La nouvelle la plus importante du conflit ukrainien, ces derniers jours, c’est la destruction de deux voire trois systèmes américains Patriot par des missiles russes de type Kinjal. Progressivement, la réalité de la puissance réelle des armées russe et américaine, sous le coup des investissements et de l’évolution technologique des vingt dernières années, devient visible. La capacité russe, plus largement, à détruire, avec des drones ou des missiles, les entrepôts et les stocks livrés par l’OTAN amène à se poser la question de la possibilité même d’une contre-offensive ukrainienne. En théorie, le moment serait mûr pour que soit entamée une négociation entre les deux belligérants. Mais la tournée européenne de Li Hui, émissaire de Xi Jinping, a révélé une Union Européenne qui refuse pour l’instant de joindre ses efforts à la Chine, au Brésil, à la Turquie, à Israël et au Saint-Siège pour faire cesser le conflit le plus vite possible. Ce qui conduit la partie russe à se demander à haute voix s’il n’est pas nécessaire pour elle de continuer la guerre jusqu’à ce que la déroute ukrainienne et la défaite militaire de l’OTAN soient devenues impossibles à nier. L’absence de toute réalité diplomatique européenne est l’élément le plus grave d’une situation générale préoccupante.
Le terrible bilan de la bataille de Bakhmout pour l’Ukraine
Comme je l’avais supposé à propos de « la ruse de Prigogine », la bataille de Bakhmout/Artiomovsk ne s’est pas terminée par une reconquête des flancs de la ville par les Ukrainiens. Au contraire, il s’agissait d’une retraite tactique des troupes d’appui au bataillon Wagner, à la Koutouzov, pour attirer le maximum de soldats ukrainien dans ce qu’on appelle horriblement le « hachoir » de Bakhmout. Depuis le retrait des troupes ukrainiennes, l’armée russe a réoccupé l’intégralité du terrain cédé au nord et au sud de Bakhmout dans les deux dernières semaines de la bataille. La bataille d’Artiomovsk a été une terrible destruction pour l’armée kiévienne. Regardons simplement le bilan des destructions infligées à l’ennemi affiché par le groupe Wagner :
Les sources Wagner ont fait état des résultats des opérations militaires de la CMP en Ukraine :
Destruction des effectifs de l’AFU – 72 095 ;
Prisonniers – 509 ;
Chars détruits – 309 ;
Véhicules blindés – 1134 ;
Voitures – 2075 ;
Mortiers et canons – 3155 ;
ATGM – 300 ;
Supports de canon SP – 124 ;
MLRS – 83 ;
Systèmes de défense aérienne – 45 ;
Drones – 282 ;
Avions de guerre – 5 ;
Hélicoptères – 4 ;
Systèmes EW/radar – 149.
L’essentiel de ces destructions ont eu lieu durant la bataille de Bakhmout. On estime par exemple que le nombre des Ukrainiens tués au combat durant cette bataille s’élève à 55.000, soit plus que les estimations données pour le Groupe Wagner tout entier, présent non seulement en Ukraine mais aussi en Syrie et en Afrique (50.000 hommes).
Le colonel américain Douglas MacGregor tire le bilan de la bataille de Bakhmout
Je cite une grande partie de son texte parce que, depuis le début du conflit, Douglas MacGregor fait partie de ces officiers américains qui ont été lucides sur la stratégie des deux belligérants et correctement anticipé les phases suivantes. On remarquera la sévérité de cet officier vétéran envers l’actuel appareil d’État américain :
« Jusqu’au début des combats, la stratégie militaire nationale élaborée en temps de paix « façonne la réflexion sur la guerre et ses objectifs. Puis les combats créent une nouvelle logique qui leur est propre. La stratégie est ajustée. Les objectifs changent. La bataille de Bakhmut illustre parfaitement ce point.
Lorsque le général Sergey Vladimirovich Sourovikine, commandant des forces aérospatiales russes, a pris le commandement de l’armée russe sur le théâtre ukrainien l’année dernière, le président Vladimir Poutine et ses principaux conseillers militaires avaient conclu que leurs hypothèses initiales sur la guerre étaient erronées. Washington s’était montré incurablement hostile aux offres de négociation de Moscou, et la force terrestre que Moscou avait engagée pour contraindre Kiev à négocier s’était révélée trop faible.
