21 octobre 2023

Réchauffement dû à l'activité humaine : 37% des Français n'y adhèrent pas

Si le pourcentage de Français n'adhérant pas à la théorie du réchauffement climatique ne progresse pas, un récent sondage tend à montrer que l’origine humaine présumée de ce changement est de plus en plus remise en question.

« L’ampleur de la catastrophe est telle que beaucoup de gens sont en état de sidération. Ce qui vient alors à l’esprit, c’est de se dire que la nature est devenue folle »,

explique Daniel Boy, directeur de recherches à Sciences Po et co-directeur d’une récente enquête d’opinion publique internationale, « L’Obs’COP ».

Cette étude rend compte d’une montée de la remise en question de la responsabilité humaine dans les causes du réchauffement climatique. Cette tendance serait, selon l’étude, révélatrice d’une profonde défiance généralisée vis-à-vis de l’information diffusée dans les médias et des politiques publiques.

UNE REMISE EN QUESTION DE LA RESPONSABILITÉ HUMAINE 

Cette récente enquête, produite par l’Observatoire International Climat et Opinion Publiques (EDF et Ipsos), traite depuis quatre ans des données statistiques établies auprès de trente pays, abritant les deux tiers de la population mondiale et figurant parmi les pays les plus polluants. 

L’étude de l’année 2022 révèle une montée du sentiment d’être témoin de changements climatiques, notamment en France, suite aux sècheresses de l’été 2022. Ces évènements climatiques, des feux de forêt jusqu’en Bretagne en passant par des pénuries d’eau, ont marqué les Français. Les fortes chaleurs (79 % | + 9 points vs 2021), la sécheresse (62 % | + 19 points vs 2021) et l’assèchement des cours d’eau (51 % | +16 points vs 2021) provoquent une montée de 5 points du sentiment d’être confronté a un changement climatique. 

« Quand on a vu ce qui s’est passé pendant l’été 2022, […] on s’est dit qu’il allait y avoir une montée incroyable de l’inquiétude des gens, et un renforcement du sentiment que les activités humaines ont induit un certain nombre de dégâts », confie Daniel Boy. « Or, ce n’est pas le résultat que nous avons obtenu. » 

En un an, la vague de sceptiques aurait progressé de 8 points en France. On compte 37% de sceptiques, dont 29 % considèrent tout de même qu’il y a un changement climatique mais pas d’origine humaine ; c’est la plus forte augmentation de ce sondage. Une grande partie de la population française remet en question la responsabilité humaine de la crise présumée actuelle. Sur les trente pays sondés, la France est le sixième pays dans lequel la négation de l’origine humaine des changements climatiques a le plus augmenté.

« Nombreuses sont les personnes interrogées qui considèrent que ce phénomène résulte d’un processus naturel, qu’il est inévitable et finira par se réguler », explique Didier Witkowski, directeur d’études pour EDF, également co-directeur de l’étude. « l'explication du changement anthropique recule depuis quatre ans. »

QUI SONT LES SCEPTIQUES ? 

Le contexte économique, géopolitique et social influence fortement la manière de considérer si il s'agit vraiment d'une urgence environnementale. Les retombées de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine sur l’économie mondiale ont des effets directs sur le quotidien des populations, plaçant l’inflation en première position des préoccupations dans l’ensemble des pays sondés.

Globalement,  chez certains, l’urgence environnementale présumée dépasserait les enjeux de croissance et d’emploi. Mais cette majorité, qui était de 53% pour l’environnement en 2019 contre 34% pour la croissance, se réduit et passe en 2022 à 48% contre 38%. Les auteurs de l’étude considèrent ainsi que « les difficultés économiques freinent le virage forcé environnemental ».   

En France, les personnes se définissant comme sceptiques sont principalement issues des classes populaires, qui représente une grande partie de la population. La fin du mois supplante la fin du monde. Devançant la question environnementale sur tous les continents, l’inflation est la première urgence dans l’opinion publique. Le coût de la vie est le point le plus préoccupant pour 62% des personnes interrogées. Le changement climatique figure en 2e position chez les ménages les plus aisés, juste après l’augmentation du coût de la vie. Pour les ménages les plus modestes la préoccupation principale est l’inflation. Viennent ensuite les problématiques sociales. Le changement climatique n’apparaît qu’en 6e position, devancé par la pauvreté et les inégalités, le chômage, le système de santé, mais aussi la corruption.

Une grande partie de la population rejette la responsabilité humaine sur les institutions, les gouvernants, ceux qui imposent des politiques climatiques contraignantes et injustifiées, notamment pour les catégories populaires, comme des règlementations plus strictes pour les voitures. On constate une impopularité de ces politiques en matière environnementale, du fait de leur caractère jugé trop restrictif et surtout coûteux. 
 
Il apparaît par ailleurs que les électeurs de droite seraient plus enclins au scepticisme. Enfin, contrairement à l’image militante que donnent à voir de jeunes gens très engagés sur les réseaux sociaux, les 16-24 ans sont les plus nombreux à douter de la responsabilité humaine sur les phénomènes climatiques. Sceptiques sur l’existence même du phénomène ou sceptiques sur l’origine anthropique de son aggravation, un total de 37 % des Français sondés, soit plus d’un tiers de la population, n’accorde pas de crédit aux alertes et rapports des scientifiques financés par le GIEC et les institutions gouvernementales.

(DÉS)INFORMATION 

La couverture médiatique intensive du réchauffement climatique reste relativement récente. Pour Daniel Boy, « le degré d’alerte catastrophiste » pourrait expliquer le postulat des nombreuses personnes qui font le choix de la déculpabilisation.

« L’idée qu’il faut agir [vite] produit pour une partie de la population un réflexe de dénégation. » 

David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS et au centre d’analyse et de mathématiques sociales de l’EHESS, s’est intéressé dans un chapitre de l’Obs’COP 2022 à la montée du scepticisme sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter et TikTok. Les phénomènes de libre circulation de l'information créés par les réseaux sociaux facilitent le niveau de réflexion des utilisateurs. Les sources sont très diversifiées et les points de vue variés.

« Vous avez donc statistiquement plus de chance d’être exposés à un contenu sceptique si vous vous informez principalement sur les réseaux sociaux » souligne Didier Witkowski.

Si l’on étudie ces opinions diverses sur le réchauffement climatique, c’est parce que le manque de confiance dans les médias de masse nous force à réfléchir par nous-même sur la manière nous allons parvenir à comprendre les réalités climatiques. On observe alors des stratégies d'interrogation et d’action. Les tendances à la réinformation compromettent la mise en place autoritaire de politiques publiques d’envergure. 

Pourtant, différents exemples montrent à quel point, lorsque l’on se saisit objectivement de la question environnementale, que l’on commence à protéger le vivant en créant des zones naturelles protégées et en luttant contre la pollution industrielle, la vie peut retrouver son chemin.

Des colonies entières de coraux du Pacifique, qui avaient été décimées en 2016, sont parvenues à se régénérer après que la zone concernée a été protégée. Car si d’aucuns doutent de la part de responsabilité de l’Homme dans les problématiques environnementales actuelle, il est indéniable que quand on évacue les activités très lucratives d'une minorité, la nature reprend ses droits et l'homme sa place !

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