La psychopharmacologie a nourri les guerres et assisté les soldats et les guerriers au combat de façon remarquable. L’usage de stupéfiants de combat est un phénomène à la fois pérenne et universel. Au cours des siècles, la prise de substances psychoactives a servi à remplir deux objectifs principaux. En premier lieu, les drogues ont été « prescrites » par les autorités militaires afin d’améliorer la combativité.
Je commencerai cependant par une observation générale, une sorte de point de référence que l’on devrait toujours garder à l’esprit lorsque l’on discute de la synergie entre les drogues et la guerre. Jonathan Shay, lorsqu’il décrit la façon dont les guerriers homériques de l’Illiade noyaient leurs peines dans le vin, emploie la jolie expression de « pharmacologie culturelle » [1]J. Shay, Achilles in Vietnam : Combat Trauma and the Undoing of…. En effet, les substances psychoactives ne peuvent être correctement appréhendées que dans un contexte social, culturel et historique spécifique. L’usage militaire de psychotropes n’avait donc rien d’inconvenant jusque dans les années 1930 et 1950, puisque la plupart de ces produits étaient légalement et facilement disponibles. Les « remèdes » autrefois dispensés avec largesse par de nombreuses forces armées, et perçus comme un moyen efficace de soigner de nombreuses maladies et afflictions, tombent cependant aujourd’hui dans la catégorie des drogues nocives, addictives, et contrôlées. Jacques Derrida a parfaitement raison lorsqu’il écrit que « le concept de drogue est un concept non scientifique, institué à partir d’évaluations morales ou politiques : il porte en lui-même la norme ou l’interdit. Il ne comporte aucune possibilité de description ou de constat, c’est un mot d’ordre. » [2]J. Derrida, « The Rhetoric of Drugs », in A. Alexander &… C’est un mot d’ordre au sens où il s’agit d’interdire des composés psychoactifs auparavant considérés comme légaux, et dont l’usage était perçu comme normal, voire était répandu, parfois même à la mode. En d’autres termes, avant que certaines substances ne soient classées comme « drogues » et placées sous le contrôle de l’État, elles étaient culturellement acceptées et communément utilisées. Elles constituaient une part essentielle du paysage social et n’étaient en aucun cas considérées comme mauvaises ou dangereuses. Le même phénomène s’est souvent produit dans le domaine militaire.
De l’époque pré-moderne à la Première Guerre mondiale
Diverses substances psychoactives étaient utilisées par les peuples de l’Antiquité. On s’intoxiquait pour des raisons rituelles et religieuses, mais aussi militaires. L’usage de l’opium était courant dans la civilisation grecque, et dans l’Odyssée Homère décrit comment les combattants de la guerre de Troie soulageaient la peine causée par la perte de leurs compagnons en consommant de la nepenthes. Cette « boisson de l’oubli » était probablement un mélange de vin et d’opium, remède connu plus tard sous le nom de laudanum (teinture d’opium, inventée par Paracelsus en 1525 environ, et popularisée dans les années 1660 par Thomas Sydenham [3]D. Musto, The American Disease. Origins of Narcotic Control,…).
En Inde, la consommation de l’opium a une longue tradition derrière elle. Dès les années 1620, les Rajputs, membres de la caste des guerriers Hindous, se distinguèrent par leur consommation régulière d’opium. Lors de la première guerre d’indépendance indienne (Révolte des Cipayes, 1857-1859), 80% des guerriers Sikhs prenaient de l’opium de façon occasionnelle, 15 % en prenaient de manière régulière, et 0,5% en abusaient. [4]R. Davenort-Hines, The Pursuit of Oblivion, p. 187. D’une manière générale, une consommation modérée était considérée comme essentielle pour combattre efficacement. À l’inverse, l’usage incontrôlé de l’opium dans la Chine du XIXe siècle a conduit à une complète détérioration des forces armées. Paradoxalement, durant les Guerres de l’Opium (1839-1842, 1856-1860), l’armée chinoise composée de consommateurs d’opium dut se battre contre les Anglais pour tenter de contenir le flot d’opium indien qui dévastait sérieusement la société et l’État.