Sourovikine a bénéficié d’une grande latitude pour rationaliser les relations de commandement et réorganiser le théâtre d’opération. Plus important encore, Sourovikine s’est également vu accorder la liberté d’action nécessaire pour mettre en œuvre une stratégie défensive qui maximisait l’utilisation des systèmes d’attaque ou de frappe à distance tandis que les forces terrestres russes augmentaient en taille et en puissance de frappe. C’est ainsi qu’est né le “hachoir à viande” de Bakhmout.
Lorsqu’il est apparu clairement que le président ukrainien Volodymyr Zelensky et son gouvernement considéraient Bakhmout comme un symbole de la résistance ukrainienne à la puissance militaire russe, Sourovikine a transformé Bakhmut en cimetière de la puissance militaire ukrainienne. À partir de l’automne 2022, Sourovikine a exploité l’obsession de Zalenskiy pour Bakhmut et s’est engagé dans une lutte sanglante pour le contrôle de la ville. En conséquence, des milliers de soldats ukrainiens sont morts à Bakhmout et beaucoup d’autres ont été blessés.
La performance de Sourovkine rappelle celle d’un autre officier militaire russe, le général Aleksei Antonov. En tant que premier chef adjoint de l’état-major soviétique, Antonov était, dans le langage occidental, le directeur de la planification stratégique. Lorsque Staline a demandé une nouvelle offensive d’été lors d’une réunion en mai 1943, Antonov, fils et petit-fils d’officiers de l’armée impériale russe, a plaidé en faveur d’une stratégie défensive. Il a insisté sur le fait qu’Hitler, s’il était invité à le faire, attaquerait inévitablement les défenses soviétiques dans le saillant de Koursk et gaspillerait ainsi les ressources allemandes.
Staline, comme Hitler, pensait que les guerres étaient gagnées par des actions offensives et non par des opérations défensives. (…) À la surprise des maréchaux Aleksandr Vasilevsky et Georgy Joukov, présents à la réunion, Staline se rendit aux arguments d’Antonov et approuva son concept opérationnel d’Antonov. (…).
Si le président Poutine et ses hauts responsables militaires voulaient des preuves extérieures du succès stratégique de Sourovikine à Bakhmout, un aveu occidental semble les leur fournir : Washington et ses alliés européens semblent penser qu’un conflit gelé – dans lequel les combats s’arrêtent mais sans qu’aucune des parties ne soit victorieuse, ni ne reconnaisse que la guerre est officiellement terminée – pourrait être l’issue à long terme la plus politiquement acceptable pour l’OTAN. En d’autres termes, les partisans de Zelensky ne croient plus au mythe de la victoire ukrainienne. (…)
À Washington, la sagesse conventionnelle veut que les forces ukrainiennes lancent une contre-offensive pour reprendre le sud de l’Ukraine. Bien entendu, la sagesse conventionnelle est souvent riche en conventions et pauvre en sagesse. En supposant que la terre noire de l’Ukraine s’assèche suffisamment pour supporter des forces de manœuvre terrestres avant la mi-juin, les forces ukrainiennes frapperont les défenses russes sur plusieurs axes et reprendront le contrôle du sud de l’Ukraine à la fin du mois de mai ou au mois de juin. Environ 30.000 soldats ukrainiens formés en Grande-Bretagne, en Allemagne et dans d’autres États membres de l’OTAN devraient rentrer en Ukraine et constituer la base de la force de contre-attaque ukrainienne.
Le général Valery Gerasimov, qui commande désormais les forces russes sur le théâtre ukrainien, sait à quoi s’attendre et se prépare sans aucun doute à l’offensive ukrainienne. La mobilisation partielle des forces russes signifie que les forces terrestres russes sont aujourd’hui beaucoup plus importantes qu’elles ne l’ont été depuis le milieu des années 1980.
Compte tenu de la rareté des munitions disponibles pour approvisionner correctement un axe opérationnel, il semble peu probable qu’une offensive ukrainienne impliquant deux axes ou plus puisse réussir à pénétrer les défenses russes. La surveillance aérienne permanente rend presque impossible pour les forces ukrainiennes de traverser la zone de sécurité de vingt à vingt-cinq kilomètres et de se rapprocher des forces russes avant que les formations ukrainiennes ne subissent des pertes significatives.
