Cela fait bientôt deux mois que la “contre-offensive ukrainienne” a commencé. Cependant, comme chaque semaine depuis le 4 juin, nous constatons que les troupes de Kiev ne font aucun progrès sur le terrain. Au nord, près de Koupiansk, ce sont même les troupes russes qui continuent à avancer clairement comme nous vous l’indiquons depuis maintenant trois semaines.
Les observateurs sur le terrain sont partagés mais ils livrent un tableau d’ensemble cohérent : certains, comme Erwan Castel, ont souligné l’intensification des attaques ukrainiennes, ces derniers jours (indéniable vers Zaporojie, Donetsk et Artiomovsk) ; d’autres – toujours à propos de la région de Zaporojie ou du sud d’Artiomovsk – ont souligné que l’armée russe en a profité, après avoir brisé les vagues d’assaut, pour reprendre du terrain.
Selon le ministère russe de la défense, les forces armées ukrainiennes ont perdu plus de 20.800 militaires au cours du mois dernier. 2.500 tués et blessés par semaine ? Admettons même que ce chiffre soit exagéré : Kiev a dans tous les cas gaspillé sans résultats des milliers de soldats.
Incapable d’effectuer une percée, Kiev essaie de donner le change
Pour tenter de masquer cette stagnation, Kiev se livre à trois types d’attaques :
+ des bombardements sur les civils du Donbass :
Le 31 juillet, [les Kiéviens] ont frappé l’agglomération de Donetsk, notamment avec des MLRS HIMARS de fabrication américaine. Les commandants ukrainiens (…) ont lancé des missiles sur des lieux publics le matin, alors que de nombreux habitants de la ville se rendaient au travail. Trois civils ont été tués et 14 autres blessés.
Plus tard dans la soirée, les nazis ukrainiens ont tué trois civils et en ont blessé 15 autres dans le village de Basan, dans la région de Zaporozhie.
southfront.org
+ des tirs spectaculaires de drones sur Moscou
Dans la nuit du 1er août, deux drones ont été détruits par les forces de défense aérienne dans la région de Moscou. Un autre drone est tombé dans le grand centre d’affaires de la ville, également touché le 30 juillet. Plusieurs fenêtres ont été brisées.
soutfront.org
+ Des attaques de drones en Mer Noire.
La nuit [du 31 juillet au 1er août], les attaques ukrainiennes ont également visé des navires militaires et des cargos civils russes dans les eaux du sud-ouest de la mer Noire. Les patrouilleurs militaires Sergey Kotov et Vasily Bykov ont repoussé l’attaque. Comme lors des précédentes tentatives d’attaque contre des navires russes, toutes les embarcations sans équipage ont été détruites.
southfront.org
+ des attaques de drones ou de missiles visant à isoler la Crimée du reste de la Russie et, par la même occasion, à couper les troupes russes dans le sud de l’Ukraine d’une partie de leurs approvisionnements (ces frappes sont conçues comme le préalable à une reconquête de la Crimée pour laquelle un commando de 2.000 soldats ukrainiens est actuellement entraîné au Royaume-Uni)
Un vrai risque de guerre directe entre la Russie et l’OTAN en Crimée
Comme nous l’avions indiqué il y a quelques semaines, il existe un vrai risque de confrontation directe entre la Russie et l’OTAN à propos de la Crimée.
La péninsule est le seul vrai point de vulnérabilité de la Russie. La péninsule a toujours été difficile à défendre. La dernière guerre militairement perdue par la Russie le fut en Crimée (1853-1856). (La Première guerre mondiale ne fut pas perdue du fait d’une défaite militaire mais de la révolution)
On comprend bien comment les Anglo-Américains, constatant (1) l’échec de la contre-offensive ukrainienne ; (2) l’inexorable grignotage des armées russes vers une ligne Kharkov-Odessa, pourraient avoir la tentation d’un baroud d’honneur, pour infliger un coup symboliquement dévastateur à Vladimir Poutine.