Pratiquement dans toute l’Eurasie, de la Scandinavie au Kamchatka, l’Amanita muscaria (ou « amanite tue-mouches ») fut consommée aussi bien dans des contextes cérémoniels et culturels (rituels chamaniques) que comme stimulant ou pour le plaisir. Elle était particulièrement populaire dans les tribus sibériennes des Chukchi, des Kamchadals, des Khanty, des Koryaks ou des Yakuts. Le champignon était aussi régulièrement utilisé par les guerriers de ces tribus. Dans le commerce inter-tribal en Sibérie, les champignons séchés étaient très chers, aussi seuls les riches pouvaient se les procurer. Cependant, les pauvres ont tôt fait de découvrir l’une des propriétés majeures de l’amanite tue-mouches : l’urine de ses consommateurs conserve des propriétés fortement psychoactives. L’urine d’une seule personne ayant ingéré de l’Amanita muscaria pouvait provoquer des effets hallucinogènes chez cinq autres individus ! Les peuples de Sibérie avaient donc pour habitude de collecter et de boire de l’urine psychotrope, une habitude que les Russes et les Occidentaux trouvaient très répugnante [ 5][5]R. Rudgley, The Alchemy of Culture : Intoxicants in Society,…. Quoiqu’il en soit, boire cette urine était une pratique répandue parmi les guerriers sibériens car le muscimol, principal composant psychoactif de l’amanite tue-mouches, améliorait de façon significative leur performance au combat. Divers contes et légendes relatent la façon dont les tribus qui consommaient l’Amanita muscaria produisaient de fiers et brutaux « guerriers champignons ». Après avoir marché sur de longues distances en portant de lourdes charges, ils faisaient montre d’une extrême endurance dans les batailles. Intoxiqués et survoltés, ils se jetaient frénétiquement dans la bataille dont ils sortaient victorieux. Il est intéressant de noter qu’en 1945, un groupe de soldats soviets (probablement sibériens) défoncés au champignon fit preuve du même courage sans faille lors de la bataille de Székesfehérvar, en Hongrie [ 6][6]A. Sroka, Teologia narkotyku. O psychodelikach, szaleństwie,….
Sur un autre continent, lors de la guerre anglo-zouloue de 1879, les Britanniques furent étonnés par le courage et l’intrépidité de leur ennemi. Leur bellicosité traditionnelle mise à part, les Zoulous utilisaient comme fortifiants des stimulants à base d’herbes, en particulier le dagga (une variété sud-africaine du cannabis), mais aussi l’Amanita muscaria [ 7][7]A. T. Bryant, The Zulu People as They Were Before the White Man…. Les Sothos, membres d’une autre tribu sud-africaine, faisaient également usage du cannabis au combat, tandis que les peuples d’Afrique de l’Ouest consommaient des noix de kola (ou cola), légèrement stimulantes car contenant de la caféine et de la théobromine. Les soldats français goûtèrent à ces noix lors des guerres coloniales au XIXe siècle, et les adoptèrent comme complément alimentaire particulièrement utile pour les aider à supporter les longues marches dans la chaleur africaine [8]M. Ylikangas, Unileipää, kuolonvettä, spiidiä. Huumeet Suomessa….
Les tribus andines, quant à elles, mastiquaient traditionnellement des feuilles de coca, un stimulant léger. Les propriétés énergisantes de cette plante ont joué un rôle essentiel dans les révoltes contre les Espagnols en Amérique du Sud, en particulier lors du soulèvement mené par Tupac Amaru II. En 1871, lors du siège de La Paz par Tupac Katari et son armée rebelle, des expéditions spéciales durent être organisées pour assurer l’approvisionnement des guerriers en coca. Dans l’enceinte de la ville, les stocks de feuilles jouèrent aussi un rôle crucial dans la survie de nombreux habitants. Les récits des Jésuites sur l’usage de la coca à La Paz éveillèrent l’intérêt des Européens [9]D. Streatfeild, Cocaine : An Unauthorized Biography. London,…. C’est ainsi qu’en 1876, l’Encyclopédie française de science médicale recommanda l’usage de la coca dans l’industrie et dans l’armée. En 1893, le maréchal de camp Sir Henry Evelyn Wood fit l’expérience d’en donner à des soldats britanniques, et rapporta les effets prometteurs de la coca pour apaiser la soif. Theodore Aschenbrandt, docteur de l’armée bavaroise, informé de la découverte de la cocaïne (extraite en 1859 par Friedrich Wöhler et Albert Niemann), la testa sur ses soldats [10]D. Streatfeild, Cocaine, p. 67.. Au début, la cocaïne fut utilisée dans l’armée moins pour son pouvoir stimulant que pour soulager la soif et la faim, promettant une réduction de 15 à 20% de la quantité de nourriture nécessaire à l’approvisionnement des troupes.