Une fois les ressources offensives de l’Ukraine épuisées, la Russie passera probablement à l’offensive. Il n’y a aucune raison de retarder les opérations offensives russes. Comme les forces ukrainiennes l’ont démontré à maintes reprises, la paralysie est toujours temporaire. Les infrastructures et les équipements sont réparés. La main-d’œuvre est enrôlée pour reconstruire les formations détruites. Si la Russie veut atteindre son objectif de démilitarisation de l’Ukraine, Gerasimov sait certainement qu’il doit encore se rapprocher des forces terrestres ukrainiennes restantes et achever de les détruire.
Pourquoi ne pas épargner au peuple ukrainien une nouvelle saignée et négocier la paix avec Moscou alors que l’Ukraine possède encore une armée ? Malheureusement, pour être efficace, la diplomatie exige un respect mutuel, et la haine effrénée de Washington à l’égard de la Russie rend la diplomatie impossible. Cette haine n’a d’égale que l’arrogance d’une grande partie de la classe dirigeante, qui dénigre la puissance militaire russe en grande partie parce que les forces américaines ont eu la chance d’éviter un conflit avec une grande puissance depuis la guerre de Corée. Des dirigeants plus sobres d’esprit à Washington, Paris, Berlin et dans d’autres capitales de l’OTAN devraient préconiser une autre ligne de conduite ».
Toujours pas de nouvelles du général Zaloujni, commandant en chef des troupes ukrainiennes
Le Courrier des Stratèges a attiré votre attention à deux reprises déjà sur la quasi-certaine disparition du général Zaloujni du théâtre d’opérations. Cela fait maintenant plus de trois semaines qu’il n’a pas été vu. Les deux hypothèses sont envisagées : soit il est grièvement blessé et hors d’état d’assumer ses fonctions ; soit il a été tué par une frappe russe. Le gouvernement de Kiev a de plus en plus de mal à donner le change. La dernière tentative est une vidéo, vraisemblablement fabriquée à l’aide de l’Intelligence Artificielle, qui pour principale faille de nous donner un Zaloujni aux yeux marrons et non bleus, comme on le connaît.
La mise hors de combat par la partie russe du commandant en chef des troupes ukrainiennes est évidemment un coup terrible porté à l’armée ukrainienne.
A défaut de vaincre sur le terrain, Kiev veut garder le contrôle de la communication et ça fait des victimes civiles
Selon southfront.org, « Après la défaite dans le “bastion de Bakhmut” (…), le régime de Kiev est pressé de remporter une victoire en matière de relations publiques afin d’affirmer que rien de grave ne s’est produit dans le conflit qui l’oppose à la Russie.
Tout d’abord, les forces de Kiev ont mené un raid ciblant une zone frontalière dans la région russe de Belgorod. Cependant, le raid annoncé s’est rapidement transformé en un nouvel échec militaire et les unités ukrainiennes ont battu en retraite, subissant des pertes considérables.
Ensuite, le navire de la marine russe “Ivan Churs” a été attaqué par trois vedettes sans équipage équipées d’explosifs à quelque 140 km au nord-est du détroit du Bosphore. Selon le ministère russe de la défense, le navire a détruit toutes les embarcations ennemies à l’aide de ses armes embarquées. Un jour plus tard, le régime de Kiev a publié une vidéo montrant une attaque contre le navire. On y voit qu’au moins un des bateaux s’est dangereusement approché de l’Ivan Churs. On ne sait toujours pas si l’attaque a causé des dommages au navire.
