Dès le matin du 6 juin, Alexandre N m’avait déclaré, on s’en souvient: “En fait, les Etats-Unis sont pris à la gorge du fait en particulier des primaires, pour la présidentielle, qui approchent. Il leur faut absolument une fausse victoire ou au moins suffisamment d’agitation médiatique. L’usage est donc purement interne américain. Purement interne car ils savent qu’ils ont perdu la guerre de l’info au niveau mondial, même Emmanuel Macron l’a compris. Moyennant quoi, ils sont prêts à refaire une opération qui rappelle le sabotage de Nordstream. Ils ne cherchent qu’à gagner du temps, à repousser l’échéance de la défaite inéluctable“ Deux jours plus tard, il m’envoie le fruit de ses analyses: Alexandre N est l’un des hommes les mieux informés sur le conflit en cours. Du point de vue des intérêts français, il vaut mieux regarder en face le désastre en cours. Pour savoir comment reconstruire une politique de défense.
La dérive sur le terrain
L’Ukraine est le cimetière de tout l’armement occidental, et prétendument le meilleur. Les vidéos, preuves russes montrant leur destruction effective ont un effet subreptice, mais catastrophique entre autres sur le cours de bourse des armementiers occidentaux : l’action Raytheon par exemple a ainsi perdu 10% en une nuit, et ce n’est qu’un début, après s’être fait détruire trois systèmes Patriot à Kiev. Et la saga continue avec le Panzer 2000, le Leopard, lAMX 10 RC, l’Iris T … : n’en jetez plus ! On observe en même temps que le délai d’annonce d’une nouvelle Wunderwaffe ( “arme miracle” ) et son élimination sur le terrain ukrainien diminue dangereusement. Comme dirait l’autre, « ça craint pour le F-16 », dont on forme les pilotes à marche forcée, y compris en France parait-il. Décontenancé par cette réalité sinistre, le Pentagone & Co ne sait plus quoi faire, car la réserve de Wunderwaffen s’épuise dangereusement : bientôt il faudra sortir la hache de pierre du Musée des Arts Premiers pour l’envoyer au président ukrainien.
Au plan tactique, autrement dit des actions terrain, la dérive est tout aussi subreptice que remarquable : d’une armée de type interarmes classique, d’une valeur estimée de moyenne à médiocre et otanisée, on est en train de passer à un émiettement de ce qu’il reste de cette armée en unité de circonstances de tailles, donc de capacités réduites, fabriquées de bric et de broc par la force des choses, ce que les Français appellent la « modularité », et qui désormais semblent attaquer anarchiquement et indépendamment les unes des autres, pour se faire comme d’habitude broyer systématiquement par les défenses russes, non sans parfois avoir conquis quelques arpents de terre, mais strictement sans intérêt, et bien sûr au prix de pertes « colossales » et d’un retrait quasi immédiat.
On note ainsi que sur l’ensemble des directions d’attaque et en « trois jours d’opérations de combat, l’Ukraine a perdu jusqu’à « 3 715 hommes, 52 chars et 207 véhicules blindés de combat, 134 camions, 48 canons d’artillerie de campagne, ainsi que cinq avions, deux hélicoptères et 53 drones ». L’avancée la plus profonde n’a pas excédé deux kilomètres. L’ensemble de ces « piqûres d’aiguille « qui semblent se renouveler sans cesse est censé « tester » le dispositif russe afin de « trouver » l’axe d’attaque optimal pour une armée soi-disant « cachée » – on se demande où, mais pourquoi pas – alors chargée de la fameuse contre-attaque. L’espoir inoxydable étant une stratégie, on rêve déjà d’atteindre la Crimée, ou comme l’affirme le propagandiste Taras Berezovets, qui voit l’armée ukrainienne aux portes de Moscou à partir « de la percée d’Orekhovo-Zuevo ». Même leWaPo ( Washington Post ) n’oserait pas !…
Ceci est d’ailleurs parfaitement cohérent avec les propos du secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense de l’Ukraine, Oleksiy Danilov, qui refuse de reconnaître le début de la contre-offensive ukrainienne. Conclusion : la contre-offensive est devenue obsessionnelle.
