09 septembre 2023

Je quitte Paris

Venant de mon Nord natal, je suis arrivé à Paris en 1976 et j’y ai vécu jusqu’à présent, à l’exception de mes douze années américaines (1989-2001). Je vais quitter la capitale définitivement dans quelques jours. Paris a beaucoup changé ces dernières années, pas pour le mieux. La dégradation est surtout sensible dans le quart nord-est où j’ai vécu. L’actuelle municipalité a facilité, par incurie et idéologie, la dégradation de l’environnement urbain, le laisser-aller, la crasse, les projets vaseux.

Je peux vous parler précisément de la place de la République où j’ai passé 20 ans. Devenue en 2013 une grande dalle en béton surchauffée en été, cet endroit a basculé dans le n’importe quoi en 2016 avec le funeste épisode « Nuit Debout ».

Une escouade de pouilleux et de punks à chiens a alors démontré qu’on pouvait faire n’importe quoi sur cette esplanade. Cela n’a plus cessé : rassemblements hétéroclites pour toutes les causes même les plus obscures, beuglements intempestifs des sonorisations, clochardisation massive, graffitis. Il y a en réalité deux Paris très différents. D’abord, un Paris encore un peu préservé (5ème, 6ème, 7ème, 8ème, 16ème, une partie du 17ème). Dans ces arrondissements, l’espace public est généralement entretenu. Et un deuxième Paris où la municipalité de madame Hidalgo a visiblement baissé les bras ou s’est lancée dans des expérimentations hasardeuses et coûteuses, souvent abandonnées un peu plus tard. Je quitte Paris où je me suis épanoui professionnellement mais où je n’ai jamais éprouvé un vrai plaisir citadin.

Quand j’habitais New York dans les années 90, lorsque je m’absentais de la ville et que j’y revenais, je ressentais du plaisir. New York était alors une ville excitante. Je n’ai jamais éprouvé ce sentiment en revenant à Paris après une courte absence. Il y a beaucoup d’agressivité à Paris, une ambiance tendue, de mauvaises vibrations. Des quartiers ont été sacrifiés, comme le Marais où j’avais vécu dans les années 80. Le Marais n’est plus qu’un décor aseptisé pour touristes, un lieu instagramable, comme tant d’autres. Je pourrais aussi citer, au milieu de beaux quartiers encore intacts, le cloaque du Champ-de-Mars au pied de la Tour Eiffel ou le coupe-gorge du Trocadéro.

Je ne m’étends pas sur les aberrations de l’aménagement urbain. L’importance démesurée accordée à la bicyclette a transformé les cyclistes en chevaliers blancs dont chaque coup de pédale, d’après ce qu’on leur a dit, sauve un bout de banquise et quelques pingouins. Ces gens à vélo traversent la ville, goguenards et investis d’une mission messianique. Ils se contrefichent des manants qui osent encore se déplacer à pied. Depuis 1666, on connaît grâce à Nicolas Boileau “Les embarras de Paris”. Avec Anne Higalgo, c’est tout Paris qui est devenu embarrassant. Je ne suis pas le seul à vouloir déguerpir. En dix ans, 123.000 personnes ont fui la capitale. La municipalité pleurniche sur les fermetures de classes.

Mais pourtant, c’est simple : les habitants se volatilisent, leurs enfants aussi. Au revoir donc, Paris. On disait jadis : “Fluctuat nec mergitur” (elle est battue par les flots mais elle ne sombre pas). Il faut dire à présent : “Fluctuat et mergitur” (elle est battue par les flots et elle sombre).

Godefroy

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