Ces actions ont été accompagnées d’une série de tentatives d’attaque des zones frontalières russes à l’aide de missiles et de drones. Le 26 mai, un missile a été abattu au-dessus de la région de Rostov, ce qui constitue l’un des événements les plus récents. Dans le même temps, la façade d’un immeuble de bureaux a été endommagée lors d’une attaque présumée de drone dans la ville de Krasnodar. En outre, les unités d’artillerie et de roquettes ukrainiennes ont intensifié leurs frappes sur des cibles civiles situées dans leur rayon d’action. Donetsk et Berdyansk ont été parmi les cibles de ces attaques. (…)
La réalité sur le terrain diffère considérablement des contes de fées que les médias grand public tentent de faire avaler à leurs téléspectateurs. Le désarroi et le chaos qui règnent au sein de la population du territoire contrôlé par Kiev, y compris les troupes pro-Kiev, ne sont contenus que par des persécutions extralégales sévères. Néanmoins, même cette approche ne fonctionne pas de temps en temps. Le 25 mai, une vidéo a été mise en ligne, montrant prétendument le commandant de l’un des bataillons ukrainiens abattu par l’un de ses subordonnés (…) après avoir refusé l’ordre de se rendre à la ligne de contact avec les forces russes.
Pendant ce temps, les combats de position se poursuivent dans la région du Donbass et dans les zones voisines. Dans la direction de Koupiansk, les unités russes ont détruit un obusier D-20 et perturbé quatre tentatives de rotation d’unités pro-Kiev vers des positions avancées près de Koutcherovka. L’aviation russe a effectué des frappes de missiles sur les zones de déploiement temporaire de la 1ère brigade séparée des forces d’opérations spéciales et sur les points de rassemblement du personnel, des armes et du matériel militaire de la 14ème brigade et des unités de défense territoriale des forces armées ukrainiennes. (…) »
Le coup le plus dur pour l’armée ukrainienne : l’échec des systèmes de défense anti-missile Patriot face aux Kinjals
Selon Military Watch Magazine.
« L’opération réussie de l’armée de l’air russe visant à détruire un système de missiles Patriot protégeant la capitale ukrainienne, Kiev, le 16 mai, à l’aide de chasseurs d’assaut MiG-31K armés de missiles balistiques hypersoniques Kh-47M2 Kinzhal, représente le premier effort sérieux de suppression moderne contre les défenses aériennes occidentales à longue portée. En effet, des systèmes tels que le Kinzhal, le système surface-sol Iskander-M sur lequel il est basé, et même l’OTR-23 Oka soviétique à partir duquel l’Iskander a été développé, sont tous considérés depuis longtemps comme impossibles à intercepter pour les nouveaux moyens de défense aérienne occidentaux. Les missiles sont particulièrement résistants en vol en raison d’un certain nombre de caractéristiques, notamment leurs trajectoires semi-balistiques déprimées, qui ont des apogées de 50 km, leur capacité à effectuer de vastes manœuvres en vol et leurs vitesses terminales hypersoniques proches de Mach 9, toutes bien au-delà des paramètres d’interception d’un système tel que le Patriot. La capacité des Kinzhals à détruire le Patriot et à échapper à 32 tirs de missiles sol-air destinés à les intercepter indique donc que les attentes concernant la quasi-invulnérabilité de ce type de missiles se sont probablement concrétisées ».
Le 30 mai, Vladimir Poutine a confirmé que les forces russes avaient frappé le QG du renseignement militaire à Kiev. « L’attaque contre le siège du GUR est confirmée par les images de Kiev. La circulation a été bloquée sur le pont de la Havane, qui relie l’île de Rybalsky, où se trouve le quartier général des services de renseignement, à Podol. La veille, une frappe russe avait été signalée dans la région, mais les autorités ukrainiennes ne l’ont pas confirmée.
Pendant ce temps, le ministre russe de la défense, le général d’armée Sergei Shoigu, a tenu une conférence avec les dirigeants des forces armées de la Fédération de Russie. Il a présenté les résultats de l’opération militaire en Ukraine en mai 2023. Les déclarations les plus importantes sont les suivantes :
L’armée russe a touché un autre système de défense aérienne Patriot à Kiev ;
Au cours du mois dernier, les forces armées ukrainiennes ont perdu plus de 16 000 soldats, 16 avions, cinq hélicoptères, 466 drones et plus de 400 chars ;
Les troupes russes ont intercepté 29 missiles de croisière à longue portée Storm Shadow en un mois ;
En outre, 196 roquettes HIMARS et 16 missiles HARM ont été interceptés ;
Les “curateurs occidentaux” demandent à Kiev de lancer une contre-offensive, malgré les lourdes pertes subies par les forces armées ukrainiennes ;
Les forces armées de la Fédération de Russie suivent les voies d’approvisionnement en armes occidentales de l’Ukraine et les attaquent ;
D’importants dépôts d’armes occidentaux à Khmelnitsky, Ternopol et Mykolaiv ont été détruits ces derniers jours. »
A vrai dire, les ripostes ukrainiennes oscillent désormais entre le dérisoire et le tragique. Le 30 mai au matin, a eu lieu une frappe de drones sur Moscou, sans blessés ni morts. La partie russe affirme avoir détruit les drones , 19, qui n’ont pas eu une trajectoire défaillante.
