C’était le 4 juillet: les têtes étaient sans doute déjà aux vacances puisqu’aucun des grands journaux nationaux français n’a jugé nécessaire de mettre à la Une cette information officielle de Santé Publique France : le nombre des cancers, première cause mortalité en France, a doublé dans notre pays entre 1990 et 2023 avec "une augmentation de 98% des cancers chez l’homme et de 104% chez la femme, toutes localisations confondues".
Bien sûr, on peut avancer des explications "techniques" pour se rassurer un peu. D’abord, l’accroissement de la population en général et de la population âgée plus exposée en particulier. Ensuite, l’amélioration du dépistage et donc de la détection des cas qui fausse un peu les comparaisons entre 1990 et 2023. C’est tout à fait vrai. Mais enfin, comment expliquer cette évolution à ce point négative après le lancement du Plan Cancer en 2003 par Jacques Chirac qui permettait d’ailleurs, il faut le souligner, de faire reculer et l’alcoolisme et le tabagisme ? L’objectif était de réduire de 60.000 par an le nombre de cancers à l’horizon 2040. Si l’on soigne incontestablement mieux, il semble bien que la ligne d’horizon fixée par Jacques Chirac s’éloigne toujours un peu plus tant la machine sanitaire patine.
Explosion du cancer du poumon chez les femmes et de celui du pancréas
Le Réseau Environnement Santé a raison de souligner que les chiffres publiés par Santé Publique France ne concernent que "l’âge moyen de survenue des cancers". Les données du Cnam concernant les Affections de Longue Durée montrent en effet que les jeunes générations sont de plus en plus touchées. "Entre 2003 et 2017, note RES, l’incidence a progressé de 50% chez les moins de 60 ans alors que cette population était quasiment stable (+1%). Chez les 0-19 ans, la progression a été de 18% pour une population qui a progressé de 3%. Chez les 20-39 ans, la progression a été de 30% pour une population qui a diminué de 7%."
Par ailleurs, l’explosion du cancer du poumon chez les femmes – le taux de mortalité de ce cancer, + 4,3% par an, va dépasser dans les années qui viennent celui du cancer du sein – révèle à tout le moins un sérieux manquement du côté des campagnes de prévention du tabagisme en direction des femmes. Autre sujet d’inquiétude qui n’est pas relevé dans cette étude : l’explosion du cancer du pancréas, +3% par an, difficile à dépister et en conséquence difficile à traiter quand il est diagnostiqué trop tard. Ce cancer jusque-là relativement marginal pourrait devenir le second après celui du poumon dans les années 2030 au niveau français et mondial.
Rôle des perturbateurs endocriniens
Bien sûr, l’épidémie d’obésité, la sédentarité, l’alcoolisme et tabagisme restent des facteurs cancérogènes majeurs mais ils tendent à régresser notamment chez les hommes. En revanche, souligne RES, "les cancers hormono-dépendants (sein et prostate) sont devenus les cancers les plus fréquents dans le monde". Or ces pathologies ne sont corrélées ni de près ni de loin au contexte environnemental par l’étude Santé Publique France 2023. Etrange. Pourtant le rôle des perturbateurs endocriniens présents dans les pesticides et donc notre nourriture comme dans les plastiques et de très nombreux autres composants fait aujourd’hui l’objet d’un consensus scientifique sur les effets à faible dose de ces substances.
La lutte contre les cancers exige à l’évidence une stratégie sur plusieurs fronts et une prévention segmentée selon les publics. Mais pourquoi s’est-on obstiné si longtemps à considérer comme subalterne l’enseignement de la médecine environnementale auprès des praticiens ? Depuis 2003, les déclarations d’intention se multiplient en faveur d’un sensibilisation des soignants mais c’est seulement dans le cadre du quatrième Plan national santé environnement ( 2022-2025) que les obligations de résultat semblent se durcir. Dans l’attente du "service numérique public pour connaître la qualité de son environnement immédiat", informez-vous sur les risques, les produits, les bonnes conduites par vos, propres moyens. C’est plus sûr. Un lien ? Celui du webzine Santé de l’Ordre des médecins : rustique mais qui a le mérite de la clarté.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.