La montée en puissance des BRICS – lesquels pourraient demain constituer une sérieuse alternative à une ONU largement inféodée aux États-Unis – doit conduire tout observateur sérieux de la scène internationale à prendre en considération l’opinion des pays hors du champ de l’Occident : l’Asie-Pacifique, l’Asie centrale, le Moyen-Orient, l’Afrique et, bien évidemment le continent Sud-Américain. Et dans cet exercice salutaire de lecture et de réflexion critiques, force est de constater que les analyses ne plaident pas en faveur des États-Unis et de l’UE, en ce compris l’OTAN, dont l’horizon vise désormais l’indo-pacifique. Nous publions ici un texte de Chems Eddine Chitour, scientifique algérien, professeur émérite à l’École Polytechnique d’Alger et homme politique (ancien ministre) qui apporte son éclairage personnel sur la réunion du G7. Un point de vue important au moment où l’Algérie fait acte de candidature pour entrer dans les BRICS.
« Nous querellons les miséreux pour mieux nous dispenser de les plaindre » – Vauvenargues
« Le vieux monde se meurt, le Nouveau Monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » – Antonio Gramsci
Rituellement, les grands de ce monde se regroupent au sein du G7 pour juger, à leur idée, l’état du monde, des voies et des moyens pour le rendre plus conforme à leurs desiderata. Mais à la lueur des actualités récentes, une question se pose : à quoi sert réellement un G7, serions-nous tentés de dire? Le G7 était à l’origine un G6. Créé en 1975, il regroupait la France, l’Allemagne de l’Ouest, les États-Unis, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni. Le Canada à rejoint le groupe en 1976 (G7) et la Russie en 1998 (G8). En 2013, elle en a été exclue, pour avoir permis à la Crimée de vouloir rejoindre la mère patrie et pour avoir favorisé l’épanouissement des régions russophones de l’Ukraine.
Près de 78 ans après avoir été rasée par la première bombe nucléaire américaine, la ville d’Hiroshima a accueilli le sommet du G7, du 19 au 21 mai 2023. Les maîtres autoproclamés du monde se sont réunis au Japon pour évaluer le degré d’application des oukases qu’ils ont infligés, à la manière urbi et orbi : « une bénédiction solennelle, prononcée par le pape à certaines occasions religieuses importantes » (définition de Wikipédia). Ainsi, Mutatis mutandis, le G7 « gouvernement matériel du monde » bénit, absous et lance des malédictions, souvent aéroportées, sur ceux qui contreviennent au Magister dixit.
Nous allons examiner comment le G7 est arrivé à une croisée des chemins. Nous mettrons à nu son vrai poids économique, ses travers, mais aussi sa période crépusculaire qui, comme tout empire sur le déclin, se fait dans le chaos. La situation du monde l’incite à des décisions qui apparaissent de plus en plus guerrières en face de la misère du monde et de pays décidés à secouer le joug de l’impuissance. Le G7 n’arrête pas de menacer ceux qui veulent d’un monde multipolaire.
Le G7 affirme que toute coercition économique « aura des conséquences »
Comme annoncé à grand renfort médiatique, la grande kermesse du G7 s’est tenue récemment à Hiroshima et il ne fallait pas être devin pour prédire ce qui allait en ressortir : un communiqué officiel qui trace la norme. Faisant preuve d’autisme, le G7 n’écoute plus. Nous lisons cette contribution, en forme de menaces, parue dans le journal Le Monde que nous avons connu plus objectif :
« Les dirigeants des pays du G7, réunis en sommet à Hiroshima, au Japon, ont affirmé samedi 20 mai que toute tentative de « coercition économique » aurait « des conséquences », visant implicitement les pratiques de la Chine. La lutte contre les tentatives de Pékin d’utiliser des restrictions commerciales à des fins diplomatiques est un thème central de la réunion des chefs d’État ».