Dans la nuit du 30 au 31 mai : 4 Himars ont tiré sur une ferme dans la région de Lougansk. Faisant 5 morts et 15 blessés. Uniquement des civils.
La contre-offensive ukrainienne aura-t-elle lieu ?
La contre-offensive ukrainienne tant annoncée semble s’essouffler, si elle n’est pas déjà morte, sous le pilonnage incessant par la Russie des stocks d’armes et de munitions ukrainiens, ainsi que des points de rassemblement des troupes.
Aura-t-elle-même jamais lieu ? Vijainder K Thakur en doute :
« Pour que la contre-offensive réussisse, ce qui arrive aux forces ukrainiennes aurait dû arriver aux forces russes.
La force aérospatiale russe (RuAF) a fait preuve de discernement et de dextérité dans l’utilisation de ses ressources : elle a frappé des installations industrielles tentaculaires avec des drones kamikazes Geran-2 tout en utilisant des missiles de croisière Kh-101 et Kalibr, lancés depuis l’air et la mer, pour des attaques ciblées.
Lorsqu’il faut frapper fort, les forces russes utilisent des missiles supersoniques Onyx (analogue du BrahMos) ou des missiles quasi-balistiques Iskander-M à l’aide de lanceurs mobiles terrestres. Pendant ce temps, les drones-leurres russes obligent les systèmes antiaériens ukrainiens à dépenser inutilement leurs munitions. (…)
Malheureusement pour l’Ukraine, après le retrait des forces russes de la rive droite du Dniepr, les rusés dirigeants militaires russes ont reconfiguré le déploiement de leurs forces, les dépôts de stockage et la défense aérienne (DA) de manière à réduire considérablement le potentiel destructeur des roquettes HIMARS, d’une portée de 80 km.
La Russie a également modifié le logiciel de ses systèmes de défense aérienne afin d’améliorer le taux d’élimination des roquettes HIMARS par ses missiles de défense aérienne. Lentement mais sûrement, la Russie a neutralisé l’avantage des HIMARS dans une large mesure.
Déterminé à affaiblir la Russie par le biais d’une contre-offensive par procuration, le 11 mai 2023, le Royaume-Uni a jeté la prudence aux orties et annoncé qu’il offrirait à l’Ukraine des missiles de croisière Storm Shadow d’une portée de plus de 250 km.
Le ministre de la défense, Ben Wallace, a déclaré au Parlement que le Royaume-Uni faisait don des missiles Storm Shadow à l’Ukraine pour l’aider à reconquérir les territoires perdus par la Russie depuis le début de son invasion !
Avec le transfert des Storm Shadow, le Royaume-Uni a ouvertement franchi une ligne rouge russe et est devenu le premier pays à fournir à l’Ukraine des armes à plus longue portée capables d’atteindre des cibles à l’intérieur de la Russie.
Lorsque Kiev a utilisé pour la première fois le Storm Shadow le 12 mai 2023, la contre-offensive ukrainienne semblait imminente et inquiétante.
Dans une analyse publiée le 12 mai 2023, nous avons analysé l’impact probable de l’introduction des missiles Storm Shadow et conclu que le réseau de radars de contre furtivité de la Russie “est efficace et facilitera l’interception de nombreux missiles Storm Shadow”.
“Toutefois, à l’instar des roquettes HIMARS et des bombes JDAM-ER, certains missiles Storm Shadow passeront à travers les défenses russes. Compte tenu de la portée beaucoup plus grande du Storm Shadow, de son immunité à la guerre électronique et de son ogive plus destructrice, chaque Storm Shadow qui passera à travers les défenses russes portera un coup douloureux ».