La Première Guerre mondiale (1914-1918) vit l’apparition de la cocaïne sur la ligne de front. Il est impossible d’estimer le nombre de soldats qui en prenaient de manière récréative pour calmer leurs nerfs, et le nombre de ceux à qui la drogue était fournie pour améliorer leurs performances, mais la guerre laissa des centaines de vétérans accros à la cocaïne. La cocaïne fut utilisée, par exemple, par les pilotes allemands et français, par les soldats canadiens, par les corps d’armée australiens et néo-zélandais et par les fantassins britanniques. Les puissances de l’Axe tout comme les pays alliés étaient fournis par l’industrie néerlandaise (Nederlandsche Cocaïne Fabriek) qui, grâce à la guerre, devint le plus gros producteur mondial de cocaïne. L’armée britannique fit usage de la « Marche Forcée », une drogue composée de cocaïne et d’extrait de noix de kola, qui avait déjà été utilisée avec succès lors de longues et éprouvantes expéditions polaires [11]« Forced March », http://www.cocaine.org/forcedmarch.htm, page…. L’auto-prescription était répandue, la cocaïne se révélant être un soutien efficace dans les tranchées, et les pharmaciens de Londres commercialisaient par voie postale des kits médicaux contenant de l’héroïne et de la cocaïne, les vendant comme « des cadeaux utiles pour vos amis sur le Front [12]V. Berridge, « Drugs and Social Policy : The Establishment of… ». Suite à une panique morale grandissante en Grande Bretagne, la cocaïne finit par être perçue comme l’instrument d’une opération de subversion allemande. Ainsi, la loi sur la Défense du Royaume (Defense of the Realm Act) de Juillet 1916 interdit la vente sans prescription de cocaïne et de produits à base d’opium au personnel militaire[13]V. Berridge, « War Conditions and Narcotic Control : The….
La Seconde Guerre mondiale
La drogue de prédilection durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) fut les amphétamines. Le Troisième Reich fut le pionnier de l’utilisation militaire de la méthamphétamine. Dès les premiers mois de la guerre en Europe, la Wehrmacht consomma des quantités massives de meth sous la forme d’une « pilule d’attaque » nommée Pervitin, testée auparavant par les Allemands comme stimulant de combat pendant la Guerre civile en Espagne (1936-1939) [14]L. Iversen, Speed, Ecstasy, Ritalin: The Science of…. D’avril à décembre 1939, la compagnie Temmler fournit 29 millions de comprimés à la Wehrmacht et à la Luftwaffe. D’avril à juin 1940, durant la conquête des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de la France, les forces allemandes consommèrent plus de 35 millions de pilules de Pervitin et de sa version modifiée, l’Isophan. La méthamphétamine se présentait aussi sous la forme de barres chocolatées (Fliegerschokolade pour les pilotes et Panzerschokolade pour les divisions blindées) ou d’injections [15]N. Rasmussen, On Speed : The Many Lives of Amphetamine, New…. La meth joua donc un rôle significatif dans le succès de la Blitzkrieg. De nombreux soldats devinrent toxicomanes et furent approvisionnés par leurs familles, qui achetaient de la Pervitin sur le marché noir. Mais les Allemands ne tardèrent pas à découvrir les effets secondaires de la meth (gueule de bois, mauvaise condition physique le jour d’après, pics de nervosité et d’agressivité, augmentation des accidents et suicides, addiction) et à en limiter la consommation. En décembre 1940, le nombre de pilules consommées passa de 12,4 millions à 1,2 millions par mois [16]H. Nöldecke, « Einsatz von leistungssteigernden Medikamenten…. Cette politique de restriction ne connut cependant qu’un succès partiel, car les conditions particulièrement difficiles de la campagne de Russie (initiée en juin 1941) supposaient un supplément de dopage pharmacologique. D’une manière générale, la pharmacologie joua un rôle crucial, bien que largement passé sous silence, dans l’effort de guerre allemand, en particulier durant la phase initiale du conflit. Nicolas Rasmussen résume ce constat dans une formule particulièrement limpide : « Le Blitzkrieg allemand s’est appuyé autant sur la puissance des amphétamines que sur celle des machines. [17]Rasmussen, On Speed, p. 54. »
La Grande Bretagne, les États-Unis et le Japon leur emboîtèrent le pas et finirent eux aussi par administrer des amphétamines à leurs troupes. On estime ainsi la consommation des cachets de Benzedrine (amphétamine) par les soldats britanniques à 72 millions de cachets environ [18]Rasmussen, On Speed, p. 71.. La drogue était abondamment fournie aux pilotes, mais aussi aux soldats de l’infanterie. À titre d’exemple, le général Bernard Montgomery délivra le 23 octobre 1942 plus de 100.000 pilules à la 8e armée, juste avant la bataille d’El Alamein.
