin-Arafat – bon gré, mal gré – devant la Maison Blanche l’année suivante. Et c’est d’ailleurs lors d’un rassemblement géant de La Paix maintenant (Shalom Arshav), mouvement de référence historique, que l’assassinat d’Yitzak Rabin en novembre 1995, par un extrémiste juif, vient briser la dynamique diplomatique. Si les espoirs ne meurent pas avec le prix Nobel de la paix, la seconde intifada (2000-2005) scelle la fin du processus d’Oslo. »
Sans surprise, l’Iran soutient la cause palestinienne :
« L’Iran estime que l’opération de grande envergure lancée par les groupes de résistance palestiniens contre Israël est une réponse naturelle et légitime aux crimes commis par le régime contre le peuple palestinien au cours des derniers mois.
Le ministre iranien des affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a fait cette remarque lors d’un appel téléphonique avec le responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, lundi, au troisième jour de l’opération “Tempête al-Aqsa”, la plus grande opération militaire contre Israël depuis des décennies.
Amir-Abdollahian a dénoncé l’inaction de l’Occident face aux “crimes systématiques” du régime israélien contre les Palestiniens, déclarant : “Si l’Europe et l’Occident avaient mis fin aux crimes du [Premier ministre israélien Benjamin] Netanyahou sans [appliquer leur] politique de deux poids, deux mesures, peut-être que la Palestine ne serait pas témoin de cette situation aujourd’hui”.
Le haut diplomate iranien a également exhorté la communauté internationale à faire de son mieux pour soutenir les droits du peuple palestinien.
Pour sa part, M. Borrell a déclaré que l’UE avait critiqué le comportement de M. Netanyahu, ajoutant toutefois qu’il était nécessaire de penser à promouvoir la paix dans la conjoncture actuelle. »
Quant à la Russie et la Chine qui assume leur nouveau statut de puissances mondiales, elles sont sur ce sujet aussi sur la même longueur d’onde, la fameuse « solution à deux Etats » :
« La Russie et la Chine ont plaidé en faveur d’un véritable processus de paix au Proche-Orient lors d’une session d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU organisée dimanche pour discuter des récentes attaques du groupe militant palestinien Hamas contre Israël, les pires que le pays ait connues depuis des décennies.
“Mon message est le suivant : Il est important d’arrêter immédiatement les combats, de conclure un cessez-le-feu et d’entamer des négociations sérieuses, qui sont au point mort depuis des décennies“, a déclaré à la presse Vassily Nebenzia, représentant permanent de la Russie auprès de l’organisation internationale.
Nebenzia a souligné que la Russie condamnait toutes les attaques contre les civils. L’ambassadeur chinois Zhang Jun a exprimé une position similaire avant la réunion, exhortant le monde à “revenir à la solution des deux États“.
Le Conseil de sécurité n’a toutefois pas produit de déclaration commune sur la question en raison de désaccords entre ses membres. »
https://www.rt.com/news/584390-unsc-meeting-hamas-isreal/
« La décision unilatérale des États-Unis d’envoyer des armes et des navires de guerre à Israël après l’attaque du Hamas “alimentera davantage la tension et provoquera une crise humanitaire plus grave”, ont déclaré des observateurs chinois. En outre, la réaction maladroite de Washington à l’attaque surprise reflète également l’échec de ses politiques au Moyen-Orient, résultat de ses volte-face et de son indécision, ont commenté les observateurs.
Répétant leur tactique d’attiser les flammes comme ils le font dans la crise russo-ukrainienne, les États-Unis font également pression sur d’autres pays, dont la Chine, pour qu’ils condamnent le Hamas. »
https://www.globaltimes.cn/page/202310/1299509.shtml
« Zhai Jun, envoyé spécial du gouvernement chinois sur la question du Moyen-Orient, a eu un entretien téléphonique mardi avec un responsable du ministère égyptien des Affaires étrangères. Zhai a déclaré que la solution fondamentale du conflit israélo-palestinien réside dans la mise en œuvre de la solution des deux États, et que la Chine est prête à promouvoir un cessez-le-feu immédiat et la cessation de la violence, et à fournir un soutien humanitaire au peuple palestinien.
Zhai a souligné que le cycle du conflit israélo-palestinien se poursuivait et que le nœud du problème résidait dans l’incapacité à résoudre la question palestinienne de manière équitable. “La solution fondamentale réside dans la mise en œuvre de la solution des deux États, et la communauté internationale devrait faire des efforts pratiques avec le plus grand sens de l’urgence pour la promouvoir. »
https://www.globaltimes.cn/page/202310/1299618.shtml
Le problème est que la « solution à deux Etats », le gouvernement israélien n’en veut pas. L’objectif affiché de Netanyahou est l’annexation progressive de toute la Palestine.