Notre analyse s’est avérée exacte. Deux semaines après l’introduction des missiles Storm Shadow, l’Ukraine n’a pas réussi à réduire la capacité de la Russie à approvisionner ses forces, mais certains missiles sont passés au travers et ont porté des coups douloureux, selon des sources ukrainiennes.
Le 12 mai 2023, deux missiles Storm Shadow ont frappé une école d’aviation russe à Lougansk, tuant neuf aviateurs et détruisant plusieurs avions.
Le 14 mai, deux missiles Storm Shadow ont pris pour cible une école d’aviation russe à Lougansk utilisée par l’armée russe.
Le 26 mai 2023, des missiles Storm Shadow ont frappé un dépôt de missiles russes à Marioupol, provoquant une explosion massive et un incendie.
Au cours de la même période, les forces de défense aérienne russes ont abattu des missiles Storm Shadow comme suit :
15 mai – 1
16 mai – 7
20 mai – Nombre non spécifié
22 mai – Nombre non spécifié
26 mai – 2
(…) La caractéristique la plus remarquable de l’attaque de Lougansk était sa sophistication technique et son excellente coordination, qui témoignent d’un niveau d’entraînement très élevé.
L’Ukraine aurait utilisé deux missiles de croisière Storm Shadow. Le lancement des missiles Storm Shadow par un avion ukrainien Su-24MR a manifestement été précédé par le lancement de missiles leurres ADM-160 fournis par les États-Unis, qui ont forcé les radars AD russes à s’allumer prématurément et à révéler leurs positions, avant d’être frappés par des missiles AGM-88 HARM lancés par un MiG-29 ukrainien.
Lorsque les Storm Shadows sont arrivés, les défenses aériennes russes s’étaient éteintes !
L’utilisation de leurres ADM-160 est une première dans le conflit. Les États-Unis n’avaient pas annoncé la fourniture de leurres à l’Ukraine, ce qui explique peut-être pourquoi les unités de défense aérienne russes ont été facilement incitées à les engager. (…)
Outre les défenses aériennes russes, l’Ukraine n’a pas pleinement exploité le potentiel des missiles Storm Shadow en raison du nombre limité de plates-formes de lancement dont elle dispose.
Le Storm Shadow pèse 1 900 kg. L’Ukraine possède deux chasseurs lourds, le Su-24 et le Su-27, qui sont théoriquement capables de transporter le missile.
Au début de la guerre, en février 2022, l’Ukraine aurait disposé de 34 Su-27 et de 16 à 24 Su-24M. (…)
En fait, Reznikov a révélé que l’Ukraine ne disposait plus que de 6 plates-formes de lancement Storm Shadow en service ! Cette révélation n’était pas très intelligente, à moins qu’il ne s’agisse de désinformation. Toutefois, la pénurie de plateformes de lancement pourrait expliquer l’utilisation limitée des missiles Storm Shadow avant la contre-offensive ukrainienne.(…)
Il est intéressant de noter que la Russie affirme avoir abattu trois chasseurs-bombardiers Su-24 depuis l’introduction des missiles Storm Shadow : un le 13 mai (à Lougansk), un le 17 mai (près de Varvarovka en RPD) et un le 18 mai (à Slavyansk).
L’augmentation soudaine du nombre de Su-24 abattus par l’Ukraine jette des doutes sur la viabilité des opérations Storm Shadow ukrainiennes. Il est clair que la RuAF traque vigoureusement les Su-24 ukrainiens.
L’incapacité de l’Ukraine à réduire la capacité de la Russie à maintenir ses troupes de première ligne bien nourries et approvisionnées grâce aux missiles Storm Shadow est probablement l’une des raisons les plus importantes de l’incapacité de l’Ukraine à lancer sa contre-offensive, malgré des conditions météorologiques favorables ».
Le gouvernement allemand s’enfonce toujours plus dans une russophobie suicidaire pour le pays et l’Union Européenne
L’Europe se défait sous nos yeux : les expulsions réciproques de diplomates et personnels des institutions culturelles par l’Allemagne et la Russie continuent.
