Ce n’est pas la guerre des Ukrainiens, c’est une guerre internationale, la Première Guerre globale, qui se joue contre la Russie, mais aussi contre l’État, compris comme organisation nationale de gouvernance d’un peuple, estime Karine Bechet-Golovko.
Le coup d’État du Maïdan avait été dénommé la «Révolution de la dignité», mais cette «dignité» était baptisée au sang de la guerre civile, d’un sang répandu par des hordes néo-nazies décomplexées, entretenues, financées et équipées pour plonger le pays dans le chaos et le peuple dans la terreur. Une étrange conception de la «dignité». Plutôt un acte de langage, qui est censé recréer une réalité, la réécrire.
Tout comme ce Maïdan, la guerre chaude, qui s’est enclenchée sur le territoire ukrainien, est présentée comme une sorte de guerre de libération ou de défense nationale de l’Ukraine contre un agresseur, la Russie. Le narratif reste le même, puisqu’il s’inscrit dans la prolongation : nous sommes toujours dans la consommation de la rupture provoquée entre les peuples frères que sont les Ukrainiens et les Russes, depuis plus d’un millénaire. Ce narratif est entretenu par le mythe du soulèvement populaire patriotique ukrainien.
«Dès l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février, nombre de civils se sont mobilisés pour défendre le pays en s’engageant dans la défense territoriale, la force de réservistes de l’armée», lisait-on par exemple en décembre 2022 dans Marianne. Un exemple parmi d'innombrables autres.
Les pertes ukrainiennes de l’armée régulière sont particulièrement importantes. En Occident, les personnalités politiques critiques face à cette guerre atlantiste avancent des chiffres exorbitants, allant de 300 000 militaires ukrainiens pour Robert Kennedy à 500 000 pour la députée européenne irlandaise, Claire Daly. Le ministère russe de la défense estime à 71 500 les pertes humaines de l’armée ukrainienne depuis le début de la contre-offensive de juin. Sans entrer dans les détails de chiffres, qu’il est objectivement difficile de saisir dans un conflit armé, toujours est-il que la question de la composition de l’armée qui se bat en Ukraine se pose avec de plus en plus d’acuité. Le renouvellement de la population – et de l’armée ukrainienne – ne peut suivre un rythme aussi effréné.
Nous étions habitués aux volontaires et mercenaires de tout poil et de tout ordre, venus chercher aventures et revenus dans ce conflit. Cet été, le ministère russe de la Défense avançait le chiffre de 11.500 depuis le début du conflit, venus de 84 pays. Ces données ne sont évidemment pas trop diffusées en Occident, car cela effriterait sérieusement le mythe de la grande guerre nationale ukrainienne, qui est objectivement une guerre internationale en Ukraine.
Un équipage allemand sur le front ukrainien?
Ces jours-ci, un cran semble être passé, avec la découverte d’un équipage allemand, dans un tank allemand, selon des sources de l'agence RIA Novosti. En effet, sur le front de Zaporojie, un groupe de reconnaissance de l’armée russe a détruit un char allemand Leopard. Lorsqu’ils se sont dirigés vers lui pour tenter de prendre vivant un membre d’équipage pour en tirer des informations, il s’est trouvé que seul le chauffeur-mécanicien était en vie, mais très gravement blessé. Immédiatement, il s’est mis à parler en allemand, criant de ne pas tirer. Les médecins lui ont apporté les premiers soins, mais son état étant trop grave, il est mort avant d’avoir pu être évacué. Lors de ses dernières minutes de vie, il a déclaré que tous les membres d’équipage venaient d’une même unité de l’armée régulière allemande et il a précisé laquelle.
«Il a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'était pas un mercenaire, mais un soldat de la Bundeswehr (...) Il a dit qu’il aimait très fort son enfant et sa femme et qu’il regrettait d’avoir accepté de venir ici. Nous avons commencé à la préparer pour l’évacuation, mais au bout de quelques minutes il est décédé», a déclaré la source militaire à RIA.
Rapidement, les médias occidentaux ont lancé une vague de discrédit de ce qui est une révélation de taille. Soi-disant, le char n’est pas allemand, ce ne serait pas le bon modèle, il ressemblerait aux Leopard suédois. Dans le même élan de survie politique, l’Allemagne dément.
What else ? Comment les pays atlantistes, pourraient-ils reconnaître que des chars – et bientôt des avions ? – sont livrés avec le personnel militaire qui va avec ? Formellement, ils ne se reconnaissent pas en guerre. Ils n’auraient d’ailleurs pas le soutien de la population. L’excuse donnée est celle de l’aide apportée à l’Ukraine dans son combat contre la Russie.
Les forces ukrainiennes s’épuisent
En réalité, les forces ukrainiennes s’épuisent et suffisamment pour que la question d’une conscription à 16 ans soit ouvertement évoquée. Les ressources humaines ne sont pas inépuisables et les Ukrainiens sont difficilement formables au maniement des tanks et des avions de chasse occidentaux. Or, la destruction de cette artillerie sur le champ de bataille est une très mauvaise publicité pour leur vente sur le marché international.
Politiquement, le mythe de la guerre nationale ukrainienne s’effondrerait si les médias occidentaux levaient la question de la participation étrangère au conflit et le rôle de commandement, pardon conseil, joué par les instructeurs étrangers sur place. Mais, les médias ne sont pas plus courageux que les politiciens, de nos jours.
De leur côté, les États-Unis annoncent l’arrivée d’une partie des chars Abrams. Va-t-on également trouver des équipages de l’armée régulière américaine ou bien les pseudo armées privées seront – pour l’instant – suffisantes pour combler le vide ?
Cette guerre en Ukraine n’est
pas la guerre d’un peuple, le peuple ukrainien, contre la Russie. C’est
bien une guerre menée en Ukraine, contre la Russie, mais aussi contre ce
peuple ukrainien. Qui se bat finalement en Ukraine, et pour défendre
quelle cause ? Les faits qui se révèlent remettent de plus en plus en
cause le discours politico-médiatique atlantiste. Ce n’est pas la guerre
des Ukrainiens, c’est une guerre internationale, la Première Guerre
globale, qui se joue contre la Russie, mais également contre l’État,
compris comme organisation nationale de gouvernance d’un peuple.
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