Ce que nous pouvons donc observer à cet instant « t » est que, parallèlement au fait que l’OTAN, armée occidentale parée de toutes les puissances dans l’imaginaire collectif mondial, s’est retrouvée nue face à l’échec de sa confrontation indirecte contre la Russie, il risque d’arriver la même chose à Tsahal, la puissante armée israélienne, si le conflit dégénère et qu’elle se retrouve confrontée aux groupes armés des nations arabes environnantes sans pouvoir avoir le dessus. Cela sera un coup de plus à l’image de la puissance occidentale dans la conscience collective mondiale :
« L’attaque-surprise du Hamas contre Israël a pris tout le monde de cours et montré d’énormes négligences du renseignement israélien si réputé et si vanté. Cette grossière faiblesse stratégique d’Israël, un bastion occidental au Moyen-Orient, est après la faiblesse occidentale en Ukraine une indication de plus de ce que les capacités de force des Occidentaux, dépassées et inadaptées, sont un simulacre de plus. Cette crise, la nième reprise du même drame, confirme l’effondrement de l’hégémonie de l’Ouest-tardif. »
https://www.dedefensa.org/article/pour-une-crise-de-plus
Les prochaines semaines nous dirons ce qu’il en est vraiment.
Ukraine
Alors que les regards se sont tous tournés vers le Proche-Orient, la Russie en profite pour lancer l’attaque en Ukraine :
« Les militaires russes ont lancé de petites attaques sur l’ensemble de la ligne de front. Un effort majeur est tenté près d’Avdeevka qui, hier, a été bombardée lourdement :
Le titre est le suivant : “L’armée russe a porté un coup d’une puissance inédite aux Forces armées ukrainiennes (FAU)“. Il s’agit du bombardement aérien d’Avdeevka, ville ukrainienne lourdement fortifiée située à 14 kilomètres de la ville de Donetsk, centre urbain de plus d’un million d’habitants et capitale de l’oblast (région) du Donbass. La ville de Donetsk était frappée quotidiennement par des missiles et des obus d’artillerie lancés depuis Avdeevka depuis la période précédant l’opération militaire spéciale, et avec une intensité de plus en plus grande pendant l’opération militaire spéciale. Des images vidéo de maisons et d’immeubles détruits ont été diffusées dans les journaux télévisés russes du soir, en même temps que les chiffres des pertes et les témoignages des victimes. »
https://lesakerfrancophone.fr/ukraine-sitrep-prise-dassaut-dandivka-pertes-ukrainiennes
D’un côté il y a les cris de guerre et de l’autre les besoins du commerce. Il semble que le Canada sache bien manier les deux :
« Au jeu de quelle capitale occidentale sanctionne le mieux la Russie, toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne. Si du côté de Paris, notamment, on a enjoint, dès le mois de mars 2022, les firmes françaises « de respecter les sanctions », et donc in fine d’abandonner leurs actifs en Russie, les autorités canadiennes se montreraient plus coulantes, à en croire Le Devoir. Dans une publication datée du 3 octobre, le quotidien québécois révèle que les autorités canadiennes auraient délivré depuis mars 2022 « plus d’une dizaine de permis spéciaux » à des entreprises nationales afin de contourner leur propre régime de sanctions contre Moscou. »
https://francais.rt.com/international/107421-sanctions-canada-autorise-catimini-commerce-russie
Le magazine étasunien FAIR, Fairness and Accuracy In Reporting, propose un compte rendu de la couverture médiatique étasunienne au sujet de l’Ukraine, confirmant les observations de nos revues de presse en donnant de nombreux exemples :
« Il est clair depuis un certain temps que les médias corporatifs américains ont explicitement pris parti pour la guerre en Ukraine. Ce rôle consiste notamment à supprimer l’histoire pertinente des événements qui ont conduit à la guerre (FAIR.org, 3/4/22), à attaquer les personnes qui évoquent cette histoire en les qualifiant de “théoriciens du complot” (FAIR.org, 5/18/22), à accepter les déclarations officielles du gouvernement pour argent comptant (FAIR.org, 12/2/22) et à promouvoir une image exagérément rose du conflit afin de remonter le moral de la population.