Les médecins états-uniens n’arrivaient pas à prouver que l’amphétamine améliorait la performance au combat, mais comme elle permettait de soutenir le moral des troupes et de prolonger leur éveil, près de 15 % des soldats états-uniens en consommèrent régulièrement. En 1942, on distribua les cachets de Benzedrine (plus couramment appelés « bennies ») dans les kits d’urgence délivrés aux troupes de bombardiers, pour ensuite élargir leur diffusion en 1943 à toute l’infanterie. Au total, les soldats états-uniens consommèrent au minimum 250 millions de pilules de Benzedrine (certaines estimations avancent le chiffre de 500 millions de cachets) [19]Rasmussen, On Speed, p. 84..
Dans le cas du Japon, les stimulants (appelés senryoku zokyo zai : motiver l’esprit de bataille) n’étaient pas seulement distribués aux soldats mais aussi aux civils dont le travail contribuait à l’effort de guerre (les pilules d’amphétamine furent notamment commercialisées en 1941 sous le nom de Philopon – de philo « amour » et ponos « travail » [ 20][20]M. Kato, « An Epidemiological Analysis of the Fluctuation of…). L’armée impériale administra des cachets connus sous le nom de Nekomo-Jo (les yeux du chat) mais aussi des injections de meth. Des « pilules d’assaut » (Totsugeki-Jo/Tokkou-Ko), composées d’amphétamine et de thé vert en poudre, furent distribuées aux kamikazes sur le départ de leur mission finale [21]A. Satō, « Methamphetamine Use in Japan After the Second World…. Suite à la défaite du Japon, des stocks colossaux de meth entrèrent sur le marché civil et furent distribués principalement par la mafia japonaise (yakuza), ce qui déclencha la première épidémie de consommation de drogues de 1945 à 1955 [22]M. S. Vaughn, F. F.Y. Huang & Ch. R. Ramirez, « Drug Abuse and….
La Guerre froide : Corée, Viêt-Nam et Afghanistan
Bien que les États-Unis aient dopé leurs troupes lors de la Seconde Guerre mondiale, c’est seulement au moment de la guerre de Corée (1950-1953) que la prescription de stimulants fut légalisée, avec la généralisation de l’usage de Dexedrine (dextroamphetamine) [23]Rasmussen, On Speed, p. 192.. Pour la première fois, les soldats se sont vus administrer des injections d’amphétamines et eurent un accès direct à la methamphétamine. Cette utilisation massive du speed par l’armée n’avait rien d’extraordinaire : dans les années 1950, aux Etats-Unis, les amphétamines étaient considérées presque comme des vitamines. Les militaires s’auto-administraient eux-mêmes des produits stupéfiants, et après la découverte des effets intensificateurs de l’héroïne sur la meth, ils commencèrent à s’injecter un mélange de ces deux drogues connu sous le nom de « speedball ». La guerre du Viêt-Nam (1965-1973) est parfois considérée comme la première véritable « guerre pharmacologique », car la consommation de substances psychoactives par les militaires y a atteint des proportions inquiétantes. Selon le Ministère de la Défense, en 1968, près de 50 % des soldats états-uniens déployés au Viêt-Nam consommaient des drogues ; en 1970, ce taux atteint 60%, et, en 1973, l’année du retrait des USA du Viêt-Nam, près de 70% d’entre eux étaient des utilisateurs de drogues. En 1971, 50,9 % fumaient de la marijuana, 28,5% utilisaient des drogues dures (principalement de l’héroïne et de l’opium), et 30,8% d’autres produits psychoactifs [24]G. Lewy, America in Vietnam, Oxford, Oxford University Press,…. Les militaires gobaient du speed à grande échelle. La prescription standard de l’armée (20 mg de dextroamphetamine pour 48h de disponibilité au combat) était rarement respectée. En 1971, un rapport de la Commission Parlementaire états-unienne sur la Criminalité révèle que, de 1966 à 1969, les forces armées des États-Unis ont consommé 225 millions de comprimés d’amphétamines, principalement de la Dexedrine [ 25][25]Iversen, Speed, Ecstasy, Ritalin, p. 72.. Ce qui représentait, par personne, selon les sections de l’armée : 21,1 comprimés dans l’armée navale, 17,5 dans l’aviation militaire et 13,8 dans l’armée de terre [ 26][26]Rasmussen, On Speed, p. 190.. Pour réduire l’impact de la guerre sur la santé mentale des soldats, le Ministère de la Défense eut recours à des sédatifs et à des neuroleptiques (par exemple la Thorazine [chlorpromazine]). Du fait de cet usage généralisé de produits psychotropes associé à une large présence de psychiatres sur le front, le nombre de cas de trauma post-combat fut exceptionnellement bas. Alors que le taux de décompensations psychiques s’élevait, pendant la deuxième guerre mondiale, à 10%, au Viêt-Nam il dégringola pour atteindre seulement 1%. Cependant, les drogues ne permirent pas de prévenir les conséquences négatives des combats sur le long terme, et des années plus tard, une véritable épidémie de traumatismes de guerre se développa parmi les vétérans.
