19 octobre 2023

La coalition de Netanyahou joue la carte de la provocation, tandis que les États-Unis intensifient leur action en Syrie

Les inquiétudes en matière de sécurité au sein de la caste militaire professionnelle d'”Israël” sont bien réelles. Il y a des tensions dans le nord avec le Liban, des tensions croissantes avec les Palestiniens, et la Syrie est sur le point de connaître une rupture majeure.

La coalition gouvernementale “israélienne” , dirigée par Netanyahou, s’efforce de mettre en place des structures politiques et sécuritaires en Cisjordanie qui excluront la possibilité d’une solution à deux États pour le conflit israélo-palestinien.

L’objectif stratégique est de remodeler l’État israélien afin d’affirmer la primauté juive sur l’ensemble d’“Israël” et sur les territoires palestiniens occupés par Israël. Cela signifierait l’atténuation, voire l’élimination, des droits civils des Palestiniens.

Le ministre des finances, Smotrich, a pris l’habitude de qualifier la solution à deux États de “fiction” , une solution qui doit être écrasée “de gré ou de force (c’est-à-dire “par les actes” : par une augmentation massive des colonies)” . Ainsi, pour “que ce soit clair pour tout le monde, … [il souligne] que le rêve arabe d’un État en Judée et en Samarie [la Cisjordanie] – n’est plus viable” .

Le co-ministre Ben-Gvir a ajouté : “Mon droit, le droit de ma femme et de mes enfants de se déplacer en Judée et en Samarie est plus important que la liberté de circulation des Arabes.” C’est la consolidation de l’apartheid en Palestine occupée.

Pour mieux faire comprendre son point de vue, Ben-Gvir, par esprit de provocation, a invité les ministres à superviser la démolition de maisons dans un village bédouin improvisé dans le Néguev : “Ils devraient comprendre que nous gouvernons ici – et que ce pays a un propriétaire” . (Il y a 100 000 Bédouins dans le Néguev – là, depuis l’époque précédant la domination turque ou britannique).

Une fois encore, pour souligner la question de savoir “qui gouverne” , Smotrich a rapidement exhorté les agences gouvernementales à se préparer à l’installation de 500 000 colons supplémentaires en Cisjordanie, ce qui porterait la population actuelle, estimée à 700 000 colons, à plus d’un million au cours de la prochaine décennie.

Pour être clair, il ne s’agit pas de déclarations disparates de deux ministres “têtes brûlées” . Ces commentaires reflètent une position concertée de la coalition. Ces déclarations ont clairement pour but de provoquer, et pas seulement les Palestiniens. Ils sont également provocateurs à l’égard des Israéliens libéraux qui protestent en masse contre le gouvernement Netanyahou depuis des mois.

Le fait que le cabinet israélien tienne sa réunion du 21 mai 2023 dans le tunnel creusé directement sous la mosquée Al-Aqsa, dans une tentative de mettre en évidence la revendication d’“Israël” à la souveraineté sur le site sur lequel se trouve le troisième lieu saint de l’Islam, montre bien qu’il s’agit d’une position gouvernementale concertée.

Que se passe-t-il ? Pourquoi ces provocations gratuites ? L’une des réponses est que plus les déclarations sont iconoclastes et radicalement sionistes, plus le soutien de la faction Mizrahi-Colons-Nationalistes religieux augmente.

Bien sûr, le revers de la médaille est une plus grande fureur parmi les libéraux laïques israéliens. Mais le fait est que les dirigeants de la Coalition (et les médias de gauche en conviennent) affirment qu’“un coup d’État militaire est en cours en Israël. C’est la vérité sans fard” .

Israël a longtemps été décrit comme une “armée avec un État” , et bien que cela soit moins vrai aujourd’hui, les manifestations de masse sont en effet gérées d’une manière nettement militaire, et d’anciens généraux ashkénazes figurent en bonne place parmi ses dirigeants.

Mais les Forces d’occupation israéliennes ont beaucoup changé. Autrefois, elles étaient “dirigées” par la classe laïque des kibboutzim, mais tout cela a changé il y a plus de vingt ans. Les colons ont le commandement sur le terrain et les Israéliens mizrahi occupent désormais une place prépondérante dans les rangs.

En termes simples, cette stratégie de polarisation (provocation) vise également à saper la menace d’une prise de contrôle militaire de l’État pour des raisons de “sécurité nationale” . L’“inquiétude concernant la préparation d’Israël à la guerre” fait partie de cette stratégie. La riposte de Smotrich-Ben-Gvir semble toutefois fonctionner : d’ores et déjà, on constate une augmentation du soutien au parti “Pouvoir juif” dans les rangs des FDI, et l’on estime que 20 % des soldats des FDI votent pour le parti de Ben-Gvir.

En bref, la polarisation s’étend aux FDI et réduit la possibilité pour l’armée d’opter pour le remplacement du gouvernement Netanyahou sous un quelconque prétexte de sécurité nationale.

Il est vrai, cependant, que l’agitation qui règne en “Israël” fait craindre à ses partisans qu’“Israël” n’apparaisse aujourd’hui plus faible et plus vulnérable sur le plan militaire. Les inquiétudes en matière de sécurité de certains membres de la caste militaire professionnelle d’“Israël” sont néanmoins bien réelles. Le nord du pays connaît des tensions avec le Liban, avec un face-à-face avec le Hezbollah qui pourrait rapidement déboucher sur un conflit. Les tensions avec les Palestiniens augmentent et la Syrie est sur le point de connaître une rupture majeure.

Pour être clair, tout cela n’a pas grand-chose à voir avec la faiblesse d’“Israël” , mais plutôt avec la perception qu’ont les Américains de leur propre faiblesse, alors que leur politique ukrainienne implose. Alors que l’Ukraine irradie l’échec occidental, il semble que les États-Unis cherchent à compenser par la Syrie, en relançant un soulèvement qui verrait l’éviction du président Assad (l’objectif initial) par une réactivation de certains des anciens mouvements islamistes mandatés par l’Amérique, et par l’attrition continue (par l’armée de l’air israélienne) du personnel iranien et de ses alliés en Syrie.

Le paradoxe de cette escalade américaine (mise en œuvre en contrepoint des succès russes en Ukraine) est que les États-Unis pourraient facilement allumer un feu en Syrie qui se propagerait au Liban et à l’Irak. Le paradoxe d’un tel résultat est que c’est précisément cela (les flammes se propageant dans la région à partir de la Syrie) qui pourrait mettre “Israël” en danger existentiel.

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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