Ce fut un « assassinat métahistorique »
16 juin 2023 – On se rappelle que l’assassinat du général Soleimani, commandant des ‘Gardiens de la Révolution’ avait été présenté par nous-mêmes, le 6 janvier 2020, comme un « assassinat métahistorique ». Nous ne doutions pas alors que l’année 2020 serait profondément marquée par l’affrontement, – un de plus, – entre les USA et ce pays du Moyen-Orient.
Il n’en fut rien. Le Covid vola la vedette aux deux acteurs de janvier 2020, puis les choses de la GrandeCrise enchaînèrent sur l’Ukraine. Aujourd’hui, nous revenons sur l’Iran : nous l’avions quitté par la fenêtre, nous le retrouvons par la grande porte, et plus que jamais dans le cadre de la GrandeCrise, – mais dans des conditions si différentes ! Qu’on en juge...
Au cœur du “Sud Global”
• L’Iran fait partie d’une coalition majeure de facto, baptisé “le Sud Global” (‘Global South’), qui s’est formée sous l’impulsion du choc ukrainien, ou ‘Ukrisis’, de février 2022. L’Iran est un des grands de cette coalition, qui est une cohorte de pays rassemblant la majorité du monde, qu’on retrouve ou retrouvera chez les BRICS et dans l’OCS de Shanghai, – dans une sorte d’anti-“bloc-BAO”.
• Entretemps, depuis l’assassinat de Soleimani, les choses ont bien changé au Moyen-Orient. L’Iran copine avec l’Arabie, les États du Golfe et la Turquie, et la Syrie revient au sein de la Ligue Arabe. Enchaîné aux USA et obligé de goûter à la tasse néo-nazie de l’Ukraine, Israël, confronté à une crise intérieure existentielle, est de plus en plus seul et son hostilité à l’Iran devient risquée.
• Les rapports avec les USA ne sont pas plus détériorés qu’auparavant, – ils l’étaient déjà si considérablement. L’Iran n’est pas la tasse de bile du vieux Biden ; quant à Trump, qui a réalisé qu’il s’était fait avoir avec l’assassinat de Soleimani s’il y pense encore, il a compris que ses pires ennemis sont le FBI , le DoJ, les démocrates, etc.
• Enfin, – et c’est l’essentiel de notre sujet, – les relations de l’Iran avec la Russie se sont “clarifiées” dans le plus grand secret. C’est bien là le caractère des relations entre ces deux pays : la clarté dans l’ombre du secret, et cela au gré des événements.
Hauts et bas russo-iraniens
Depuis 2010 (le soi-disant “printemps arabe”), les relations Russie-Iran ont évolué assez favorablement, mais avec des hauts et des bas. Il y eut une phase de négociations pour le traité nucléaire JCPOA, où Iran et Russie étaient présents mais où l’évolution des relations de l’Iran cherchaient surtout un rapprochement du bloc-BAO (USA +UE), sans trop se préoccuper de la Russie qui elle-même tenait à ménager le bloc-BAO. A partir de 2015-2016, la situation les rapprocha mais dans l’ambiguïté.
• La Russie était présente en Syrie à partir de septembre 2015, donc plus proche de l’Iran puisque tous deux principaux alliés d’Assad.
• Mais la Russie tenait à garder de bonnes relations avec les USA et Israël, tandis que les relations de l’Iran avec les USA se détérioraient (hostilité de Trump, plus proche de son côté de Moscou).
• En 2020, il y eut donc l’assassinat de Soleimani, sans que l’on puisse rien en conclure, – puisqu’aussitôt commença en une explosion incontrôlable l’énorme crise du Covid où les logiques géopolitiques se dispersaient dans tous les sens.
• L’année 2021 vit la clarification des choses. Avec d’un côté l’échec de la relance du JCPOA, de l’autre la crise ukrainienne, Iran et Russie furent mis au ban de la respectabilité des “règles” de l’Occident-éruptif, avec des trains formidables de sanctions confirmées ou toutes-nouvelles. Le rapprochement était celui des situations par encore celui des acteurs.