En s’appuyant sur une série d’entretiens avec des soldats, Lee N. Robins a pu identifier les substances psychoactives que les militaires s’auto-administraient le plus fréquemment durant la guerre du Viêt-Nam : alcool (consommé par 92% des personnes interrogées), marijuana (69%), héroïne (34%), opium (38%), amphétamines (25 %), et barbituriques (23 %) [ 27][27]L. N. Robins, The Vietnam Drug User Returns : Final Report,…. On estime qu’en 1969, 30 % des soldats fumaient de la marijuana avant leur déploiement, tandis que 60 % en consommaient durant leur temps dans l’armée. La mise en place de mesures anti-marijuana par l’état-major eut pour conséquence une augmentation de la consommation d’héroïne, une drogue qui était alors, au Viêt-Nam, peu chère et extrêmement puissante (94 à 98% de pure « neige » fumable). Au printemps 1971, quelque 10 à 25 % des soldats étaient dépendants à l’héroïne. En guise de réponse au problème que représentaient les vétérans toxicomanes retournant chez eux, le Ministère de la Défense imposa un programme d’analyse d’urine obligatoire connu sous le nom grotesque d’« opération flot doré » (« Operation Golden Flow »). Seuls les soldats dont les analyses étaient négatives étaient autorisés à rentrer. Ceux dont les urines contenaient des traces de produit devaient passer par une phase de désintoxication par méthadone de 5 à 7 jours dans des centres situés dans les baies de Long Binh et Cam Ranh. Les militaires dont le second test était négatif pouvaient retourner aux USA. Les soldats (ou « GIs ») dont les tests présentaient deux fois de suite des traces de produit (1 000 à 2 000 cas par mois) étaient exclus des rangs de l’armée (« libérés ») et renvoyés chez eux [28]P. Brush, « Higher and Higher : Drug Use Among U.S. Forces in…. Vécue par les vétérans comme une maltraitance brutale, cette « libération » déshonorante empirait souvent leur problème d’addiction. L’importante consommation de drogue à laquelle elle a donné lieu est l’une des raisons pour lesquelles la guerre d’Afghanistan (1979-1989) est souvent appelée le « Viêt-Nam soviétique ». Cependant, contrairement aux soldats américains, les militaires communistes ne se sont pas vus administrer les drogues par leur hiérarchie mais les ont consommées de leur propre chef. La guerre a fait l’objet d’une censure soigneuse, il n’existe donc pas de données officielles sur la consommation de drogue, mais on estime qu’au moins la moitié de l’armée communiste d’Afghanistan s’intoxiquait régulièrement (voire 80% des soldats dans certaines unités) [29]M. Galeotti, Afghanistan : The Soviet Union’s Last War, London,…. L’alcool, le produit psychoactif traditionnel en Russie, étant cher et difficile à trouver, on lui substitua le haschish, la marijuana, l’opium, l’héroïne, la cocaïne. Le problème était particulièrement inquiétant, car les soldats échangeaient régulièrement du matériel volé de l’armée contre des drogues (ex : pièces détachées, essence, chaussures, vêtements et armes). Pour réguler la question de l’usage abusif de drogues, la durée de l’engagement fut réduite, au milieu des années 80, de 24 à neuf mois [30]J. K. Cooley, Unholy Wars : Afghanistan, America and… ; cela ne permit pas de contrer la propagation des pratiques de consommation excessive de drogues. Bien que les Mujjahiddin soient souvent, eux aussi, sous l’effet du haschich et de l’opium, ils utilisaient surtout les drogues pour financer leurs activités. Dans l’ensemble, la guerre facilita la culture du pavot à opium, qui, en 1996, fit de la Birmanie/Myanmar le premier producteur mondial d’opium.