L’armée ukrainienne est incapable de monter une opération de ce type. Les Russes savent très bien que seuls les Britanniques et les Américains ont permis de monter les frappes contre le pont de Kerch ; ce sont des Storm Shadows qui ont visé récemment la péninsule. Les drones qui attaquent la péninsule ou des navires en Mer Noire choisissent leurs trajectoires après des opérations de reconnaissance américaines.
Si une plus grosse opération était montée par les Anglo-Américains, elle aurait pour but de faire perdre leur sang-froid aux Russes.
Le risque est réel. Jusqu’à maintenant la Russie a fait mine d’ignorer ces indéniables ingérences de l’OTAN dans la guerre. Pourra-t-elle toujours conserver cette attitude ?
Ces frappes russes qui détruisent inexorablement les livraisons occidentales à Kiev
L’inquiétude dont nous faisons part est aussi fondée sur le calendrier et l’état du front : l’offensive ukrainienne s’essouffle ; les conditions d’une offensive finale russe s’accumulent ; la suprématie que donnent à la Russie ses missiles de précision devient de plus en plus flagrante. Désormais, Odessa et Nikolaïev sont régulièrement des cibles des missiles ou des drones russes. A l’automne il serait trop tard.
Ces derniers jours, l’armée russe a poursuivi ses frappes de précision sur les installations militaires dans tout le pays.
Dans la nuit du 1er août, les forces russes ont frappé Kharkov. La ville aurait été visée par plus de 20 drones. L’une des cibles était la 40e école technique, qui accueille les militaires ukrainiens depuis l’année dernière.
La veille, l’aéroport local utilisé pour les frappes de drones a été touché, ainsi qu’une usine de treillis métallique dans le district de Novobavarsky, où se trouvait un atelier d’assemblage de drones.
Des missiles russes Iskander ont également frappé le collège utilisé pour loger les militaires ukrainiens à Krivoy Rog.
soutfront.org
Les États-Unis dépensent plus pour l’Ukraine depuis février 2022 que pour le plan Marshall
La question de l’efficacité de la stratégie occidentale est posée désormais ouvertement. John Sopko, inspecteur général du service de reconstruction des États-Unis en Afghanistan, a révélé que Washington dépense environ 2,5 milliards de dollars par mois pour l’assistance à la sécurité en Ukraine. En comparaison, Washington n’a dépensé qu’environ 375 millions de dollars par mois pour l’assistance à la sécurité en Afghanistan. Depuis février 2022, l’administration Biden a engagé plus de 75 milliards de dollars dans divers types d’assistance à l’Ukraine, dont près de 50 milliards ont été consacrés à l’achat d’armes et d’équipements militaires connexes.
“Nous dépensons plus d’argent en Ukraine en un an que nous n’en avons dépensé en 12 ans en Afghanistan, et d’ici la fin de l’année, nous dépenserons plus d’argent en Ukraine que nous n’en avons dépensé pour l’ensemble du plan Marshall après la Seconde Guerre mondiale”, a-t-il averti, soulignant qu’il était favorable à l’aide financière, mais qu’il fallait s’assurer qu’elle était effectuée “correctement et sous supervision”.
John Sopko cité dans The Intel Drop
Les dépenses totales en Ukraine ne feront qu’augmenter considérablement si l’on considère qu’au cours du seul mois de juillet, l’armée ukrainienne a perdu – selon le Ministère de la Défense russe – 2 227 unités d’armes diverses, dont 10 chars Leopard, 11 véhicules blindés Bradley et des dizaines de pièces d’artillerie provenant du Royaume-Uni, des États-Unis, d’Allemagne, de France et de Pologne.
Un ancien ambassadeur américain est entré aussi dans le débat pour expliquer que mettre fin, pourtant, à l’aide à l’Ukraine, signifierait une débâcle plus importante qu’en Afghanistan ! Signe que le débat fait rage en coulisses à Washington.
Y a-t-il eu des échanges de vue, sur un accord de paix, entre services russes et britanniques?
Cela fait des mois que j’entends parler, dans les cercles diplomatiques, de discussions directes entre Russes et Américains (et/ou Britanniques). Je n’en ai pas parlé jusqu’à maintenant parce que cela me semblait fondé sur des rumeurs.