Il faut dire qu’une partie du monde dirigeant allemand s’enfonce dans des spéculations de plus en plus dangereuses – à l’opposé de la tradition réaliste de la diplomatie allemande, qui va de Bismarck à Schröder en passant par Stresemann et Willy Brandt et qui fait de la bonne entente germano-russe une condition essentielle de la stabilité du continent !
J’en veux pour preuve un article paru dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung – média qui joue chez les élites de RFA le rôle, approximativement, que joue Le Monde auprès des élites françaises. On y lit que les Ukrainiens réclament à l’Allemagne des missiles Taurus pour pouvoir équiper les F-16 qui luis seront peut-être livrés et être en mesure de « changer la donne » en frappant Moscou. Le plus grave, c’est que (1) l’auteur de l’article ne dénonce pas le caractère d’élucubrations grotesques de ces demandes ukrainiennes au moment où les systèmes Patriot apparaissent impuissants face aux missiles Kinjal ; (2) il y est question de réserves, non d’un rejet catégorique au sein du monde dirigeant allemand.
« L’Ukraine avait demandé à Berlin de lui envoyer des missiles Taurus à longue portée lancés par avion. Ces missiles sont de fabrication germano-suédoise et Kiev pense qu’ils pourraient “changer la donne” sur le champ de bataille s’ils sont utilisés dans les avions de chasse F-16 – que les forces ukrainiennes espèrent également recevoir bientôt de leurs alliés de l’OTAN ».
Selon l’article, le gouvernement allemand serait confronté à un “dilemme” face à la demande ukrainienne, « car de nombreux fonctionnaires doutent que Kiev utilise ces équipements de manière judicieuse. Ce doute est dû au fait qu’un missile Taurus à longue portée atteint une distance de 310 miles, estimée à 500 km. Cela signifie que, selon l’endroit d’où les forces ukrainiennes lancent leurs missiles, il serait possible de frapper Moscou et d’autres cibles proches de la capitale russe. Étant donné qu’il est prévu d’utiliser ces armes avec des avions F-16, les chances sont encore plus grandes que les attaques soient menées en profondeur, ce qui conduirait à une escalade sans précédent ».
Par ailleurs, l’article fait également état de préoccupations sécuritaires de la part du gouvernement allemand. Selon les sources, « les missiles Taurus nécessitent des informations détaillées, précises et actualisées pour être utilisés correctement. Berlin n’est pas encore certain de vouloir partager de telles données stratégiques avec ses partenaires ukrainiens, c’est pourquoi des doutes subsistent quant à la fourniture de ces missiles ».
Enfin, l’Allemagne fait pression sur l’Union Européenne pour que des sanctions soient imposées sur le nucléaire civil russe :
« Selon le journal polonais Dziennik Gazeta Prawna (DGP), le différend sur les sanctions visant le combustible nucléaire russe se poursuit à huis clos au sein de l’Union européenne.
La Pologne, l’Allemagne et les pays baltes réclament une position plus ferme et l’expulsion de l’énergie nucléaire russe de la Communauté. Toutefois, les pays de l’UE ne se sont pas encore mis d’accord sur des restrictions à l’encontre du secteur nucléaire russe.
Les pays qui s’opposent aux sanctions contre l’entreprise publique russe d’énergie atomique Rosatom sont ceux qui sont fortement liés à l’importation de combustible nucléaire russe : La Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Slovaquie et surtout la Hongrie.
Budapest, en coopération avec les Russes, construit la centrale nucléaire PAKS II et cherche plutôt à développer des liens énergétiques avec Moscou, au lieu de s’en éloigner. Toutefois, l’Allemagne, la Pologne et les pays baltes font pression en faveur d’une position plus ferme et de l’élimination de l’énergie nucléaire russe de l’UE.
Si l’approvisionnement en combustible nucléaire russe était interrompu, les défis énergétiques auxquels l’Europe serait confrontée seraient considérables. Pas moins de 18 centrales nucléaires en Europe centrale et orientale ont été construites par la Russie, s’appuient sur des technologies russes et utilisent de l’uranium enrichi fourni par Rosatom.(…)
Selon le rapport annuel de l’Agence d’approvisionnement d’Euratom pour 2021, une tonne d’uranium sur cinq importée par l’UE provenait de Russie. Les pays de l’UE ont importé un total de 2 358 tonnes d’uranium brut, payant à Vladimir Poutine environ 210 millions d’euros. Cet uranium est utilisé dans deux réacteurs en Bulgarie, six en République tchèque, deux en Finlande, quatre en Hongrie et quatre en Slovaquie ».
