Un ver de terre en provenance d’Asie profite actuellement des conditions météo pour s’établir à Montréal. Capable de sécréter une toxine paralysante et sans prédateur connu, le ver plat à tête de marteau pourrait bien devenir une espèce envahissante au Québec.
Ce qu’il faut savoir
Un premier ver plat à tête de marteau a été observé à Montréal en 2018.
Sans prédateur connu, l’espèce peut causer des dommages aux écosystèmes.
Les importantes quantités de pluie tombées sur Montréal cet été favorisent sa propagation.
Le ver plat à tête de marteau ou Bipalium adventitium a été observé pour la première fois en 2018 dans le parc du Mont-Royal. Plus récemment, un ver a aussi été trouvé dans le jardin d’une résidante de Westmount.
Pourquoi s’inquiéter d’un ver ou encore de quelques individus qui seraient présents dans un secteur restreint de la métropole ? « En ce moment, c’est seulement une espèce exotique, mais elle pourrait bien devenir envahissante, explique l’entomologiste Étienne Normandin, coordonnateur des collections zoologiques à l’Institut de recherche en biologie végétale. Les impacts peuvent rapidement être très dommageables. »
Originaire d’Asie, ce ver s’est répandu aux États-Unis où il est maintenant présent dans une trentaine d’États. Avec le réchauffement du climat, il migre plus facilement ver le nord, ce qui explique sa présence au Québec.
« C’est une très bonne année [pour le ver plat à tête de marteau] avec toute la pluie qu’on a reçue », signale M. Normandin. Selon lui, les conditions météo de l’été risquent de favoriser l’accroissement de la population et sa dispersion géographique.
« Même s’il n’a pas un pouvoir de dispersion très grand – il n’a pas d’ailes –, c’est sûr qu’il est maintenant dans les quartiers voisins du mont Royal », ajoute l’expert. Jusqu’à présent, sept ou huit vers ont été identifiés, ce qui signifie qu’il y en a probablement au moins une centaine, précise-t-il.
La principale menace de Bipalium adventitium n’est pas tant pour les humains, ce sont plutôt les écosystèmes qui risquent d’écoper si l’espèce finit par se multiplier. Le ver n’a pas de prédateur et se nourrit de limaces, d’escargots, de vers de terre et de larves d’insectes.
« C’est le genre d’espèce exotique qui provoque des effets insidieux », fait remarquer Étienne Normandin. Si la biodiversité des sols est affectée, c’est en effet toute la biodiversité qui finit par être affectée.
S’il ne peut se déplacer aussi rapidement qu’un insecte, par exemple, le ver plat à tête de marteau n’a pas mis beaucoup de temps à se propager dans la région de Toronto. « Ça a pris quelques années seulement pour qu’on le retrouve à Hamilton et dans les banlieues de Toronto », mentionne M. Normandin.
Inoffensif, mais problématique
Le ver, qui peut mesurer jusqu’à 30 cm de long, sécrète une toxine paralysante pour capturer ses proies et ensuite les dévorer. Il ne représente pas cependant une réelle menace pour les humains, sauf pour les jeunes enfants qui pourraient en mettre un dans leur bouche en jouant à l’extérieur.
« Mais si un oiseau en mange un, ça ne va pas bien aller pour lui », lance Étienne Normandin.
« Il est inoffensif au toucher », précise-t-il. Si on en trouve un, il suffit de mettre du sel sur le ver pour le tuer avant de s’en débarrasser. Mais l’expert recommande de documenter sa découverte sur le site iNaturalist. « On peut prendre une photo et indiquer la date, ça va permettre de suivre son évolution. »
Selon le ministère québécois de l’Environnement, deux observations ont été rapportées depuis celle à Montréal en 2018, dont une à Gatineau en juin dernier, a indiqué le quotidien Montreal Gazette.
« On va finir par en avoir à Sherbrooke et à Gatineau », croit M. Normandin.
Québec dit ne pas documenter pour le moment l’arrivée de cette espèce exotique dans la province. Une erreur, selon Étienne Normandin.
Comme le ver semble pour l’instant être présent dans un secteur bien précis, autour du mont Royal, « on peut gagner quelques années et peut-être même l’éradiquer en y mettant les efforts ».
« C’est pour ça que c’est important que les gens documentent leurs observations. Si on en a plus, ça peut faire bouger les choses », insiste-t-il.
Curieuse bestiole du monde animal, le ver plat à tête de marteau peut pondre des œufs, mais il peut aussi se reproduire en se séparant en deux, formant ainsi un deuxième ver, par un processus qui s’appelle la scissiparité.
Il arrive à se déplacer dans le monde entier en se cachant dans le terreau de plantes envoyées à l’étranger. « C’est aussi ça, la mondialisation », rappelle Étienne Normandin.
Sources : Montreal Gazette, National Geographic
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