La semaine dernière, j’ai cependant remarqué la convergence d’une information : une source ministérielle allemande, une source américaine (militaires à la retraite) et une source diplomatique d’un pays de l’UE m’ont fait allusion à des discussions officieuses entre Russes et Britanniques, au niveau des services. Cette information est à mettre en face de celle que nous donnions plus haut sur l’entraînement au Royaume-Uni d’un commando ukrainien qui reprendrait la Crimée.
Comme l’establishment américain, la caste dirigeante britannique est partagée, sinon divisée. D’un côté on entraîne des militaires ukrainiens à participer à une opération qui signifierait une guerre entre Russie et Occidentaux ; de l’autre on semble négocier un éventuel abandon de la côte de la Mer Noire aux Russes, avec le maintien d’Odessa comme seul accès ukrainien à la mer.
A suivre.
Bhadrakumar commente la visite de Choïgou en Corée du Nord
La visite de Shoigu s’est déroulée parallèlement à celle de Li Hongzhong, vice-président du comité permanent de l’Assemblée nationale populaire de Chine, indiquant que la Russie et la Chine “se tiennent proches” de la Corée du Nord – pour reprendre un commentaire du Global Times – en réponse à l’administration Biden qui accélère l’approfondissement d’une alliance trilatérale entre Washington, Tokyo et Séoul.
Washington profite de la transition politique en Corée du Sud avec l’élection du président sud-coréen pro-occidental Yoon Suk-Yeol en mai dernier, qui a inversé la trajectoire de la politique étrangère indépendante de son prédécesseur Moon Jae-In vers Moscou et Pékin et a abandonné les efforts pour parvenir à une détente avec Pyongyang.
L’approche américaine de l’Extrême-Orient peut être comparée à sa stratégie au Moyen-Orient, où elle consistait également à attiser l’iranophobie et à empêcher tout processus de sécurité régionale de se cristalliser, ce qui a contribué à renforcer sa présence militaire dans la région et à promouvoir des exportations d’armes massives. La principale différence réside dans l’orientation de la stratégie de Washington en Extrême-Orient, qui consiste à contenir la Chine et la Russie.
Il ne fait aucun doute que les États-Unis aggravent la situation en Asie en provoquant Pyongyang et en minant la situation dans la péninsule coréenne pour la maintenir dans un état d’animation suspendue qui peut être réactivé à tout moment. Les récentes visites successives, en juillet, de deux sous-marins nucléaires américains dans les bases navales sud-coréennes en sont un bon exemple.
Ces derniers temps, la confrontation gelée entre les deux Corées s’approche constamment de l’escalade en raison de l’approfondissement de la coopération militaire entre Washington et Séoul. Un moment décisif s’est produit en avril lorsque Biden et Yoon ont signé la Déclaration de Washington sur la dissuasion de la Corée du Nord, qui implique la création d’un groupe consultatif sur les questions dans le domaine nucléaire et une plus grande fréquence d’apparition des armes stratégiques américaines, ainsi que la visite de sous-marins nucléaires en Corée du Sud.
Certes, le doublement de Washington a provoqué une vive réaction de Pyongyang et un cercle vicieux se met en place en l’absence d’intérêt de la part des Américains à renouer le dialogue avec Pyongyang. En fait, les Américains enveniment la situation sous prétexte de soutenir la Corée du Sud.
En clair, cela crée une synergie pour la capacité des États-Unis à contrer l’axe sino-russe dans la région Asie-Pacifique. Le journal Izvestia a rapporté la semaine dernière, citant des sources du ministère de la défense à Moscou, qu’un renforcement du déploiement en Extrême-Orient était à l’étude et qu’il pourrait inclure le basculement des porte-missiles stratégiques Tu-160 “White Swan” dans la région de l’Amour – un bombardier stratégique supersonique multimode à géométrie d’aile variable, conçu pour frapper l’arrière profond à une vitesse pouvant atteindre 2000 km/h.