Pendant la majeure partie de la guerre, la couverture américaine a été aussi pro-ukrainienne que les médias ukrainiens, désormais jugulés sous le gouvernement Zelenskyy (FAIR.org, 5/9/23). Des prédictions catastrophiques sont apparues sporadiquement, mais ont été noyées dans une couverture tambour battant décrivant une armée ukrainienne sur le point de remporter la victoire et une armée russe incompétente et sur le point de s’effondrer. »
https://fair.org/home/hyping-ukraine-counteroffensive-us-press-chose-propaganda-over-journalism/
Cette vidéo en français qui résume les techniques de propagande de guerre que nous avons souvent l’occasion de démontrer dans nos revues de presse :
https://www.youtube.com/watch?v=TPOsu-a2EXw&t=1042s
Afrique
La semaine dernière, nous observions que les Etats-Unis n’avaient pas fait un geste envers la France pour qu’elle reste au Niger, pensant pouvoir prendre le relais sur place pour mieux empêcher la Russie de s’y installer. Il semble que leur espoir d’une entente avec le nouveau gouvernement nigérien était vain, d’où ce soudain retournement de situation :
« Washington qualifie la prise de pouvoir des militaires au Niger de coup d’État et coupe son aide
Les États-Unis ont formellement qualifié mardi 10 octobre la prise de pouvoir des militaires au Niger cet été de coup d’État et annoncé en conséquence la suppression de quelque 500 millions de dollars d’aide économique. »
Thierry Meyssan nous propose son analyse des raisons de la perte d’influence de la France en Afrique :
« Face à la vague de changements de régimes en Afrique francophone, les médias français sont stupéfaits. Ils ne parviennent pas à expliquer le rejet de la France.
Les anciennes rengaines sur l’exploitation coloniale ne sont pas convaincantes. Par exemple, on note que Paris exploite l’uranium du Niger, non pas au prix du marché, mais à un autre ridiculement bas. Cependant, les putschistes n’ont jamais évoqué cet argument. Ils parlent de tout à fait autre chose. Les accusations de manipulation russe ne sont pas plus crédibles. D’abord parce que la Russie ne semble pas se tenir derrière les putschistes du Mali, de la Guinée, du Burkina-Faso, du Niger ou du Gabon, mais surtout parce que le mal est de loin antérieur à leur arrivée. La Russie n’est arrivée en Afrique qu’après sa victoire en Syrie, en 2016, alors que le problème date au moins de 2010, si ce n’est de 2001.
Comme toujours, ce qui rend la situation illisible, c’est d’oublier ses origines….
Un sanctuaire de camps militaires d’Al-Qaïda a été formé entre les villes de Ghat (près de la frontière algérienne) et de Sabbah (proche du Niger) dans le désert du Fezzan, au Sud de la Libye. Selon le très sérieux Canard enchaîné, ces académies du jihadisme ont été organisées par les services secrets britanniques et français.
Il y a trois ans, le 8 octobre 2021, le Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, donnait une interview à RIA Novosti [5] qui a été largement reprise et commentée dans toute la région, mais pas en France où personne ne la connaît, sauf nos lecteurs.
Selon Yaou Sangaré Bakar, ministre nigérien des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’extérieur, qui l’a écrit au Conseil de sécurité (Ref. S/2023/636), le mois dernier, des agents français ont libéré des terroristes qui étaient prisonniers. Ils ont été regroupés dans une vallée du village de Fitili (28 km nord-ouest de Yatakala) où une réunion de planification s’est tenue dans l’objectif d’attaquer des positions militaires dans la zone des trois frontières. Des chefs terroristes, au nombre de seize, ont été appréhendés dans trois opérations dont deux en territoire nigérien et une en territoire malien. »
https://www.voltairenet.org/article219656.html
Des informations confirmées par le gouvernement algérien :
« « Le terrorisme est devenu la menace numéro un pour la paix et la sécurité en Afrique. Les développements récents ont clairement démontré que, si cette menace a considérablement diminué dans d’autres parties du monde, elle a augmenté de façon exponentielle sur notre continent, en particulier dans la région du Sahel », a déclaré M. Attaf dans une allocution prononcée lors d’une réunion ministérielle de l’Union africaine (UA) pour débattre des menaces terroristes accrues auxquelles sont confrontés les pays et les peuples du continent africain, ces derniers temps.
« Tirant les leçons de son expérience amère mais réussie dans la lutte contre ce fléau, l’Algérie est fermement convaincue qu’une approche à deux volets est indispensable pour lutter à la fois contre les manifestations du terrorisme et ses causes profondes dans la région du Sahel et au-delà », a-t-il souligné.