Les drogues et les guerres contemporaines
Aujourd’hui, les amphétamines et les tranquillisants sont officiellement utilisés par l’aviation militaire états-unienne (US Air Force) comme moyen de « gestion de la fatigue ». Les pilotes assignés à de longues missions peuvent bénéficier, sous réserve de procédures spécifiques et de contrôles stricts, de « go pills » (Dexedrine) pour les aider à rester concentrés et alertes. Les médecins militaires peuvent les prescrire en prévision de vols de 8 à 10 heures ou plus, qui se passent de nuit ou incluent des changements de zones horaires [31]Performance Maintenance during Continuous Flight Operations : A…. A leur retour, les pilotes peuvent se voir prescrire des « no-go pills » pour les aider à dormir (des sédatifs comme l’Ambien, le Restoril, ou le Sonata). Par ailleurs, la consommation non-autorisée de substances illégales par le personnel militaire états-unien a doublé entre 1998 et 2005, pour atteindre 5 % de ce public. [32]P. Von Zeilbauer, « For U.S. Troops at War, Liquor Is Spur to… Nombreux sont ces personnels qui ont développé des addictions aux produits qui leur ont été prescrits par les médecins militaires (souvent des antidouleurs opioïdes comme l’Oxycodon, et des produits psychotropes) et qui ont continué à se les procurer sur des marchés noirs, particulièrement ceux qui fleurissaient en Irak. Certains documents révèlent que des soldats participant aux opérations en Irak et en Afghanistan ont consommé des stéroïdes et abusé de l’alcool, de la cocaïne et du Valium.
La consommation de drogues est en augmentation visible parmi les membres de groupes armés irréguliers comme, par exemple, les armées insurgées d’Irak, les combattants d’Afghanistan, les groupes rebelles d’Ouganda, du Liberia, du Sierra Leone, les militants Tchéchènes, les fractions rebelles de Somalie, les combattants féroces de Daech en Irak et en Syrie, et d’autres groupes anti-occidentaux. Par exemple, les insurgés qui ont combattu les « Marines » états-uniens à Fallujah étaient sans aucun doute sous l’effet d’amphétamines et de crack, comme le prouvent les piles d’aiguilles et de pipes retrouvées ensuite chez eux [33]T. Perry, « Fallouja Insurgents Fought Under Influence of…. Les dix terroristes de « Lashkar-e-Taiba » qui ont perpétré les attaques mortelles de Bombay en 2008 avaient consommé des stéroïdes, de la cocaïne, et du LSD [34]« Mumbai Terrorists on Drugs During Attacks », Ebru News, 2…. La drogue connue sous le nom de Captagon ou de fénéthylline est un stimulant largement utilisé par les combattant.e.s de la guerre civile syrienne et par ceux de Daech. Cette drogue synthétique inventée en 1961 est métabolisée par le corps sous la forme de deux produits – amphétamine et théophylline (une molécule du type Xanthine). La Commission des Nations Unies contre la Drogue et le Crime la décrit comme « un stimulant de type amphétamine ». Elle a été un temps prescrite pour traiter l’hyperactivité, la narcolepsie et la dépression mais, à cause de son potentiel addictogène important, elle a été interdite dans la plupart des pays au milieu des années 1980. Largement consommée au Moyen-Orient de manière illégale et dans le cadre de pratiques récréatives, elle est longtemps restée quasiment inconnue ailleurs que dans cette zone du monde.