On en sait plus sur la vision de la Chine, sur laquelle s’appuie son plan de paix
Le Wall Street Journal a fait part de ses doutes quant à la position médiatrice de la Chine. Pourquoi ? Parce que la Chine, dans les messages qu’elle a fait passer en Europe de l’Ouest, a considéré qu’aucune paix ne pourrait être conclue sans des concessions territoriales à la Russie ! Réseau International publie une bonne analyse de la position chinoise, en s’appuyant sur les révélations faites par le Wall Street Journal :
« Li Hui, qui vient de visiter Kiev, Varsovie, Berlin, Paris et Bruxelles, a en effet posé les pieds dans le plat : sur la base de l’«Initiative de Sécurité Globale» et du «Plan en 12 points pour la paix en Ukraine», publiés par le ministère chinois des Affaires étrangères le 24 février, il a fait remarquer à ses interlocuteurs qui les avaient acceptés que :
• La Russie a raison en droit international d’entreprendre son opération militaire spéciale contre les «nationalistes intégraux» ukrainiens. Non seulement cela n’est pas contraire à la Charte des Nations unies, mais c’est une application légitime de sa «responsabilité de protéger» les populations russophones.
• La Crimée, le Donbass et la partie Est de la Novorossia ont légitimement adhéré à la Fédération de Russie par voie de référendum.
• La Russie devra néanmoins respecter la décision du 16 mars 2022 de la Cour internationale de Justice (c’est-à-dire le tribunal interne de l’ONU) qui lui a ordonné de «suspendre» ses opérations militaires en Ukraine.
Cependant, le diplomate chinois mandaté par Xi Jinping a fait plusieurs reproches à ses interlocuteurs de l’UE :
• Celui d’avoir installé des dépôts d’armes et des bases militaires de l’OTAN à l’Est en violation de leur signature de la Déclaration d’Istanbul de l’OSCE (2013) ;
• Celui d’avoir organisé et soutenu un coup d’État en 2014 contre les autorités légitimes de l’Ukraine ;
• Celui de ne pas avoir appliqué les Accords de Minsk, signés par l’Allemagne et la France, (2014 et 2015) puis ratifiés par le Conseil de Sécurité des Nations unies ;
• Celui d’avoir pris des mesures coercitives unilatérales contre la Russie en violation de la Charte des Nations unies (1947). (…)
Li Hui a par ailleurs déclaré à ses interlocuteurs qu’ils n’avaient aucune raison de s’aligner sur la position des États-Unis et devaient faire preuve d’autonomie. (…). M. Li s’est même risqué à leur dire que s’ils devaient se séparer économiquement de Washington, ils pouvaient se tourner vers Beijing.
Pour les Européens, ce discours raisonnable était inaudible psychologiquement. (…)Ils n’ont donc pas répondu à l’argumentaire chinois, mais on déclaré sans surprise qu’ils ne se découpleraient pas des États-Unis, qu’ils exigeait avant toute négociation le retrait des troupes russes d’Ukraine ; et qu’ils comptaient sur la Chine pour le conflit ne dégénère pas en guerre nucléaire.
Ce dernier refrain atteste que les Européens n’ont toujours pas compris ni la position des Russes, ni celle des Chinois. Le président Poutine a maintes fois expliqué qu’il n’utiliserait pas en premier l’arme nucléaire stratégique. (…) En outre, la Chine se considère comme l’alliée militaire de la Russie en cas d’affrontement mondial, mais pas dans les conflits qui ne la concerne pas, comme celui d’Ukraine. Elle n’envoie d’ailleurs aucune arme là-bas. Cette distinction entre allié stratégique et allié tactique est une caractéristique du monde multipolaire que Moscou et Beijing s’emploient à construire. Il n’est pas non plus question pour la Russie de former une coalition derrière elle pour aller la soutenir en Ukraine ».
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/05/31/guerre-dukraine-jour-462-les-patriot-americains-incapables-darreter-les-missiles-hypersoniques-russes/
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