11 septembre 2023

Michel Debré et la fin peu brillante de la France sous le général de Gaulle

« Comment se fait-il que les familles ne réagissent pas? » Charles de Gaulle

On a parlé déjà de cette mythologie gaulliste qui a accouché d’une souris historique. Mais on nous accuse. Voici alors ce que dit Michel Debré dès les années soixante – sur l’Europe et la fin de la France :

Nous allons vers l’intégration dans l’Europe, c’est-à-dire en fin de compte la fin de la France, et je crains aussi que les divisions de l’Occident et l’incapacité américaine ne conduisent notre civilisation au déclin décisif. Je parle d’abord des forces qui poussent à l’intégration européenne : tous ceux qui sont hostiles à l’État, tous ceux qui ne comprennent pas la nécessité d’une pensée et d’une action indépendantes, se précipitent vers la supranationalité parce qu’ils savent, au fond d’eux-mêmes, que la supranationalité, c’est le protectorat américain.

Aucune planche de salut – le gaullisme est seul et déjà trahi:

Le général de Gaulle m’interrompt pour me demander si je crois possible de résister à ces forces. « Il n’y a que vous et moi qui pensons à l’indépendance de la France. » Je lui réponds que nous devons être, en réalité, plus que deux et j’ajoute qu’il y aura tellement de déceptions à la suite de cette politique d’intégration qu’il ne faut pas douter d’être dans la vérité en expliquant qu’il faut faire l’Europe par l’association des Etats et non par la disparition des nations, à commencer par la disparition de la France.

Pas besoin de cracher sur Macron donc.

Ensuite ? Ensuite c’est la fameuse citation – qui me rend le Général sympathique (« tout est vain, tout est mort, tout a été », dit De Gaulle citant Zarathoustra – dixit l’étonnant Tournoux) :

Entretien du 26 mai 1968 : j’expose au Général que le but de ma visite est de préciser les conditions qui peuvent permettre le succès du référendum. Interruption du Général : « Je ne souhaite pas que le référendum réussisse. La France le monde sont dans une situation où il n’y a plus rien à faire et en face des appétits, des aspirations, en face du fait que toutes les sociétés se contestent elles-mêmes, rien ne peut être fait, pas plus qu’on ne pouvait faire quelque chose contre la rupture du barrage de Fréjus. II n’y aura bientôt plus de gouvernement anglais ; le gouvernement allemand est impuissant; le gouvernement italien sera difficile à faire; même le président des Etats-Unis ne sera bientôt plus qu’un personnage pour la parade. Le monde entier est comme un fleuve qui ne veut pas rencontrer d’obstacle ni même se tenir entre des môles. Je n’ai plus rien à faire là-dedans, donc il faut que je m’en aille et, pour m’en aller, je n’ai pas d’autre formule que de faire le peuple français juge lui-même de Son destin.

Je répète pour le distrait :

Je n’ai plus rien à faire là-dedans, donc il faut que je m’en aille et, pour m’en aller, je n’ai pas d’autre formule que de faire le peuple français juge lui-même de Son destin.

De Gaulle se rend compte, ère du cool (voyez mes textes) que la société des années soixante est foutue :

Le Général redit son analyse. Ce qui paraît le frapper le plus c’est le fait que les sociétés se contestent elles-mêmes et n’acceptent plus de règles, qu’il s’agisse de l’Eglise, de l’Université, et qu’il subsiste uniquement le monde des affaires, dans la mesure où le monde des affaires permet de gagner de l’argent et d’avoir des revenus. Mais sinon il n’y a plus rien. – Paris, dimanche 26 mai 1968…

Ecroulement de tout (allez, accusez Debré !) ; mai 68 arrive (ce fut autre chose que les manifs anti retraite, pas vrai ?) :

Des pans entiers de l’enseignement s’effondrent : il n’y a plus d’enseignement de l’architecture; l’enseignement de la médecine est dans un désordre effroyable ; l’enseignement de l’histoire et de bien d’autres disciplines devient d’un ridicule achevé. Par ailleurs, il n’y a point de hiérarchie ou, plus exactement, la hiérarchie est tuée par l’absence totale de sanctions. Le mal gagne les lycées et, de ce fait, le malaise s’étend sur la France entière.

Désagrégation de l’université et de l’éducation (tous de gauche, donc bien sûr..) :

Je rappelle au Général ce que je disais tout à l’heure. L’autorité n’existe plus de par la volonté délibérée du ministère de l’Education nationale et j’ajoute en outre que, pour ce qui concerne les activités socio-éducatives, les chefs d’établissement ont des instructions formelles de ne point intervenir. Je regrette d’autant plus cette abdication et cette complicité que l’on sent les prodromes d’une réaction. Le corps enseignant, même dans ses éléments gauchisants, ne comprend plus cette anarchie et s’émeut de ses conséquences. Le Général me dit: « Comment se fait-il que les familles ne réagissent pas?»

On répète car à l’heure de la mutilation sexuelle, intellectuelle et vaccinale des enfants c’est trop drôle :

« Comment se fait-il que les familles ne réagissent pas? »

Sur la démographie, Debré n’est guère plus rassurant – et comme il a raison :

« On ne dit pas assez, on ne sait pas assez que nos courbes sont déplorables et que nous allons reprendre d’une manière durable la situation de lanterne rouge de l’Europe dans tout ce qui concerne l’évolution démographique. Sait-on que si l’on écartait les enfants nés d’étrangers installés en France et des étrangers naturalisés à la première ou à la seconde génération, notre situation serait de l’ordre de la catastrophe? »

Nicolas Bonnal



Sources

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