Le Captagon est une bonne drogue pour le combat. Elle provoque les effets typiques des stimulants de la classe des amphétamines – elle atténue la peur, supprime la douleur, efface la sensation de faim, réduit le besoin de sommeil et donne de la force. On sait que les djihadistes syriens et ceux de Daech en ont consommé de grandes quantités. On dit que cette drogue les transforme en combattants féroces et sans peur, capables de commettre facilement des violences hors du commun, ce pourquoi le Captagon est souvent appelé la « pilule de l’horreur » [35]« Two Tons of IS Drugs »,…. Les civils kurdes qui se sont échappés de Kobane rapportent que les combattants de Daech sont « sales, avec des barbes hirsutes et de longs ongles noirs. Ils ont avec eux des stocks de comprimés qu’ils prennent sans cesse. Cela semble les rendre encore plus fous » [ 36][36]Cité dans Perlmutter, « ISIS Meth Heads »,…. Les atrocités qu’ils commettent peuvent être expliquées comme le résultat, non seulement de la culture brutale et féroce de l’État Islamique et de son extrémisme djihadiste, mais aussi d’une psychopathie chimiquement induite. Les comprimés de Captagon de contrebande qu’ils prennent sont souvent plus puissants que l’original car ils contiennent de la méthamphétamine, de l’éphédrine et d’autres drogues. Par ailleurs, des témoins racontent que les jihadistes consomment également d’autres psychoactifs : cocaïne, héroïne, et haschisch [37]Perlmutter, « ISIS Meth Heads ».. En d’autres mots, ils sont sous l’effet de deux drogues : le djihad et les produits stupéfiants. En résumé, les drogues permettent de compenser, dans les armées non professionnelles, l’absence d’entraînement et de discipline typiques des forces armées classiques. Les soldats de ces groupes deviennent plus incontrôlables, ce qui ajoute ainsi de façon significative au chaos de la guerre contemporaine.
Drogues et anciens combattants
L’histoire militaire éclaire les nombreuses facettes du lien qui existe entre drogues et anciens combattants. D’abord, dans la mesure où l’usage de substances psychoactives est encouragé par les guerres, de nombreux soldats entrent pour la première fois en contact avec les drogues durant leur service militaire – de manière volontaire (pour se détendre) ou involontaire (lorsque ce sont les autorités militaires qui les prescrivent pour raisons médicales ou pour améliorer les performances des soldats). Certains reviennent chez eux avec des addictions qui bouleversent leurs vies. La perception des soldats de retour du front comme de dangereux « étrangers » susceptibles de propager leur addiction et de menacer l’ordre social a souvent nourri des attitudes négatives vis-à-vis des anciens combattants. C’est ainsi qu’ont été justifiées certaines campagnes et certaines législations nationales anti-drogue. Par exemple, beaucoup de vétérans de la guerre civile (1861-1865) développèrent une dépendance à l’opium et à la morphine, deux produits qui avaient fait l’objet d’un usage médical massif durant ce conflit. Cette situation fut le terreau du mythe de la « maladie des soldats » (l’idée d’une gigantesque armée d’anciens combattants drogués à la morphine), qui fut utilisée pour justifier le vote d’une loi anti-stupéfiants : le « Harrison Act » de 1914. On pourrait citer également l’héroïnomane comme figure du vétéran du Viêt-Nam (1963-1975) et de la guerre d’Afghanistan (1979-1989).
Deuxièmement : les expéditions militaires ont souvent été l’occasion pour les soldats de découvrir de nouveaux pays et de nouvelles cultures, mais aussi de nouvelles drogues et pratiques de consommation. En ramenant chez eux des substances psychoactives inconnues jusqu’alors, les anciens combattants ont participé à la promotion sociale de leur consommation. Par exemple, les légionnaires romains qui revinrent de leurs voyages en Egypte et au Moyen-Orient étaient familiers de l’opium. Les soldats de l’armée d’Orient de Napoléon Bonaparte rentrèrent de l’expédition d’Egypte (1798-1801) avec une pratique de consommation du haschich, et ils introduisirent ce produit en France, pays depuis lequel il se diffusa en Europe.