« Nous travaillerons ensemble pour veiller à ce que les tentatives d’utiliser les dépendances économiques comme une arme » soient « vouées à l’échec » et aient « des conséquences », « Nous exprimons notre vive inquiétude au sujet de la coercition économique » qui nuit non seulement au commerce international, mais « porte également atteinte à l’ordre international fondé sur le respect de la souveraineté et de l’État de droit et, en fin de compte, compromets la sécurité et la stabilité mondiales »
« Le G7 est particulièrement préoccupé par sa vulnérabilité dans des secteurs stratégiques tels que les minerais essentiels, les semi-conducteurs et les batteries électriques. Ses dirigeants veulent renforcer les chaînes d’approvisionnement pour éviter leur perturbation et faire en sorte que les technologies ayant des applications en matière de sécurité nationale soient « contrôlées de manière appropriée ».
Le G7 menace les pays qui aident la Russie, mais pas ceux qui surarment l’Ukraine
Déjà le 17 avril, les ministres des Affaires étrangères des principaux pays industrialisés s’étaient réunis au Japon, toujours avec l’attitude du Magister dixit, dictant le cap au Monde : d’abord en tentant d’isoler la Russie et en promettant toutes les foudres de l’enfer à ceux qui l’aident, trouvant normal que tout l’arsenal, les bases, la finance évaluée à plus de 100 milliards de dollars des 30 pays de l’OTAN soient mis à disposition de l’Ukraine.
Les membres du G7 ont ainsi promis de faire payer « le prix fort » aux États qui viennent en aide à la Russie, et ils se sont engagés à « intensifier » les sanctions contre le pays agresseur. « Nous renforcerons nos efforts de coordination pour empêcher la fourniture d’armes par de tierces parties à la Russie et y répondre, et nous continuerons de prendre des mesures à l’encontre de tous ceux qui apportent un soutien matériel à la guerre menée par la Russie ».
La Chine exprime son « vif mécontentement »
Un autre adversaire est dans le collimateur : concernant les activités militaires de la Chine, le G7 a condamné les « activités de militarisation » du pays. « Il n’y a pas de changement dans les positions basiques des membres du G7 sur Taïwan. Les revendications maritimes expansionnistes de la Chine ? En mer de Chine méridionale ? n’ont aucun fondement juridique et nous sommes opposés aux activités de militarisation menées par la Chine dans cette région ».
En réponse, la Chine a exprimé son “vif mécontentement” après la publication de ce texte. « Le G7 s’obstine à manipuler les questions liées à la Chine, à discréditer et attaquer la Chine », a déploré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois. « Le G7 claironne qu’il entend aller vers un monde pacifique, stable et prospère. Mais dans les faits, il entrave la paix dans le monde, nuit à la stabilité régionale et inhibe le développement d’autres pays », a poursuivi le porte-parole chinois dans le communiqué.
Le G7, un incubateur de conflits mondiaux ?
Rien de nouveau sous le soleil ! Au lieu d’aller vers l’apaisement du monde, le G7 fait dans la fuite en avant et ruine toutes les possibilités de coopération. Le récent sommet du G7 qui s’est tenu à Hiroshima a été un sommet « guerrier », où la confrontation est croissante entre les pays qui recherchent l’hégémonie mondiale et ceux qui s’y opposent.
Dans une déclaration citée par RT, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a déclaré: « Regardez les décisions qui sont discutées et adoptées aujourd’hui à Hiroshima lors du Sommet du G7, et qui vise le double confinement de la Russie et de la Chine ». De son côté, le ministère chinois des Affaires étrangères a également riposté au G7, affirmant que l’approche du groupe « n’a aucune crédibilité internationale », l’accusant d’ « entraver la paix mondiale », tout en exhortant l’instance à cesser d’ « exagérer » les affirmations liées aux problèmes concernant l’Asie ».
Maniant la carotte et le bâton, les membres du G7 ont rétorqué : « Nous sommes prêts à bâtir des relations constructives et stables avec la Chine ». Ils ont invité la Chine à « faire pression sur la Russie pour qu’elle cesse son agression » contre l’Ukraine.
Pour Marcelo Ramirez, chroniqueur argentin, « la réunion du G7 s’est considérablement rapprochée du désastre avec l’approbation d’une nouvelle proposition visant à donner à Zelensky des avions américains F-16. Il est étrange que cette option – maintes fois rejetée par les États-Unis – soit aujourd’hui présentée comme une alternative susceptible de changer le cours de la guerre. (…) La chute de Bakhmout (Artemovsk pour les Russes), a exacerbé la situation ».