« Face à une menace en constante évolution, nous avons certainement besoin d’une nouvelle approche, d’un nouvel engagement et d’une action audacieuse. Le statu quo n’est plus une option, ni une position confortable », a-t-il encore dit.
À cet égard, « l’Algérie a appelé à la tenue d’une conférence internationale sur le développement au Sahel ainsi qu’à la création d’un nouveau modèle d’opérations de paix mieux adapté aux contextes de lutte contre le terrorisme », a rappelé M. Attaf.
Le Sahel, épicentre mondial du fléau du terrorisme
Par ailleurs, M. Attaf a tenu à préciser que la région du Sahel, qui est confrontée à des défis de développement complexes, étant l’une des plus pauvres du monde, était récemment devenue comme un « arc de feu » qui s’étend de la mer Rouge à l’océan Atlantique. Une zone qui abrite actuellement la plus forte concentration de conflits armés et de situations de crise qui continuent à infliger des souffrances insupportables aux populations civiles.
Cette région « est devenue la plus touchée et l’épicentre mondial du fléau du terrorisme. En 2022 seulement, elle a enregistré plus de 43% des décès dus au terrorisme dans le monde », a-t-il enchaîné.
Il a aussi souligné que les pays et les peuples de la région du Sahel « sont confrontés à des groupes terroristes qui sont considérés comme parmi les plus dynamiques et les plus meurtriers au monde, des groupes lourdement armés et équipés d’armes sophistiquées, des groupes qui ont étendu leur contrôle sur de vastes zones géographiques où ils agissent comme les autorités locales de facto, et des groupes armés capables de déployer des stratégies militaires incroyablement habiles ».
« Pour faire court, en Algérie, nous avons cessé d’utiliser l’appellation de +groupes terroristes+ pour décrire ce qui pourrait être qualifié avec exactitude et réalisme +d’armées terroristes+ », a-t-il fait savoir. »
https://french.almanar.com.lb/2701943
Bien sur cette information est donnée par le chef du Service russe des renseignements extérieurs et publiée sur Sputnik News, mais elle vient renforcer ce que dénonce de nombreux dirigeants africains :
« Ces derniers temps, l’Afrique attire une attention particulière des États-Unis et de leurs alliés […]. Nous disposons d’informations fiables selon lesquelles les services de renseignement occidentaux travaillent déjà avec des groupes terroristes locaux, les orientant à mener des attaques terroristes et des actes de sabotage contre des infrastructures au Mali et en République centrafricaine”, a indiqué M.Narychkine, lors de la 53e édition du Conseil des chefs des services secrets des pays de la Communauté des États indépendants (CEI), qui s’est tenue à Bakou du 10 au 12 octobre. »
L’Afrique en a assez d’être ainsi malmenée par les grandes puissances. Le chef d’Etat guinéen a profité de la dernière assemblée générale de l’ONU pour le dire, au nom des pays africains :
« Le chef de l’État guinéen, plusieurs fois applaudi, a dénoncé un modèle de gouvernance selon lui « imposé » par l’Occident. Un modèle occidental qu’il estime être un échec sur le continent. « L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui nous a été imposé, un modèle certes bon et efficace pour l’Occident, qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à passer et à s’adapter à notre réalité », a-t-il déclaré devant l’Assemblée générale. « Hélas, j’aimerais dire que la greffe n’a pas pris. »
Le leader de la junte a également dénoncé les « catégorisations » dans lesquelles les autres nations veulent cantonner les États africains. « Nous ne sommes ni pro, ni anti-Américains, ni pro, ni anti-Chinois, ni pro, ni anti-Français, ni pro, ni anti-Russes. Nous ne sommes tout simplement pro-Africains, c’est tout. Nous mettre sous la coupe de telle ou telle puissance est une insulte à une population de plus d’un milliard d’Africains, a-t-il martelé, dont environ 70% des jeunes totalement décomplexés. Des jeunes ouverts sur le monde et décidés à prendre en main leur destin. »
Il semble que la Russie a bien capté le message et n’utilise que son « soft power » dans ses relations avec ce continent :
« Le Burkina Faso et la Russie continuent de resserrer leurs liens : un accord a été signé ce 13 octobre pour la construction d’une centrale nucléaire par Moscou dans ce pays sahélien où moins d’un quart de la population a accès à l’électricité…
Le document « vient concrétiser le souhait du président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, exprimé en juillet dernier lors du sommet Russie-Afrique au cours d’un entretien avec son homologue russe Vladimir Poutine », détaille le gouvernement burkinabè. »
Différentes visions du monde
La semaine dernière, par pure coïncidence, trois grandes puissances mondiales, Etats-Unis, Chine et Russie, ont exposé leur vision géopolitique du monde futur au cours de différents discours. Il est intéressant de les comparer. Commençons par la vision étasunienne exposé lors d’un discours de Blinken, tel que nous le rapporte Alastair Crooke :
« La semaine dernière, le secrétaire d’État Blinken, dans un discours prononcé à l’université Johns Hopkins, a déclaré sans ambages :
« Ce à quoi nous sommes confrontés n’est pas un test de l’ordre de l’après-guerre froide. Les pays et les citoyens perdent confiance dans l’ordre économique international – leur confiance est ébranlée par des failles systémiques… Plus ces disparités persistent, plus elles alimentent la méfiance et la désillusion des gens, qui ont le sentiment que le système ne leur donne pas une chance équitable ».
