Le Washington Post rapporte que les États-Unis vont désormais fournir des armes à sous-munitions à l’Ukraine.
Biden approuve la fourniture d’armes à sous-munitions à l’Ukraine
Le président Biden a approuvé la fourniture d’armes à sous-munitions américaines à l’Ukraine, qui seront prises, vendredi, du stock du ministère de la défense.
Il s’agit d’obus de 155 mm, des Dual Purpose Improved Conventional Munitions (DPICM), qui peuvent être tirées par l’artillerie “occidentale“.
Cette décision, probablement illégale, a été prise parce que les États-Unis et leurs alliés sont à cours d’autres munitions de 155 mm :
Cette décision contourne la loi américaine interdisant la production, l’utilisation ou le transfert d’armes à sous-munitions dont le taux d’échec est supérieur à 1 % et intervient alors que l’on s’inquiète du retard pris par Kiev dans sa contre-offensive contre les troupes russes retranchées et de la diminution des stocks d’artillerie conventionnelle de l’Occident.
Elle s’accompagne de fausses déclarations selon lesquelles la Russie aurait utilisé de telles munitions en Ukraine :
Elle fait suite à des mois de débats internes au sein de l’administration sur l’opportunité de fournir ces munitions controversées, qui sont interdites par la plupart des pays du monde.
Les armes à sous-munitions explosent en l’air au-dessus d’une cible, libérant des dizaines, voire des centaines de sous-munitions plus petites sur une large zone.
Plus de 120 pays ont adhéré à une convention interdisant leur utilisation, jugée inhumaine et aveugle, en grande partie à cause de leur taux d’échec élevé qui jonche le paysage de sous-munitions non explosées mettant en danger à la fois les troupes amies et les civils, souvent pendant des décennies après la fin d’un conflit. Les États-Unis, l’Ukraine et la Russie – qui les aurait largement utilisées en Ukraine – n’ont pas ratifié la convention. Huit des 31 membres de l’OTAN, dont les États-Unis, ne l’ont pas ratifié non plus.
L’utilisation d’armes à sous-munitions par l’armée ukrainienne est bien documentée, notamment par Human Rights Watch et d’autres. Aucune preuve ne permet d’affirmer que la Russie l’a fait. Le Pentagone a rejeté les preuves alléguées d’attaques russes à l’aide d’armes à sous-munitions :
Commentant les vidéos montrant l’utilisation présumée d’armes à sous-munitions par les Russes, des représentants du ministère de la Défense ont déclaré lors d’une conférence de presse tenue le 1er mars 2022 : “Nous avons vu la même vidéo que vous, mais nous n’avons pas estimé qu’elle était définitive en ce qui concerne l’utilisation d’armes à sous-munitions. Nous ne sommes donc pas en mesure de confirmer l’utilisation d’armes à sous-munitions à l’heure actuelle“. De la même manière, un fonctionnaire du Département de la défense a déclaré lors de la conférence de presse du 3 mars 2022 que le Département de la défense n’était toujours pas en mesure de confirmer l’utilisation d’armes à sous-munitions par la Russie.
Les armes à sous-munitions sont interdites par la plupart des pays car elles n’explosent souvent pas à l’impact et laissent ainsi de nombreuses mines non explosées sur le terrain :
La principale arme considérée, un obus d’artillerie M864 produit pour la première fois en 1987, est tiré par les obusiers de 155 mm que les États-Unis et d’autres pays occidentaux ont fournis à l’Ukraine. Dans sa dernière estimation rendue publique, il y a plus de 20 ans, le Pentagone a estimé que cet obus d’artillerie avait un taux de “ratés” de 6 %, ce qui signifie qu’au moins quatre des 72 sous-munitions transportées par l’obus resteraient non explosées dans une zone d’environ 22.500 mètres carrés, soit à peu près la taille de 4½ terrains de football.
L’année dernière, le Congressional Research Service a constaté que le taux réel de ratés était plus élevé que ce qu’affirme le Pentagone :
Il semble qu’il y ait des divergences importantes entre les estimations des taux d’échec. Certains fabricants affirment que le taux de défaillance des sous-munitions est compris entre 2 et 5 %, alors que les spécialistes du déminage ont souvent fait état de taux de défaillance compris entre 10 et 30 %. Un certain nombre de facteurs influencent la fiabilité des sous-munitions. Il s’agit notamment de la technique de largage, de l’âge de la sous-munition, de la température de l’air, de l’atterrissage sur un sol mou ou boueux, de l’accrochage dans les arbres et la végétation, et des sous-munitions endommagées après la dispersion ou atterrissant de telle manière que leurs amorces d’impact ne se déclenchent pas.
Le Pentagone affirme que les munitions qu’il fournira ont un taux de ratés plus faible. Mais il n’a jamais produit de données issues d’essais susceptibles d’étayer ses affirmations.
En acceptant de fournir ces munitions, Biden contourne ou enfreint la loi :
Il n’existe aucune disposition dérogatoire dans la limite de 1 % imposée par le Congrès sur les taux de ratage des armes à sous-munitions, inscrite dans les crédits du ministère de la défense depuis sept ans. Selon un responsable de la Maison-Blanche, Biden contournerait cette limite et le Congrès en prélevant les munitions sur les stocks de défense existants, en vertu d’une disposition rarement utilisée de la loi sur l’aide à l’étranger (Foreign Assistance Act), qui autorise le président à fournir une aide, indépendamment des crédits ou des restrictions à l’exportation d’armes, tant qu’il estime qu’il en va de l’intérêt vital de la sécurité nationale des États-Unis.
Malheureusement, ni le Congrès ni les tribunaux ne sont susceptibles d’intervenir.
Les munitions à fragmentation, tout comme les munitions de chars à l’uranium que les États-Unis et la Grande-Bretagne ont envoyées à l’Ukraine, rendront de grandes parties du pays inhabitables et inutilisables à des fins agricoles. Elles compliqueront également les attaques et les retraites des forces militaires des deux camps dans les zones touchées.
Les munitions à fragmentation ont été fabriquées pendant la guerre froide pour se défendre contre les attaques blindées à grande échelle. Ce sont des armes d’attaque de zone imprécises. On peut douter de leur utilité contre les attaques de petites unités composées d’une poignée de chars que nous avons souvent vues au cours de cette guerre.
Les États-Unis étant à court d’autres munitions, que fourniront-ils à l’Ukraine une fois que les DPICM auront échoué à renverser le destin de l’armée ukrainienne ?
Des armes chimiques ? Des armes nucléaires ?
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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