« Face à cette réalité, poursuit Marcelo Ramirez, deux positions de base se dessinent en Occident : l’une de désescalade par la recherche d’un processus de paix, l’autre d’escalade vers la confrontation nucléaire, au moins en Europe. L’Inde, considérée comme un allié potentiel de l’AUKUS, a montré de nombreux signes d’indépendance, tout comme les nations de l’ANASE pour la plupart. Les mauvaises nouvelles continuent pour l’Occident, car Erdoğan, qui est devenu un cauchemar pour ses anciens alliés, était présenté comme un dirigeant dont le pouvoir prendrait fin après les élections. (…) Le déclin de l’Occident s’est opéré sur le plan civil, mais la question militaire s’y est ajoutée. (…) Si le coup porté au portefeuille a été plus que considérable, le problème le plus important est celui du prestige. La crème de la technologie américaine a été vaincue sans effort par la Russie en une seule opération combinant plusieurs actions ».
Des invitations vaines pour élargir le cercle des amis de l’Occident
On sait qu’avec sa rhétorique du bien et du mal, l’Occident avait misé sur Kemal Kilicdaroglu, contre Recep Tayyep Erdogan. Cela a été un échec ! Erdogan vient d’être réélu. Cette victoire a une signification profonde, car elle désavoue le G7. Et ses tentatives d’attirer l’Inde, le Brésil et d’autres pays dans son orbite, sur cette base, seront vaines.
On comprend, dans ces conditions, la position du Brésil qui ne cautionne plus l’état de fait : « Ainsi, le président Luiz Inácio Lula da Silva (PT) a mis fin à sa participation au sommet des dirigeants du G7. Lulla, « a remis en question la légitimité des pays du G7 en tant que dirigeants mondiaux » et a critiqué la création « d’alliances excluantes et de faux conflits entre civilisations », qui, à son avis, rendent difficile la création des alliances nécessaires pour résoudre les problèmes mondiaux. Des problèmes comme les crises environnementales, la sécurité alimentaire, les pandémies et la paix ».
États-Unis contre Russie : un duel gazier vieux de six décennies
En fait, quelle que soit la clé de décodage de l’acharnement des pays occidentaux à maintenir, coûte que coût,e leurs privilèges, la seule exception de fond est l’approvisionnement en énergie et le contrôle des sources. Pour Sadek Boussena, ancien ministre de l’Énergie en Algérie : « Le duel gazier, États-Unis vs Russie, est vieux de six décennies. La guerre en Ukraine a bouleversé la donne énergétique européenne. Pressé par Washington, le Vieux Continent a brutalement décidé d’interrompre son commerce gazier avec Moscou. Il devient ainsi la proie des marchands américains de gaz naturel liquéfié. Une nouvelle manche s’ouvre dans un très ancien conflit entre les États-Unis et la Russie ».
« Il faut remonter à l’embargo pétrolier arabe de 1973 pour retrouver un événement énergétique comparable à la crise des hydrocarbures déclenchée en Europe dans le sillage de la guerre en Ukraine. En premier lieu, les sanctions décrétées par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le G7 et l’Union européenne contre la Russie visent le plus gros exportateur mondial, tous hydrocarbures confondus. Deuxièmement, la Russie dispose du droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies et peut bloquer la légitimation internationale des sanctions à son encontre par cette instance. Troisièmement, sa puissance nucléaire la préserve d’un éventuel blocus militaire et lui permet de protéger ses richesses énergétiques. En dernier lieu, les Occidentaux n’ont pas convaincu le reste du monde, notamment le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui, avec la Russie, forment les Brics, de les suivre dans cette action punitive ».
La réalité du G7 : les pays les plus endettés au monde
Examinons, maintenant, ce que c’est que le G7. De l’extérieur, on pense à tort que les pays du G7 sont riches, et il ne viendrait à l’idée de personne que ces pays sont super-endettés : les sept pays les plus industrialisés sont les plus endettés, sauf que ces pays empruntent à des taux extrêmement bas et vivent de ce fait en maintenant un niveau de vie grâce à la dette. Ainsi, en 1975, les membres du G7 «pesaient » l’équivalent de 62 % du PIB mondial, contre seulement 45 % en 2018. Ainsi, le Japon a un PIB par habitant de plus de 39.000 dollars en 2018, mais c’est aussi le pays le plus endetté au monde. Quant à la dette américaine, elle est abyssale. De plus, les pays des BRICS ( Brésil, Russie, Inde et Chine) représentent 32,6 %, le G7, 29,4 % et le reste du Monde, 38 %. Ainsi, la Chine représente aujourd’hui plus de 19 % du PIB mondial, tandis que l’Inde culmine à 8 %.