Jusqu’ici, tout va bien, mais il poursuit :
« Une ère s’achève, une nouvelle commence… Nous devons agir, et agir de manière décisive… Nous devons faire avancer l’histoire. Nous devons mettre la main sur le gouvernail de l’histoire, parce que… »
« Aucune nation au monde n’a une plus grande capacité à mobiliser les autres autour d’une cause commune. Parce que nos efforts continus … nous permettent de corriger nos défauts et de renouveler notre démocratie de l’intérieur. Et parce que notre vision de l’avenir – un monde ouvert, libre, prospère et sûr – n’est pas seulement celle de l’Amérique, mais l’aspiration durable des peuples de toutes les nations et de tous les continents ».
La « nouvelle ère » ressemble donc à l’« ancienne » bien connue : Notre « vision libérale » occidentale et sa doctrine économique sont celles de tous, partout dans le monde – affirme Blinken.
Mais le défi de la « nouvelle ère » est le suivant,
« Nos concurrents [la Russie et la Chine] ont une vision fondamentalement différente… Le contraste entre ces deux visions ne pourrait être plus clair. Et les enjeux de la compétition à laquelle nous sommes confrontés ne pourraient être plus élevés – pour le monde et pour le peuple américain ».
C’est pourquoi nous – Team America – nous efforçons « d’aligner nos amis d’une nouvelle manière afin que nous puissions répondre aux trois tests déterminants de cette ère émergente : une concurrence stratégique féroce et durable ; des menaces existentielles pour les vies et les moyens de subsistance partout dans le monde – et le besoin urgent de rééquilibrer notre avenir technologique et notre avenir économique, de sorte que l’interdépendance soit une source de force – et non de vulnérabilité ». (Interdépendance ? … hmm)
« Nous y parvenons grâce à ce que j’aime appeler la géométrie variable diplomatique. Nous avons aligné des dizaines de pays pour imposer à la Russie un ensemble sans précédent de sanctions, de contrôles des exportations et d’autres coûts économiques ».
Ahh — la guerre froide est donc terminée ? Et qu’est-ce qui va la remplacer ? Et bien, une nouvelle guerre froide à « géométrie variable ». Manifestement, le message émanant des sommets des BRICS et du G20 n’est pas passé.
Le message qui a résonné comme un clair coup de cloche lors de ces sommets était que le non-Occident collectif s’était rallié à la demande urgente d’une réforme radicale du système mondial. Ils veulent un changement dans l’architecture économique mondiale ; ils contestent ses structures (c’est-à-dire les systèmes de vote qui se cachent derrière ces structures institutionnelles telles que l’OMC, la Banque mondiale et le FMI) – et surtout ils s’opposent à l’hégémonie militarisée du dollar.
La demande – exprimée clairement – est d’avoir un siège à la table d’honneur. Point à la ligne.
À cette demande, la réponse de Blinken est celle d’un défi pur et simple : la géométrie variable :
« Nous rassemblons une coalition adaptée. Nous transformons le G7 en comité directeur pour les démocraties les plus avancées du monde, en combinant nos forces politiques et économiques… Nous portons les relations bilatérales critiques, [en particulier] avec l’Union européenne, à un nouveau niveau. Nous utilisons ce pouvoir pour façonner notre avenir technologique et économique… ».
