Une réaction pavlovienne courante consiste à réduire tous les problèmes du travail en général, et du service public en particulier, à une question de salaire ? Trop d’emplois vacants en France malgré des millions de chômeurs ? Ce n’est pas à cause de la paresse, mais de la faiblesse des salaires. Trop d’emplois enseignants ou hospitaliers non pourvus ? Les salaires sont trop bas. Pourtant, une étude de la DREES consacrée au turn-over des infirmières vient de documenter l’absurdité de ce réflexe, et souligne que le problème premier des vacances de poste dans le service public tient au management et non aux moyens des services. Massivement, les infirmières quittent le service public pour s’occuper de leur famille et pour devenir indépendantes, c’est-à-dire pour travailler plus et gagner moins.
Il faut lire l’étude de la DREES sur le devenir des infirmières de l’hôpital public pour démonter le mythe de salaires trop bas qui empêchent de pourvoir les postes. L’étude analyse le volume de départ de l’hôpital chez les infirmières sur période longue, et souligne que le mouvement, qui va s’accélérant, devient inquiétant.
Donc, la moitié des infirmières au sein de l’hôpital public quitte son emploi dans les 10 ans qui suivent leur recrutement. Ce n’est pas rien !
La DREES évite de s’étendre sur les raisons avouées et explicites de ces départs, probablement qu’elle devrait poser le problème tabou du management dans le service public, déjà savamment éludé par Olivier Véran lors du Ségur de la Santé. Mais il est évident que l’hôpital soumis à des 35 heures absurdes qui déstabilisent son organisation, exercent une pression psychique pénible pour les infirmières. Si l’on y ajoute l’absence d’autonomie dans les tâches, et les performances cataclysmiques (en moyenne) des médecins en matière de management, on a à peu près résumé les causes d’une désaffection grandissante.
Le graphique que nous reproduisons ci-dessous donne des éléments d’explication sur les causes du phénomène : dans la moitié des cas, les infirmières quittent le monde du travail, généralement pour s’occuper de leurs enfants. Dans ce cas, il va de soi que les infirmières ne quittent pas leur emploi parce qu’elles ne sont pas assez payées, mais parce qu’elles font un choix de vie différent, moins rémunérateur que l’hôpital public. Dans l’autre moitié des cas, les infirmières deviennent travailleuses indépendantes, le plus souvent comme infirmières libérales. Le graphique montre que cette transition se fait souvent après une période de plusieurs années où les infirmières cumulent fonctions libérales et fonctions salariées.
Cette situation de cumul peut, pour le coup, s’expliquer par des problèmes de rémunération dans le secteur libéral : le temps d’acquérir leur patientèle, les infirmières gardent “un pied” dans le secteur public. Puis elles coupent les ponts.
Pourtant, la vie d’une infirmière libérale est moins reposante qu’à l’hôpital public : la rémunération horaire y est inférieure, et les libérales ont peu de congé. Visiblement, l’autonomie a un prix.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/08/24/penurie-dinfirmieres-une-affaire-de-management-mais-pas-de-salaire/
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