Les BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud
Les BRICS dépassent le G7 en termes de PIB mondial ajusté en fonction de la PPA (parité pouvoir d’achat). Les médias mainstream n’arrêtent pas de marteler que le G7 est plus puissant économiquement. Scott Ritter a analysé les puissances des deux grands blocs : « Un économiste creusant sous la surface d’un rapport du FMI a trouvé quelque chose qui devrait enlever au bloc occidental toute sa fausse confiance dans son poids économique mondial, soi-disant inégalé. Début 2020, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov – sur la base des calculs projetés par le Fonds monétaire international en parité du pouvoir d’achat – avait prédit que les BRICS dépasseraient le G7 au plus tard cette année-là. Le G7 n’a pas tenu compte du défi économique des BRICS et s’est plutôt concentré sur la consolidation de sa défense de «l’ordre international fondé sur des règles» qui était devenu le mantra de l’administration du président américain Joe Biden ».
« Il est maintenant largement admis, poursuit Scott Ritter, que les États-Unis et leurs partenaires du G7 ont mal calculé l’impact des sanctions sur l’économie russe (…). Angus King, le sénateur indépendant du Maine, a récemment fait remarquer qu’il se souvenait que « lorsque cela a commencé il y a un an, tout le monde pensait que les sanctions allaient paralyser la Russie. Or, ils ont tout simplement fermé leurs portes et les émeutes dans la rue n’ont absolument pas fonctionné … D’où de nombreuses interrogations au sein du bloc occidental : les sanctions étaient-elles mauvaises ? N’ont-elles pas été bien appliquées ? Avons-nous sous-estimé la capacité russe à les contourner ? Pourquoi le régime des sanctions n’a-t-il pas joué un plus grand rôle dans ce conflit ? »
Scott Ritter, le chroniqueur américain bien connu, bat en brèche les calculs du FMI qu’il trouve inexacts: « Il convient de noter que le FMI a calculé que l’économie russe se contracterait d’au moins 8 %. Le chiffre réel a été de 2 % et l’économie russe devrait croître en 2023 et au-delà. (…) En janvier 2023, le FMI a publié une mise à jour des PEM d’octobre 2022, renforçant la position de force du G7. Heureusement, il existe d’autres analystes économiques, tels que Richard Dias, d’Acorn Macro Consulting, qui ne prennent pas les perspectives optimistes du FMI comme paroles d’évangile ». Dias a fait ce que les analystes sont censés faire : fouiller dans les données et en tirer des conclusions pertinentes. Il ne s’agissait pas d’une projection, mais plutôt d’un constat accompli : les BRICS étaient responsables de 31,5 % du PIB mondial ajusté en fonction de la PPA, tandis que le G7 en fournissait 30,7%. Pire encore pour le G7 : les tendances projetées ont montré que l’écart entre les deux blocs économiques ne ferait que se creuser à l’avenir. De plus, alors que l’adhésion au G7 reste statique, les BRICS augmentent de taille, avec l’Argentine et l’Iran et d’autres grandes puissances économiques régionales, telles que l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Égypte, qui expriment leur intérêt à y adhérer. Les BRICS devraient dépasser le G7 en termes de PIB réel, et pas seulement en PPA, dans les années à venir».