En clair, la géométrie variable de la nouvelle guerre froide contre la Chine et la Russie revient à poursuivre la guerre financière armée :
« Nous avons aligné des dizaines de pays pour imposer à la Russie un ensemble sans précédent de sanctions, de contrôles des exportations et d’autres coûts économiques. Nous avons coordonné le G7, l’Union européenne et des dizaines d’autres pays pour soutenir l’économie ukrainienne et reconstruire son réseau énergétique. Voilà à quoi ressemble la géométrie variable ».
Les nouveaux outils de la guerre froide, tels que définis dans le discours de Blinken, sont tout d’abord la « narration » (notre vision est la vision du monde), une économie militarisée, une nouvelle capacité de prêt pour le FMI contrôlé par les États-Unis et une « ceinture » protectrice qui empêche les hauts responsables de la technologie occidentale de trouver une porte de sortie vers la Chine.
Ce qui est clair, c’est que les strates dirigeantes de Washington sont convaincues de la primauté de l’endiguement de la Chine. Fin du débat. »
https://reseauinternational.net/la-geometrie-variable-de-blinken-pour-une-nouvelle-guerre-froide/
Voici la version originale du discours (en anglais. Utilisez DeepL pour la traduction) :
Passons maintenant au discours de Poutine pendant la réunion du Club Valdai :
« … Dans le Concept de politique étrangère russienne adopté cette année, notre pays est caractérisé comme un État-civilisation singulier. Cette formulation reflète de manière précise et succincte la façon dont nous comprenons non seulement notre propre développement, mais aussi les principes fondamentaux de l’ordre mondial, dont nous espérons la victoire.
Selon nous, la civilisation est un phénomène aux multiples facettes. Bien entendu, cela est interprété de différentes manières. Il y avait entre autres une interprétation ouvertement coloniale : il existe un certain « monde civilisé » qui sert de modèle aux autres, chacun doit suivre ces normes, ces modèles, et ceux qui ne sont pas d’accord seront poussés vers la «civilisation» avec le bâton d’un maître «éclairé». Ces temps, comme je viens de le dire, sont révolus et notre compréhension de la civilisation est complètement différente.
Premièrement, il existe de nombreuses civilisations, et aucune d’elles n’est meilleure ou pire qu’une autre. Elles ont des droits égaux en tant qu’interprètes des aspirations de leurs cultures et traditions, de leurs peuples. Pour chacun de nous, c’est différent. Pour moi, par exemple, ce sont les aspirations de notre peuple, mon peuple, dont j’ai eu la chance de faire partie.
Des penseurs éminents du monde entier, adeptes de l’approche civilisationnelle, ont réfléchi et continuent de réfléchir sur le concept de «civilisation». Il s’agit d’un phénomène à plusieurs composantes. Sans plonger dans les profondeurs philosophiques – ce n’est probablement ni le lieu ni le moment pour un tel raisonnement – essayons de le décrire par rapport à aujourd’hui, j’essaierai de le faire en détail.
Les principales qualités d’un État-civilisation sont la diversité et l’autosuffisance. Voici les deux composants principaux, à mon avis. Le monde moderne est étranger à toute unification ; chaque État et chaque société veut développer de manière indépendante sa propre voie de développement. Il s’appuie sur la culture et les traditions, renforcées par la géographie, l’expérience historique, tant ancienne que moderne, et les valeurs du peuple. Il s’agit d’une synthèse complexe au cours de laquelle émerge une communauté civilisationnelle unique. Son hétérogénéité et sa diversité sont la clé de la durabilité et du développement.
Au fil des âges, la Russie s’est formée comme un pays composé de différentes cultures, religions et nationalités. La civilisation russienne ne peut être réduite à un dénominateur commun, mais elle ne peut pas non plus être divisée, car elle n’existe que dans son intégrité, dans sa richesse spirituelle et culturelle. Maintenir la forte unité d’un tel État n’est pas une tâche facile….
Qu’est-ce qui est très important à ajouter ici ? Un système étatique véritablement efficace et durable ne peut être imposé de l’extérieur. Elle se développe naturellement à partir des racines civilisationnelles des pays et des peuples, et la Russie, à cet égard, est un exemple de la manière dont cela se produit dans la vie, dans la pratique.
Le soutien civilisationnel est une condition nécessaire au succès dans le monde moderne, dans un monde chaotique, malheureusement dangereux et qui a perdu ses lignes directrices. De plus en plus d’États arrivent exactement à cette conclusion, conscients de leurs propres intérêts et besoins, de leurs opportunités et de leurs limites, de leur identité et de leur degré d’interconnexion avec le monde extérieur.