L’armée ukrainienne revient à sa nature première
Un autre élément remarquable réside dans une dérive terroriste de l’emploi des unités militaires ukrainiennes comme l’indique l’opération contre Bielgorod – même si menée par des mercenaires polonais, voir les remugles d’une « armée russe » de type « Vlassov ». L’emploi terroriste des moyens militaires n’est pas nouveau – confère les bombardements des villes allemandes sans intérêt militaire – , et ne consiste en fait qu’à s’en prendre à des populations désarmées – ici sur le territoire russe-, espérant ainsi en atteindre le moral et – dans le cas présent – faire sortir son commandement de ses gonds. Conclusion : l’armée ukrainienne change de nature, ou plus exactement revient à sa nature première, celle qui a fait que les Ukrainiens – après les Lettons cependant – furent les plus grands pourvoyeurs de gardiens de camp de concentration. Cette hypothèse est d’ailleurs confirmée par « le général de la Bundeswehr Andreas Marlow à propos des soldats ukrainiens : les instructeurs allemands qui ont travaillé avec des Ukrainiens conviennent qu’ils ne sont pas intéressés par le programme de formation. Ils sont beaucoup plus intéressés par les moyens d’intimider l’ennemi, y compris ceux qui peuvent être qualifiés de crimes de guerre. Ils louent les opérations punitives que les troupes SS ont menées pendant la Seconde Guerre mondiale, glorifient la croix gammée” C’est un allemand qui le dit et il est confirmé par des instructeurs britanniques.
Le terrorisme est réputé être l’arme du faible, mais il est aussi celui du vaincu qui refuse sa défaite. Il n’en est pas moins efficace s’il est utilisé contre un ennemi peureux. Est-ce le cas des Russes ? À cet égard, il faut se souvenir qu’ils ont liquidé les terroristes en Syrie en 2015 – 16 ( 180.000 d’après le Ministère de la Défense russe ), sous le regard effaré d’une armée américaine voyant ainsi disparaître ses “protégés”.
En tout état de cause, cette dérive préfigure à l’évidence la stratégie de la CIA en cas d’élimination des capacités militaires ukrainiennes, qui est de transformer l’Ukraine et une partie de la Russie en une sorte d’Afghanistan, et pour ce faire en s’appuyant sur l’immense vivier des volontaires au sein des deux populations. On ne saurait en douter vu la pratique américaine en la matière, tout comme on ne saurait douter que l’état-major russe travaille à la riposte. C’est ainsi qu’il vient de détruire un centre de commandement de ces opérations pudiquement rebaptisées “reconnaissance et sabotage”, lequel était étonnement constitué, parait-il, par les services occidentaux qui de fait les dirigent. Les body bags continuent donc de rentrer secrètement à la maison. Idem pour le patron du renseignement militaire (GUR MOU) Boudanov, fervent initiateur de ce néo-terrorisme et qui vient d’être liquidé par un missile russe, non sans avoir acquis auparavant – à moins que ce ne soit un autre – une villa de plusieurs millions à Antibes …
Le schéma serait incomplet sans mentionner une évidente 6ème colonne de traîtres russes, des individus qui agissent “anarchiquement” en balançant des engins explosifs. Rien cependant de plus classique si on se souvient d’Hanoï ou d’Alger pour l’armée française, de l’Afghanistan ou l’Irak pour l’armée américaine, de l’Ulster pour l’armée britannique … Mais en l’état, il semble que ceci doit être impérativement circonscrit à l’Ukraine et la Russie, car les Européens en ont peur.
Les causes d’une dérive
Elles sont multiples et se combinent. Pêle-mêle on trouve l’otanisation forcée de l’armée ukrainienne, gage évident de l’échec programmé, si on veut bien se rappeler la catastrophe pour les Américains des armées afghane et irakienne qu’ils ont cru pouvoir modeler : on ne se bat bien qu’avec sa propre culture, et non celle imposée de l’extérieur. Le résultat évident en a été le gaspillage sacrificiel de l’exceptionnelle combativité des Ukrainiens, qui se battent en fait … comme des Russes, en la jetant dans des offensives de type Nivelle : le plus pur primitivisme militaire. Ce jugement concerne aussi les armées européennes … pour le cas où certaines d’entre-elles seraient tentées d’intervenir.
Une seconde cause en est l’évidente défaite terrain en général et celle de Bakhmout en particulier, où même les États-Unis admettent en catimini la mise hors de combat de toute une armée avec des dizaines de milliers de tués.
Mais la plus importante et d’où les autres découlent procède, comme l’estime Gilbert Doctorow, du fait que l’armée ukrainienne n’est pas dirigée par les généraux, mais par le département des relations publiques .
La confusion fatale entre la guerre et un scénario de Hollywood
Qu’est-ce que cela signifie ? D’abord que ce sont les Américains qui dirigent. En effet, ils sont les seuls au monde qui s’imaginent que toute guerre ne se gagne “qu’à la télé”, autrement dit dans l’esprit collectif comme individuel manipulé de l’opinion. Ils pensent en même temps et avec la même certitude qu’ils sont les seuls à posséder la pierre philosophale de cette manipulation des foules, à laquelle d’ailleurs ils travaillent depuis plus d’un siècle.
Ceci n’est d’ailleurs pas vraiment faux quand on constate qu’ils perdent imperturbablement toutes les guerres de leur “guerre éternelle”, mais sans qu’aucune de leurs défaites ne les affecte ni n’affecte leur image comme en atteste d’ailleurs la dernière en date qui est l’humiliation qu’ils ont subie à Kaboul.