Les « riches pays du G7 » ont une dette de 13.000 milliards de dollars envers les pays du Sud
Les « riches pays du G7 » représentent une population de 774.527.960 habitants, un PIB global de 41.541.981 milliards €. La dette est de 49.131.818 milliards €, ce qui représente 118,26 % du PIB. En 2010, la dette était de 30.000 milliards €. Un « effet domino » va gonfler la dette et renchérirait les emprunts d’État, ce qui pourrait toucher des pays comme la France, l’Italie, le Japon, dont le déficit public atteint des proportions non tenables. Ce sont ces pays qui avec une dette intenable, font comme si de rien n’était. Le service de la dette de la France est de 60 milliards d’euros/an. Les emprunts se font à des taux très bas, contrairement aux prêts faits par le FMI aux pays du Sud. À force de saturer l’atmosphère par des informations qui ne mettent en valeur que les pays riches, personne ne parle de la dette des pays riches à l’endroit des pays pauvres. Dans la publication suivante d’Oxfam, nous lisons que « les pays riches du G7 doivent aux pays à faibles et revenus intermédiaires 13.300 milliards de dollars d’aide et de financement pour l’action climatique. (…) Bien qu’ils ne soient pas en mesure de payer ce qu’ils doivent, les pays du G7 et leurs riches banquiers continuent d’exiger que les pays du Sud paient 232 millions de dollars par jour en remboursement de dette et cela jusqu’en 2028. Cet argent pourrait pourtant être consacré à la santé, à l’éducation, à l’égalité femmes-hommes et à la protection sociale, ainsi qu’à la lutte contre les changements climatiques ».
Oxfam ajoute que« le G7 doit payer son dû. Il ne s’agit pas de bienveillance ou de charité, mais d’une obligation morale.” Les dirigeants du G7 se réunissent à un moment où des milliards de travailleurs sont confrontés à des réductions de salaire à long terme et à des augmentations impossibles des prix de produits de base tels que les denrées alimentaires. La faim dans le monde a augmenté pour la cinquième année consécutive, tandis que l’extrême richesse et l’extrême pauvreté ont augmenté simultanément pour la première fois en 25 ans. On calcule qu’au moins 27.400 milliards de dollars supplémentaires sont nécessaires d’ici 2030 pour combler les déficits de financement dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la protection sociale et de la lutte contre le changement climatique dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Cela équivaut à un déficit de financement annuel de 3.900 milliards de dollars. On estime que le G7 doit 8.700 milliards de dollars aux pays à revenus faibles et moyens pour les pertes et dommages dévastateurs que leurs émissions excessives de carbone ont causés, en particulier dans les pays du Sud. (…) Les gouvernements du G7 ne respectent pas non plus la promesse faite de longue date par les pays riches de fournir 100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025 pour aider les pays les plus pauvres à faire face au changement climatique ».
Par ailleurs, selon le Rapport mondial sur les crises alimentaires (GRFC) du « Programme alimentaire mondial », 258 millions de personnes dans 58 pays et territoires sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë à un niveau de crise ou pire, en 2022, contre 193 millions de personnes dans 53 pays et territoires en 2021. La fortune des 260 milliardaires de l’alimentation a augmenté de 381 milliards de dollars depuis 2020. Les entreprises d’engrais synthétiques ont multiplié leurs bénéfices par dix en moyenne en 2022. Selon le FMI, les 48 pays les plus touchés par la crise alimentaire mondiale devront faire face à une facture d’importation supplémentaire de 9 milliards de dollars en 2022 et 2023.
Oxfam se substituant aux Nations Unies « absents » demande aux gouvernements du G7 de prendre immédiatement les mesures suivantes : « Annuler les dettes des pays à faibles et moyens revenus qui en ont besoin. Revenir à l’objectif d’aide de 0,7 % du RNB, payer les arriérés d’aide et respecter leur engagement de fournir 100 milliards de dollars par an pour aider les pays les plus pauvres à faire face au changement climatique. Instaurer de nouveaux impôts sur les particuliers et les grandes entreprises. Accélérer la réaffectation d’au moins 100 milliards de dollars de l’émission actuelle de droits de tirage spéciaux (DTS) en faveur des pays à revenu faible ou intermédiaire et s’engager à procéder à au moins deux nouvelles émissions de 650 milliards de dollars d’ici à 2030 » .