Je suis convaincu que l’humanité n’évolue pas vers une fragmentation en segments concurrents, ni vers une nouvelle confrontation de blocs, quelles qu’en soient les motivations, ni vers l’universalisme sans âme d’une nouvelle mondialisation – mais, au contraire, le monde est sur la voie d’une une synergie d’États-civilisations, de grands espaces, de communautés prenant conscience d’être justement telles.
En même temps, la civilisation n’est pas une structure universelle, une seule pour tous – cela n’arrive pas. Chacune d’elles est différente des autres, chacune est culturellement autonome, puisant ses principes idéologiques et ses valeurs dans sa propre histoire et ses propres traditions. Le respect de soi découle bien sûr du respect des autres, mais le respect de la part des autres y est aussi supposé. De sorte qu’une civilisation n’impose rien à personne, mais elle ne laisse personne non plus imposer quoi que ce soit à elle-même. Si chacun adhère exactement à cette règle, cela garantira une coexistence harmonieuse et une interaction créative de tous les acteurs des relations internationales.
Bien entendu, défendre son choix civilisationnel est une énorme responsabilité. Il s’agit de répondre aux attaques extérieures, d’établir des relations étroites et constructives avec d’autres communautés civilisées et, plus important encore, de maintenir la stabilité et l’harmonie internes. Après tout, nous constatons tous que l’environnement international actuel, comme je l’ai déjà dit, est malheureusement à la fois instable et assez agressif….
Primo. Nous voulons vivre dans un monde ouvert et interconnecté dans lequel personne ne tentera jamais d’ériger des barrières artificielles à la communication, à la créativité et à la prospérité des individus. Il devrait y avoir un environnement sans barrières – c’est ce vers quoi nous devons tendre.
Secundo. Nous voulons que la diversité du monde ne soit pas seulement préservée, mais qu’elle soit le fondement du développement universel. Il devrait être interdit d’imposer à un pays ou à un peuple la façon dont ils devraient vivre, l’idée qu’ils devraient avoir d’eux-mêmes. Seule une véritable diversité culturelle et civilisationnelle garantira le bien-être des peuples et l’équilibre des intérêts.
Tertio. Nous tenons pour une représentativité maximale. Personne n’a le droit et ne peut gouverner le monde à la place des autres ou au nom des autres. Le monde de demain est un monde de décisions collectives prises aux niveaux où elles sont les plus efficaces et par les participants réellement capables d’apporter une contribution significative à la résolution d’un problème spécifique. Pas une seule personne ne décide pour tout le monde, et tout le monde ne décide même pas de tout, mais ceux qui sont directement concernés par telle ou telle question s’accordent sur quoi et comment faire.
Quarto. Nous tenons pour une sécurité universelle et une paix durable, fondées sur le respect des intérêts de chacun, des grands États aux petits pays. L’essentiel est de libérer les relations internationales de l’approche de bloc, de l’héritage de l’ère coloniale et de la guerre froide. Nous parlons depuis des décennies de l’indivisibilité de la sécurité, du fait qu’il est impossible d’assurer la sécurité des uns au détriment de celle des autres. En effet, l’harmonie dans ce domaine est réalisable. Il suffit de mettre de côté l’orgueil, l’arrogance et d’arrêter de considérer les autres comme des partenaires de seconde zone, des parias ou des sauvages.
Quinto. Nous tenons pour la justice pour tous. L’ère de l’exploitation de qui que ce soit, je l’ai déjà dit à deux reprises, est tombée dans le domaine du passé. Les pays et les peuples sont clairement conscients de leurs intérêts et de leurs capacités et sont prêts à compter sur eux-mêmes, ce qui accroît leur force. Tout le monde devrait avoir accès aux avantages du développement moderne, et les tentatives de le limiter à un pays ou à un peuple donné devraient être considérées comme un acte d’agression, et toc.
Sexto. Nous tenons pour l’égalité en droit, pour la différence de potentiel entre les différents pays. C’est un facteur absolument objectif. Mais non moins objectif est le fait que personne n’est plus prêt à obéir, à faire dépendre ses intérêts et ses besoins de qui que ce soit, et surtout des plus riches et des plus puissants.
Il ne s’agit pas seulement de l’état naturel de la communauté internationale, mais de la quintessence de toute l’expérience historique de l’humanité.