Moyennant quoi, ils ne conçoivent toute guerre d’abord et avant tout que comme un film hollywoodien et plus exactement comme un reality show planétaire où l’arbitre ultime est le public qui le regarde, ici l’opinion mondiale, et en son sein prioritairement l’opinion américaine, mais absolument pas la situation réelle sur le terrain. Moyennant quoi toujours, le travail le plus important est pour eux celui des cameramen et des présentateurs, en l’occurrence MainStream Medias et BigTech, l’action terrain se résumant au simplisme d’y déployer des masses colossales d’un armement aveuglément destructeur, et combiné au vice intense des forgeries déployées par la CIA.
On ne parle évidemment pas ici de leur motivation qui veut que la politique étrangère américaine ne soit plus que le marché aux puces des cupidités insatiables d’un capitalisme américain qui n’est plus maîtrisé. C’est ainsi que dans le cas présent, le fonds de pension Blackrock s’estime être le vrai propriétaire d’une Ukraine qui ne s’appartient plus depuis longtemps.
Mais pour la première fois – si on exclut le cas du Vietnam -, cette logique que les Américains pensaient implacable est en train d’échouer : ils perdent en effet la guerre de l’opinion mondiale, c’est un fait évident, pour s’être crus trop naïvement capables d’isoler la Russie. Or se faisant, c’est eux-mêmes qu’ils ont isolés : insupportable, mais surtout paniquant. Passe pour eux cependant de perdre l’opinion mondiale qui n’est après tout qu’une opinion, mais il serait alors mortel pour eux qu’ils perdissent l’opinion domestique. Pour une raison qui relève du plus pur paradoxe, cette tyrannie oligarchique qu’est devenue la soi-disant démocratie américaine, tient cependant par-dessus tout à conserver l’apparence du kabuki démocratique, autrement dit la complicité objective totale de l’électorat américain. Celui-ci lui était jusque là acquis par le parti unique à deux visages que sont les démocrates et les républicains, alors que les donateurs sont les mêmes pour les uns que pour les autres, et en rappelant que l’Amérique est le pays du “one $, one vote”. Et c’est du fait d’une situation interne désormais catastrophique, une révolution culturelle “réveillée”, qui est bien en train de faire éclater le mythe ultime. Et il se trouve alors précisément que la situation bien imprudente où ils se retrouvent en Ukraine ne peut qu’exacerber dangereusement les ferments de cet éclatement.
Pourquoi les États-Unis ont ordonné la destruction du barrage de Nova Kakhovskaïa
Cette direction de type “relations publiques” ( merci Edward Bernays ) et non plus politique, a alors une conséquence évidente : le système américain est devenu a-stratégie, c’est-à-dire inapte à penser intérêts vitaux dès lors que ceux-ci se réduisent aux acquêts des plus riches. Or quand on est riche, on ne pense pas, mais on ordonne, et on se moque royalement que l’ordre soit réaliste et réalisable, comme pour un caprice. Le raisonnement collectif n’existant plus en termes de résilience, c’est alors l’anthropologie primitive qui prend le relais. Or, à chaque fois que l’Amérique s’est retrouvée dans une telle situation, sa réaction fut toujours de provoquer un événement suffisamment frappant pour l’opinion américaine ou mondiale pour la remettre “dans le droit chemin” : Pearl Harbor, l’affaire du Tonkin, l’assassinat de Kennedy, l’attentat du 9/11 …
Et c’est donc ainsi qu’ils décidèrent de détruire le barrage de Nova Kakhovskaïa, un “incident” selon eux de portée suffisante pour distraire l’électorat américain de la défaite de Bakhmout devenue impossible à masquer.
On l’a dit, ce choix n’a en fait rien de stratégique, mais purement de communication. Aussi est-il vain de chercher lequel des belligérants il avantage. Et on verra à terme que ce sont les Russes, car d’ici 15 jours, l’eau déversée aura disparu. L’idée même a par ailleurs été suggérée par les Ukrainiens eux-mêmes dans leur dérive terroriste. En effet, le 29 décembre 2022, le général des forces armées d’Ukraine Kovalchuk, qui commandait les combats en direction de Kherson, rapporte dans les pages du Washington Post, l’idée de frappes HIMARS sur les portes de la centrale hydroélectrique de Kakhovskaya, afin de savoir comment cela nuirait à l’approvisionnement russe via le barrage. CQFD.
Il s’agit donc là d’une opération de pure diversion, s’inscrivant dans les préoccupations domestiques américaines, à la veille des primaires en vue de la réélection – programmée – de Joe Biden ou d’un clone, à laquelle s’attellent déjà la CIA, le FBI et le DoJ …
Alors, est-il nécessaire de poursuivre ?
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