L’expert militaire Youri Lyamin a déclaré à Izvestia : “Il convient d’accorder une attention particulière au Japon, avec lequel nous [la Russie] avons toujours des différends territoriaux concernant les Kouriles du Sud. Récemment, ce pays [le Japon] a augmenté ses dépenses militaires et prévoit également de développer des systèmes d’armes de choc. Il est donc nécessaire de renforcer nos forces de dissuasion afin de neutraliser la menace venant de cette direction”.
Cependant, la géopolitique de l’Extrême-Orient a également d’autres dimensions. La valeur commerciale de la route maritime de l’Arctique est sous les feux de la rampe, “un domaine important où la Chine et la Russie ont un potentiel et devraient renforcer leur collaboration”, a écrit le Global Times cette semaine.
La Russie teste actuellement la route maritime arctique avec une cargaison de pétrole brut destinée à la Chine, qui devrait arriver le 12 août à Rizhao, dans la province de Shandong, dans l’est de la Chine. Cette route pourrait réduire de près d’un tiers la distance maritime entre l’Europe et l’Asie du Nord-Est, par rapport à la route de Suez, qui est actuellement utilisée pour la plupart des exportations de pétrole russe vers la Chine et l’Inde.
Il ne fait aucun doute que le changement climatique alimente l’intérêt pour le transport maritime dans l’Arctique. Mais il s’agit également d’une nouvelle étape dans la compétition mondiale entre les puissances, qui met en jeu des intérêts politiques et économiques pour le commerce entre l’Asie et l’Europe. L’importance stratégique est profonde, puisque la route du Nord n’est pas sous le contrôle des États-Unis, contrairement au détroit de Malacca.
Le Global Times écrit : “Du point de vue de la géopolitique, une planification précoce et des précautions en termes de diversification des routes maritimes sont primordiales pour la sécurité économique et commerciale de la Chine. Par conséquent, la Chine doit s’associer à la Russie pour développer de nouvelles routes maritimes dans l’Arctique, dans l’intérêt stratégique à long terme.”
Il suffit de dire que l’approfondissement de la coopération entre les marines chinoise et russe, en particulier les patrouilles conjointes, etc., change la donne dans la géopolitique de l’Extrême-Orient et du Pacifique occidental.
Qu’en est-il de la Corée du Nord ? Le port de Rajin, situé sur la côte nord-est de la Corée du Nord, est le port libre de glace le plus septentrional d’Asie.
Rajin pourrait devenir un “hub logistique” s’il est relié au chemin de fer transsibérien. Il existe déjà une voie ferrée reliant la Russie et la Corée du Nord via le passage du fleuve Tumen pour atteindre le port de Rajin (conformément à un accord signé en 2008 entre les chemins de fer des deux pays).
Une zone économique spéciale à Ranjin s’intègre d’une part dans le réseau de transport maritime de l’Arctique et, d’autre part, dans le groupe de ports d’Asie du Nord-Est où les navires transitant par la route maritime du Nord pourraient arriver ou partir, trois d’entre eux – Busan, Qingdao et Tianjin – étant également les dix ports à conteneurs les plus fréquentés au monde.
En effet, le complot américain visant à maintenir les tensions à un niveau élevé dans la situation entourant la Corée du Nord est évident. Pour que Rajin devienne réellement une plaque tournante logistique, il faudrait probablement que la situation politique dans la péninsule coréenne change radicalement.
La visite inédite de Shoigu à Pyongyang a un objectif bien plus important : intégrer la Corée du Nord dans la géoéconomie de l’Eurasie. L’envisager en termes de somme nulle ne rendrait pas justice aux ressources intellectuelles de la Russie pour planifier l’avenir avec une vision à long terme. Ne soyez pas surpris si les discussions de Shoigu à Pyongyang figurent dans la prochaine visite de Poutine en Chine en octobre, avec un accent sur l’initiative “Belt and Road”.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/08/03/guerre-dukraine-jour-522-un-vrai-risque-de-guerre-directe-entre-la-russie-et-lotan-cet-ete/
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