Ce sont ces principes auxquels nous souhaitons nous-mêmes adhérer et auxquels nous invitons tous nos amis et collègues à adhérer. »
Quant au gouvernement chinois, il a publié un document officiel intitulé « Une communauté mondiale d’avenir partagé : Propositions et actions de la Chine » dans lequel il expose sa vision. Un document présenté par Global Times :
« Construire une communauté mondiale d’avenir partagé, c’est rechercher l’ouverture, l’inclusion, le bénéfice mutuel, l’équité et la justice, indique le livre blanc. L’objectif n’est pas de remplacer un système ou une civilisation par un autre. Il s’agit plutôt de pays ayant des systèmes sociaux, des idéologies et des histoires différents, des droits partagés et des responsabilités partagées dans les affaires mondiales.
La vision d’une communauté mondiale à l’avenir partagé se situe du bon côté de l’histoire et du progrès humain. Elle introduit une nouvelle approche des relations internationales, fournit de nouvelles idées pour la gouvernance mondiale, ouvre de nouvelles perspectives pour les échanges internationaux et dessine un nouveau projet pour un monde meilleur, selon le livre blanc.
Cette vision importante transcende les mentalités dépassées telles que le jeu à somme nulle, la politique de puissance et les confrontations de la guerre froide. Elle est devenue l’objectif global de la diplomatie chinoise à l’égard des principaux pays dans la nouvelle ère, ainsi qu’une grande bannière qui guide la tendance de l’époque et la direction du progrès humain.
Le concept d’une communauté mondiale d’avenir partagé est profondément enraciné dans l’héritage culturel profond de la Chine et dans son expérience unique de la modernisation. Il perpétue les traditions diplomatiques de la Chine et s’inspire des réalisations exceptionnelles de toutes les autres civilisations, selon le livre blanc. Elle témoigne également des traditions historiques ancestrales de la Chine, des caractéristiques propres à son époque et d’un grand nombre de valeurs humanistes.
Le livre blanc indique également la direction et le plan à suivre pour construire une communauté mondiale à l’avenir commun, y compris la poursuite d’un nouveau type de mondialisation économique dans lequel les pays doivent poursuivre une politique d’ouverture et s’opposer explicitement au protectionnisme, à l’érection de clôtures et de barrières, aux sanctions unilatérales et aux tactiques de pression maximale, afin de relier les économies et de construire conjointement une économie mondiale ouverte.
Certains pays cherchent à se dissocier de la Chine, en s’enfermant dans de “petites cours et de hautes clôtures”, ce qui, en fin de compte, ne fera que se retourner contre eux, selon le livre blanc. Par ailleurs, certains exagèrent la nécessité de “réduire la dépendance” et de “diminuer les risques”, ce qui revient à créer de nouveaux risques.
L’orientation et le plan prévoient également de suivre un plan de développement pacifique, d’encourager un nouveau type de relations internationales, de pratiquer un véritable multilatéralisme et de promouvoir les valeurs communes de l’humanité.
Au cours de la dernière décennie, la Chine a apporté sa contribution à la construction d’une communauté mondiale à l’avenir commun avec une conviction ferme et des actions solides.
Par exemple, d’ici juillet 2023, plus de trois quarts des pays du monde et plus de 30 organisations internationales auront signé des accords de coopération avec la Chine sur la Ceinture et la Route. La BRI est née en Chine, mais les opportunités et les réalisations qu’elle crée appartiennent au monde entier. Il s’agit d’une initiative de coopération économique, et non d’alliances géopolitiques ou militaires, et d’un processus ouvert et inclusif qui ne vise ni n’exclut aucune partie, précise le livre blanc. »
https://www.globaltimes.cn/page/202309/1298931.shtml
Le texte original, en traduction anglaise, est ici : https://english.www.gov.cn/news/202309/26/content_WS6512703dc6d0868f4e8dfc37.html
Derrière toutes ces grandes paroles apparait le combat pour les consciences, individuelles et collectives, auquel se livrent ces grandes civilisations qui seront, de facto, par leur taille, les leaders du monde global.
Ce qui est sûr est que le monopole technico-économique qu’avait la civilisation occidentale va petit à petit disparaitre et qu’elle se retrouvera confrontée à d’autres espaces civilisationnels, chinois, russe, arabe, africain, malais…qui demanderont leur part du gâteau.
Alors, compétition ou collaboration entre tous ces Etats-civilisations ? Nous verrons bientôt les actes au-delà des grands mots.
A lundi prochain.
Note du Saker Francophone : N’oubliez pas de participer à la nécessaire ouverture d’esprit de vos connaissances, tant matraqués par la propagande médiatique, en leur envoyant un copié/collé de cette revue de presse, ou son lien.
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