Je ne sais pas ce que fume le chroniqueur du Washington Post, David Ignatius, ou les fonctionnaires de l’administration Biden auxquels il s’adresse, mais il doit s’agir d’une substance extraordinairement forte :
Les responsables de l’administration ont été encouragés par des progrès plus importants que prévu lundi, les unités ukrainiennes ayant traversé des zones fortement minées pour avancer de cinq à dix kilomètres dans certaines zones du long front. Cela laisse espérer que les forces ukrainiennes pourront continuer à avancer vers Marioupol, Melitopol et d’autres localités tenues par les Russes le long de la côte, afin de couper le pont terrestre.
Cette “poussée” s’est faite contre un petit saillant tenu par les Russes sur la ligne de front près de Velyka Novosilka, située au centre de cette carte.
En zoomant, nous voyons la ligne de front actuelle telle qu’elle est représentée par la carte LiveUAmap, site pro-Ukraine.
En utilisant la fonction “Time” de cette carte, nous pouvons voir la ligne de front dans la même zone il y a une semaine.
En utilisant l’échelle en bas à droite de la carte, nous pouvons voir que la seule “progression” totale des forces ukrainiennes en haut à gauche était d’environ deux kilomètres de profondeur sur un front de quatre kilomètres de large. Elles ont conquis deux lignes d’arbres entre des champs ouverts. Pas un seule hameau ou ferme n’a été “libérée” par ces forces.
Voici le même endroit représenté sur la carte de l’Institut pour l’étude de la guerre, un organisme néoconservateur pro-ukrainien.
Elle montre la même chose. Une fois de plus, la “progression” des forces ukrainiennes s’est limitée à quelques lignes d’arbres entre des champs plats et ouverts.
Le prix à payer fut énorme :
Au cours des trois jours d’opérations de combat dans toutes les directions, l’Ukraine a perdu jusqu’à 3 715 hommes, 52 chars et 207 véhicules blindés de combat, 134 camions, 48 canons d’artillerie de campagne, ainsi que cinq avions, deux hélicoptères et 53 drones.
Les pertes de la Russie sont bien moindres : “Au total, 71 militaires du groupe combiné de forces ont été tués et 210 autres blessés alors qu’ils repoussaient l’offensive ennemie. Quinze chars, neuf véhicules de combat d’infanterie, deux camions et neuf canons ont été détruits“.
C’est de la propagande russe, direz-vous ? Pourquoi pas. Il faudrait alors diviser ces chiffres par deux pour obtenir les vrais. Ils restent tout de même énormes.
Gilbert Doctorow note que l’armée ukrainienne n’est pas dirigée par les généraux mais par le département des relations publiques. En conséquence, la démolition du barrage de Kakhovka est une diversion par rapport aux pertes désastreuses de ces derniers jours.
Le ministre russe de la défense, Sergei Shoigu, a déclaré que le barrage avait été endommagé pour permettre le transfert de forces ukrainiennes :
“Cette nuit, le régime de Kiev a commis un nouveau crime terroriste : la centrale hydroélectrique de Kakhovskaya a explosé, ce qui a entraîné l’inondation de vastes zones“, a-t-il déclaré.
Le ministre a ajouté que l’objectif de la destruction de la centrale hydroélectrique de Kakhovskaya par Kiev est de transférer des unités des forces armées ukrainiennes (FAU) de la direction de Kherson vers la zone de l’offensive.
Il a souligné que le régime de Kiev avait fait exploser les structures de la centrale hydroélectrique de Kakhovskaya. “L’objectif de ces actions, selon les données disponibles, est le suivant. N’ayant pas obtenu de succès dans ses opérations offensives, l’ennemi a l’intention, pour renforcer son potentiel, de transférer des unités et des équipements de la direction de Kherson vers la zone de ses opérations offensives, affaiblissant ainsi considérablement ses positions dans la direction de Kherson“, a déclaré Shoigu.
J’ai une lecture différente de la situation. Si le barrage est intact, toute traversée importante du cours inférieur du Dniepr serait compromise par la capacité de l’autre partie à libérer l’eau du barrage. Si le barrage est détruit, les inondations transformeront, pendant une semaine ou deux, la zone située le long du fleuve en un marécage. Mais au bout de deux semaines environ, l’eau aura disparu et il sera possible d’effectuer une grande traversée, sans risque d’être inondé. Cette lecture s’appuie sur plusieurs rapports faisant état du transfert d’unités de convoyage et de pontage vers l’Ukraine :
La Russie compte sur les voies d’eau sans pont et d’autres caractéristiques géographiques pour assurer sa sécurité. Lorsque les unités de pontage blindées ukrainiennes commenceront à apparaître au combat, la Russie sera confrontée à l’émergence soudaine d’unités ukrainiennes rapides dans des zones faiblement défendues.
Les unités de pontage font partie des dernières pièces dont l’Ukraine a besoin pour passer à l’offensive. Le fait qu’elles soient apportées maintenant ne peut être interprété que comme un signe que les experts américains sont convaincus que l’Ukraine est enfin prête à utiliser son nouvel équipement très mobile de manière efficace, à grande échelle et dans le cadre d’opérations offensives de grande envergure.
Mais, encore une fois, Shoigu a sûrement un meilleur accès que moi aux informations sur le champ de bataille.
Revenons aux illusions de ceux comme Ignatius :
Il faudra peut-être des semaines avant que les résultats de la campagne ukrainienne ne soient clairs, mais Kiev a déjà réussi à étendre les combats dans l’impasse qu’était Bakhmut, la ville orientale âprement disputée qui a été le point zéro tout au long de l’hiver.
Heu, l’Ukraine a été totalement vaincue à Bakhmut et ne tient plus aucun terrain dans cette ville. Si elle souhaite y étendre les combats, les Russes ne manqueront pas de l’accueillir.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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