Du ‘Géranium’ à l’hypersonique
En 2022, l’Ukraine et l’éclosion-floraison extrêmement rapide de la fleur du “Sud-Global” scella tout aussi promptement et sans nécessité de tintamarre la proximité d’une sorte complètement nouvelle de l’Iran et de la Russie. Il y eut assez vite, dès la fin du printemps 2023, l’affaire des drones utilisés par les Russes en Ukraine (‘Geranium’, ou ‘Geran’/Shahed 136) : drones iraniens livrés à la Russie ou pas ? Certains démentirent formellement cette nouvelle qui semblait écorner la conception de la capacité autonome de la Russie dans tous les armements (Martianov, notamment, sur un ton de déni furieux). C’est E.J. Magnier, dont on voit un texte concernant les hypersoniques ci-dessous, qui affirma la livraison-coopération. Depuis, la nouvelle a morphé en une affirmation de fabrication de drones iraniens sous licence, avec modification, en Russie. La polémique inutile s’est apaisée, laissant la place au fait bien plus important du fait désormais acquis d’une coopération affirmée de l’Iran et de la Russie dans le domaine des armements, sous de nombreuses formes...
Note de PhG-Bis : « En d’autres mots et quoi qu’il en soit, estime PhG, inutile de nous attarder sur les détails de cette question des drones en Ukraine qui perd tout son intérêt, – si elle en eut jamais. L’intérêt, justement, est l’installation comme chose naturelle dans la communication de cette coopération intensive, opérationnelle et directe entre Russes et Iraniens. »
Les Iraniens ont montré de très-grandes capacités électroniques, et opérationnellement dans les armes guidées, drones et missiles. Les USA s’en sont aperçus lors des frappes de “vengeance” après l’assassinat de Soleimani. Les Russes ont eux-mêmes évidemment reconnu cette capacité d’excellence des Iraniens et l’ont montré en commandant des drones. En échange, ils ont repris des livraisons aux Iraniens, qu’ils avaient bloquées pendant plusieurs années (des S-300 de défense anti-aérienne). Il y a très récemment une importante commande iranienne de chasseurs Soukhoi (Su-25 et Su-35) et certainement des systèmes de défense aérienne (les fameux S-300 et d’autres, plus avancés, comme le S-400).
Le couronnement de cette coopération constatée ici, par le biais du texte de Magnier, c’est l’affirmation de l’aide apportée par la Russie, autant par des livraisons que par des transferts de technologies, donnant à l’Iran des capacités hypersoniques que même les USA n’ont pour l’instant pas. A cet égard, voilà une situation bien inédite...
Ces nouvelles capacités donnent à l’Iran une position non plus régionales ni seulement tactiques, mais une position stratégique, notamment face à Israël qui est évidemment dépourvu d’une défense contre cette catégorie hypersonique, – puisqu’aucune défense n’existe aujourd’hui à cet égard.
Une alliance d’une très solide nature
Nous n’avons certes pas les beaux montages du Pentagone et les plateaux richement dotés d’experts si qualifiés allant de CNN à LCI comme l’on va de Kiev à la Crimée comme preuves tangibles que ces révélations de Magnier rendent compte de la réalité. Nous avons la logique des situations, l’expérience des acteurs en cause, leurs caractères et leurs comportements, et les nécessités de l’heure face à l’extraordinaire dévoilement de la nature satanique du Système animant divers éléments et ilotes de circonstance de cet Occident-révulsif et -autodestructif,. Cela s’appelle une vérité-de-situation.
De ce point de vue, l’Iran et la Russie sont faits pour être des alliés d’une dureté de marbre, et aussi bien opératifs que coopératifs. Ces deux pays ont du caractère et un comportement assez similaires. Ils ont des croyances très assurées et très fortes, qui n’entament en rien leur volonté d’action dans la nécessité des circonstances. Ils savent donner et tenir leur parole. Ils ne craignent pas l’emploi de la force et ont en eux une forte capacité de la mesure du Mal qu’ils doivent affronter, et sachant qu’avec lui on ne peut ni négocier, ni finasser, sinon pour obtenir un répit tactique.
Par exemple, de notre point de vue, l’Iran est un allié plus ferme (on ne dit pas “plus sûr” ni “plus important”) de la Russie que la Chine, – et vice-versa, bien entendu. Il ne s’agit pas d’établir des mesures de comparaison et de faire de la compétition pour distribuer bons et moins-bons points ; ce sont les hypercapitalistes de l’anglosphère et leurs amis wokenistes dans le cadre de l’américanisme qui s’occupent à ces exercices. Il s’agit de mesurer la force des liens entre ces deux pays, la Russie et l’Iran, dans les temps et les orages d’un extrême et extraordinaire danger comme celui que nous traversons. La Russie a besoin de la Chine (et vice-versa), comme elle a besoin de l’Iran (et vice-versa), mais d’une autre manière et d’une façon différente. Pour cette raison également, il nous paraît tout à fait justifié d’accepter la thèse de Magnier, en l’estimant effectivement nourrie à des informations et à des confirmations de première main comme il a l’habitude d’en disposer.