L’Union africaine en faveur d’une augmentation des DTS du FMI pour l’Afrique
C’est dans ce cadre que le président en exercice de l’Union africaine (UA), Azali Assoumani, a déclaré à Charm el Cheikh, en interpellant les puissants : « Lors de sommet du G7 qui vient de s’achever à Hiroshima, j’ai appelé les pays du groupe à soutenir la demande de l’UA pour l’augmentation des droits de tirage spéciaux pour l’Afrique », estimant que la révision à la hausse de l’allocation de ces droits est “plus que jamais urgente”. La BAD plaide justement pour que l’Afrique reçoive une allocation plus grande en DTS du FMI qui avait injecté, en août 2021 pas moins de 456,5 milliards de DTS (650 milliards de dollars) dans l’économie mondiale, soit la plus grande allocation de l’histoire de l’institution financière. Cependant, sur ce montant colossal, l’Afrique n’en a reçu que 33,6 milliards de dollars, soit une moyenne de 600 millions de dollars par pays africain, contre une moyenne de 39 milliards de dollars par économie avancée, les DTS étant alloués aux pays sur la base de leur quote-part dans le FMI. « Ils sont donc alloués inversement aux besoins”, observe une experte de la BAD qui suggère de “recycler une partie des DTS des économies avancées vers les plus vulnérables ».
La réalité que l’on ignore : les migrants encore et toujours en danger de mort
Depuis quelques années, on ne parle plus des migrants : l’Occident a décidé de les ignorer ! La mort des migrants, pas plus que celles de dizaines de personnes chaque jour dans les pays arabes et musulmans, n’émeut plus personne. Chaque année une comptabilité macabre est faite. Selon l’ONU, 8.362 hommes, femmes et enfants sont morts en tentant de rejoindre l’Europe par la mer depuis 2014. Pour l’année 2016, ce chiffre atteint plus de 5.000 morts. Depuis janvier 2017 plus d’un millier de migrants sont morts en Méditerranée. Que font les grands de ce monde qui sont responsables à des degrés divers de ces exodes ? Rien de concret ! Tragiquement rien ! Ou plutôt si ! Un cimetière ! A défaut donc de les sauver en les accueillant, on donne hypocritement de la dignité à leur mort : le village de Tarsia, dans la région italienne de Calabre, veut être la dernière demeure des hommes, femmes et enfants qui meurent noyés au large de l’Italie en tentant d’entrer en Europe. Ils sont alors numérotés, et un échantillon ADN est prélevé pour ceux qui n’ont aucun élément d’identification.
« Depuis l’image insoutenable du petit Aylan el Kourdi, le monde ne s’est pas arrêté de tourner. Il y aura encore et toujours ad nauseam des épaves humaines sur des épaves, dans l’indifférence de l’Occident qui a amené ces hères à venir tenter leur chance pour atteindre la forteresse Europe et mourir en mer. Cette Europe qui n’arrête pas de donner des leçons au monde… Cet Occident, plus obnubilé par l’avoir, a délaissé l’être. Le poète Louis Aragon constatait, en son temps, le dérèglement éthique du monde, en proclamant son « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? », devant cette anomie du monde doublée d’une hubris des puissants qui repose sur du vent, indifférent à la misère du monde et à ces morts sans sépulture. Dans cet esprit, nous pourrions écrire : « Est-ce ainsi que les hommes meurent ? »
Conclusion : Où va le monde ?
Les sept pays du G7, riches de la détresse des autres, font preuve de ce qu’on pourrait appeler le « chauvinisme de la prospérité ». Il rappelle la belle expression d’Enrico Mattei qui dénonçait le cartel des compagnies pétrolières qu’il avait appelé « Les sept sœurs » (sette sorele en italien).
Naturellement, même dans ces pays, les pauvres subissent le laminoir du libéralisme. Ils sont logés à la même enseigne que les damnés de la « Terre du Grand Sud Global ». Les épaves aux abords du supermarché européen ne sont plus prises en considération. Au contraire, l’Europe forteresse, en se barricadant, renforce Frontex qui alimente le puits sans fond ukrainien, à coups de dizaines de milliards de dollars, et achète des armes aux Américains. Il faudrait 50 milliards de dollars pour juguler la faim dans le monde, il faudrait 100 milliards de dollars/an pour permettre aux pays du Sud de lutter contre les changements climatiques.
Les sénateurs américains l’ont annoncé pour maintenir leur statut : la guerre continuera jusqu’au dernier Ukrainien ! C’est cela la tragédie du monde. Le conflit n’a que trop duré. On parle avec indifférence du « hachoir de Backhmout », et c’est terrible !