Troisièmement : la guerre cause d’inévitables traumatismes qui peuvent démolir la personnalité des combattants. Les effets sur le long terme de l’expérience guerrière (le poids de la participation aux tueries, l’expérience de la mort et de la destruction, la tension nerveuse continuelle…) détruisent la santé mentale des soldats, car l’évolution n’a pas préparé le corps humain à demeurer en état d’alerte et de stress sur une période longue. Le rejet social dont font l’objet les soldats, le désajustement qu’ils vivent au retour, les blessures physiques, les handicaps et les troubles psychiques conséquents aux combats sont autant de raisons qui expliquent la consommation excessive de produits psychoactifs chez les anciens combattants. Ceux qui souffrent de stress post-traumatique ont très souvent recours aux narcotiques comme forme d’automédication.
Quatrièmement : les produits psychoactifs (comme les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, les antiadrénergiques, les antipsychotiques, les hypnotiques et les sédatifs) ont également été utilisés pour soigner les pathologies du stress conséquentes aux combats. Avec les campagnes d’Afghanistan (2001-) et d’Iraq (2003-2011), la question du stress post-traumatique a pris une ampleur alarmante, dont témoignent les taux importants de troubles psychiques majeurs au sein des personnels militaires états-uniens : 11 % pour ceux déployés en Afghanistan et 17% pour ceux intervenus en Iraq. C’est pourquoi l’armée états-unienne finance aujourd’hui la recherche sur des traitements pharmacologiques innovants, comme l’utilisation de MDMA en psychothérapie. Le MDMA, également connu sous le nom d’ecstasy, est une substance psychoactive semi-synthétique, un dérivé de la méthamphétamine, classée comme « empathogène » (elle provoque l’empathie et des sentiments de proximité avec les autres). On a découvert, dans les années 1970, que la MDMA aide à communiquer ses émotions ; en effet, avant de devenir aux États-Unis en 1985 une drogue soumise à contrôle, elle était utilisée pour traiter le stress post-traumatique chez les vétérans du Viêt-Nam. En 2001, la U.S. Food and Drug Administration a autorisé une recherche expérimentale sur l’usage du MDMA pour soigner des patients atteints de stress post-traumatique et en 2010, une équipe dirigée par Michael Mithoefer a lancé une recherche sur des anciens militaires états-uniens souffrant de traumatisme suite à des combats. Les résultats sont prometteurs – l’ecstasy permet bien aux anciens combattants de parler ouvertement de leurs difficiles souvenirs de guerre [38]MDMA/PTSD U.S. Study (Veterans of War), Multidisciplinary…. En résumé, les substances psychoactives ont accompagné les anciens combattants, qu’ils soient devenus toxicomanes au combat ou de retour du front pour soigner leurs traumatismes.
Conclusion
La plupart des effets des substances psychoactives améliorent nettement l’efficacité militaire. Ils aident les organisations militaires à atteindre les objectifs qu’elles visent par l’entraînement : les stimulants améliorent la performance, réduisent le stress, éliminent la faim, donnent du courage, engourdissent les sens, boostent le moral. Mieux encore, les drogues et leurs cocktails peuvent produire l’ensemble de ces effets en même temps. Parce qu’elles rendent possibles un entraînement de meilleure qualité, et une capacité au combat et à tuer plus efficace, elles ont été utilisées par les combattants avec enthousiasme. Cependant, l’histoire montre aussi que l’abus de drogues peut être contre-productif et baisser les capacités des troupes.
Aujourd’hui, alors que les armées professionnelles (en particulier occidentales) ont limité voire abandonné l’administration de drogues à leurs soldats (sauf peut-être les États-Unis) et combattent l’usage illicite de ces produits en leur sein, les armées non professionnelles, elles, (qu’elles soient insurgées, terroristes ou composées d’enfants-soldats), utilisent de plus en plus des produits variés. Les forces armées institutionnelles ont, en général, régulé et contrôlé les usages des drogues, alors que les armées informelles n’exercent quasiment pas de contrôle sur la consommation de leurs membres, ce qui les rend d’autant plus imprévisibles, sauvages, cruels, et « irrationnels ».
Notes
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[*]
Maître de conférences en études politiques et internationales à l’Université jagellonne de Cracovie (Pologne). Son dernier ouvrage, Shooting Up. A History of Drugs and War, a été publié en mars 2016 par Oxford University Press et Hurst Publishers.
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Perlmutter, « ISIS Meth Heads ».
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