Si Magnier constate que « l’Iran était le seul pays à apporter [à la Russie] un soutien militaire sans faille et à ne pas craindre les sanctions américaines et occidentales », il a raison d’employer le passé et donc de laisser du champ au présent et à ses développements. Il faudrait voir les effets que vont avoir cette sorte de coopération au milieu d’autres pays jusqu’alors méfiants sinon ennemis, et soudain promis à se rapprocher (BRICS et OSC) face à ce qu’ils peuvent enfin percevoir en pleine lumière de l’infamie de l’hégémonie américaniste et moderniste. Nous ne cessons par exemple d’être étonnés par l’audace agressive d’un pays comme l’Arabie à l’encontre des USA, de ce pays que l’on jugea soumis dans la veulerie et la corruption de sa soumission aux USA pendant des décennies...
D’un autre côté, on admettra et admirera la souplesse russe, qui est de sembler faire d’un domaine majeur de son actuelle supériorité stratégique un instrument d’acquisition et de fécondation d’alliances essentielles, sans un souci obsessionnel du “secret”. Les Russes se différencient des USA : ils préfèrent le partage des forces les plus avancées à la soumission des imbéciles. En ce sens, la Russie n’est ni hégémonique ni exceptionnaliste ; elle n’entretient pas précieusement un énorme complexe narcissique de supériorité comme restes d’une enfance honteuse et contrariée. Bref, elle ne vend pas son âme au diable, sachant bien qu’il s’agit d’un redoutable usurier qui vous enterrera sous les dettes.
Pour suivre...
C’est donc avec toutes ces observations à l’esprit que nous recommandons de lire l’article de E.J. Magnier, venu à nous par l’intermédiaire de ‘Réseau International’. Nous nous sommes permis de proposer un autre titre que celui, un peu hâtif, de la version française de son texte initial, que le site de Magnier proposait (« La tactique stratégique de la Russie frappe les États-Unis et Israël grâce aux capacités hypersoniques de l’Iran »).
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L’Iran, allié hypersonique des Russes
Dans une tournure d'événements étonnante, la Russie a porté un coup calculé aux États-Unis et à Israël, en armant l’Iran de missiles hypersoniques avancés faisant de pays un composant essentiel d’une stratégie à laquelle souscrivent les deux pays. Les implications de cette manœuvre stratégique sont considérables et pourraient modifier l'équilibre des forces dans la région instable du Moyen-Orient.
Le conflit entre les États-Unis et la Russie s’est progressivement transformé en une guerre par procuration. Les USA ont d’abord rallié les pays occidentaux à leur cause. En rejoignant cette alliance occidentale, Israël s’est aligné étroitement sur le Commandement central américain (CENTCOM), chargé de protéger les intérêts américains dans la vaste région qui s’étend de la Corne de l’Afrique à l’Asie centrale. Les dirigeants de Tel-Aviv ont ouvertement condamné les actions de la Russie et ont activement soutenu l’Ukraine en lui fournissant du matériel d’écoute et des renseignements de sécurité pour tuer des soldats russes. Cet effort conjoint qui rassemble cinquante pays a été coordonné à la base américaine de Ramstein, en Allemagne. Dans ce contexte, la Russie, qui travaille avec diligence mais en toute discrétion, a porté un coup terrible aux États-Unis et à Israël en fournissant à l’Iran une technologie de missiles hypersoniques de pointe, une capacité que seuls quelques pays possèdent dans le monde.
L’annonce par l’Iran de la mise au point du Al-Fatah, un missile balistique hypersonique d’une portée de 1400 kilomètres, marque une étape importante. Avec une vitesse de Mach 13-15, soit environ 15 000 kilomètres par heure, le Al-Fatah peut changer de vitesse en plein vol, ce qui rend son interception pratiquement impossible. Cet exploit place l’Iran dans un groupe exclusif de pays qui possèdent cette technologie de pointe, y compris la Russie, la Chine et la Corée du Nord, ce que n’avaient pas vu venir de nombreux pays européens.