Des jeunes dans la fleur de l’âge se battent pour un conflit qui n’a pas lieu d’être. Le philosophe Jean Paul Sartre avait raison d’écrire : « Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent». L’Occident crépusculaire est dans le déni, il n’admet toujours pas que les cinq siècles d’esclavage, d’invasions génocidaires, de colonisations, qui lui ont permis de se développer et de prospérer, ne peuvent plus perdurer.
La dernière réunion du G7 est dangereuse, car inexorablement le conflit s’élargit : c’est en fait l’OTAN contre la Russie. Permettre l’envoi d’avions F16, après les systèmes de défense, ensuite les chars offensifs Léopards, nous conduits tout droit dans l’antichambre de la troisième guerre mondiale. Il suffit que le conflit touche la Russie pour que cette dernière riposte « plus loin que l’Ukraine comme la dernière attaque de Drones sur Moscou ». Et c’est l’embrasement !
Tout cela parce que la Russie ne voulait pas d’OTAN à sa frontière et qu’elle a voulu mettre en application le concept de la « responsabilité de protéger » les populations russophones du Donbass, éreintées par un pouvoir qui les combat dans les textes (suppression du russe, attaques récurrentes) et les persécute en permanence.
Les vrais défis du monde, outre ceux liés aux changements climatiques, deviennent de plus en plus dangereux. C’est celui d’un danger existentiel, provenant notamment de l’Intelligence artificielle que les pays développés ne veulent surtout pas brider ! Ce ne sont pas les vœux pieux du G7 qui y changeront quelque chose !
C’est aussi celui permanent de « la misère du monde, dont les racines plongent dans un colonialisme qui a laminé les pays du Sud qui ont eu des indépendances formelles, car ils sont tragiquement sous-développés, vivant de l’aumône chiche des pays qui continuent à les dépouiller. C’est dans ce cadre que la prédiction d’Antonio Gramsci prend tout son sens, rejoignant une autre prophétie, celle des cavaliers de l’apocalypse que sont les changements climatiques, l’hubris des puissants, la misère du monde et le chat GPT !
Cependant, inexorablement, la solution pourrait venir des pays du Sud, des peuples rescapés des cinq siècles de rapine qui veulent du « donner du sens à l’être et non à l’avoir ». Le Sud Global relève la tête ! Plus rien ne sera comme avant. Dans cette perspective, les pays des BRICS proposent une voie apaisée et prônent une voie du « doux commerce » dans un monde multipolaire, où chaque pays donnera la pleine mesure de son talent.
Dans ce maelström caractérisé par l’instabilité, l’Algérie devra sans tarder faire son aggiornamento, dans un monde où il n’y a pas d’amis et encore moins de frères, mais des intérêts permanents. Cependant, les fondamentales éthiques de justice, que l’Algérie se félicite de préserver, ne peuvent pas être bafouées pour quelques maravédis, kopecks, renminbi, encore moins dollars belligènes. C’est dire si le challenge est difficile et tient de l’acrobatie sans filets. Toutefois, pour amoindrir les « agressions extérieures » et garder la tête hors de l’eau, seule une société entièrement mobilisée derrière ses dirigeants pourra y parvenir.
Il faut tout mettre en œuvre pour aboutir à une société apaisée, nourrissant un projet ambitieux pour ce XXIe siècle, en listant les défis et les dangers qui nous guettent. Comment vivre et faire ensemble ? Que voulons-nous pour nos enfants ? L’école que nous devons promouvoir devra être celle de la raison, afin de rendre nos enfants autonomes mentalement, pour qu’ils réfléchissent par eux-mêmes.
Les autres défis de taille sont l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche. C’est encore une fois une nouvelle Révolution à inventer, celle du Web 3.0, de la lutte contre les changements climatiques, de la transition énergétique. L’arrimage de l’Algérie au bloc des BRICS peut nous permettre un saut qualitatif. Relevons le défi par notre résilience, en nous mettant en ordre de marche pour arriver à doubler notre richesse !
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/06/07/les-menaces-recurrentes-du-g7-un-crepuscule-sans-gloire-par-oumma/
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