Pendant des années, la Russie a maintenu un équilibre précaire au Moyen-Orient, s’abstenant d’armer l’Iran avec des missiles avancés pour éviter de provoquer les États-Unis et Israël. Mais cette réticence a changé au milieu de 2022, peu après le déclenchement du conflit entre la Russie et l’Occident en Ukraine. À ce moment-là, un accord historique de coopération en matière de défense entre l’Iran et Moscou a ouvert la voie au transfert de milliers de drones iraniens à Moscou (un accord dont j’ai été le premier à parler) et à l’appui à la construction d’une usine de drones en Russie. La décision du Kremlin de se tourner vers l’Iran s’explique par le fait qu’il s’est rendu compte qu’il se battait seul. L’Iran était le seul pays à apporter un soutien militaire sans faille et à ne pas craindre les sanctions américaines et occidentales. L’Iran a montré sa détermination à se tenir debout, à soutenir la Russie et à défier les États-Unis, malgré les quelque 3800 sanctions qu’il subit depuis la Révolution de 1979. Téhéran a démontré son engagement envers ses amis en demeurant inébranlable malgré une adversité de longue date.
La possession par l’Iran de missiles hypersoniques représente un saut qualitatif sans précédent et témoigne de l’étroite coopération entre la Russie et l’Iran. Elle envoie un message clair aux États-Unis, qui maintiennent une présence militaire importante autour de la République islamique, à savoir que l’Iran possède des capacités de dissuasion avancées pour sauvegarder ses intérêts en Asie et menacer éventuellement l’allié israélien des USA.
Le message adressé à Israël est on ne peut plus clair. En permettant à l’Iran d’acquérir des missiles capables d’échapper au système de défense « Dôme de fer » de Tel-Aviv, la Russie a effectivement neutralisé la capacité d’Israël à intercepter les missiles iraniens. Cette évolution représente un défi de taille pour Israël, qui est désormais confronté à la perspective de frappes potentielles sur son sol s’il s’attaque aux installations nucléaires iraniennes. L’Iran a déjà fait preuve d’audace en attaquant Ain al-Assad en 2020, la plus grande base militaire américaine en Irak, en réponse à l’assassinat du général Qassem Soleimani par le président de l’époque, Donald Trump.
Par conséquent, l’Iran dispose de plusieurs cartes de dissuasion puissantes dans son jeu :
1. Il bénéficie d’alliés solides au Moyen-Orient, prêts à entrer en guerre pour défendre l’Axe de Résistance mis en place par Téhéran.
2. Son arsenal de drones s’est révélé très efficace, en faisant des ravages dans l’armée ukrainienne et en détruisant des armes occidentales dans le conflit en Ukraine, ce qui a aidé la Russie à reprendre le contrôle du champ de bataille.
3. Les capacités de l’Iran en matière de missiles ont démontré leur potentiel et leur efficacité en menant des attaques fructueuses contre des bases de Daech en Syrie, des bases de l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien en Irak et même d’une base du Mossad israélien au Kurdistan irakien.
En munissant ses alliés de missiles avancés et précis, l’Iran a créé un équilibre se situant entre la terreur et la dissuasion, qui limite la liberté d’action militaire d’Israël au Liban et en Syrie contre le Hezbollah, par crainte d’une riposte rapide et robuste.
La Russie n’a pas reconnu publiquement son implication dans le programme de missiles iranien, tout comme l’Iran a tenté à plusieurs reprises de nier avoir fourni ses drones à Moscou. N’empêche que les actions de la Russie en disent long sur sa détermination à répondre aux griefs et marquent une nouvelle approche stratégique à l’égard de Téhéran. Le Kremlin a ouvert ses portes à un pays (l’Iran) qui a tenu bon dans les circonstances les plus sombres, qui a ignoré les menaces américaines et européennes et qui fait preuve d’une conviction inébranlable en restant imperméable à l’intimidation occidentale.
Le message russe a des répercussions auprès des parties concernées à Washington et à Tel-Aviv, car il efface les dernières lignes rouges et ouvre la voie à un avenir sans précédent pour la coopération russo-iranienne. Ce partenariat, forgé par le respect des accords, est susceptible de produire d’autres surprises qui pourraient avoir des répercussions durables. Lorsque la poussière sera retombée, les coûts de la mise en œuvre de l’accord deviendront de plus en plus évidents, remodèleront le paysage géopolitique et modifieront éventuellement la dynamique du pouvoir dans la région.
Face à l’initiative stratégique de la Russie, le monde retient son souffle quant aux répercussions de la possession par l’Iran de missiles hypersoniques. Doté d’un armement de pointe et d’un engagement inébranlable envers ses intérêts, l’Iran est prêt à protéger sa souveraineté et à remettre en question la dynamique traditionnelle du pouvoir au Moyen-Orient. Alors que les tensions restent vives et que les enjeux ne cessent de croître, l’évolution de l’alliance russo-iranienne devient un point focal de l’attention internationale, dont les retombées potentielles s’étendent bien au-delà des frontières de ces pays.
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