Mettez-vous bien ça dans le crâne : l’abondance, c’est fini ! On va maintenant entrer dans l’ère des pénuries : pénurie d’énergie, les moulins à vent et les miroirs magiques ne parvenant pas à combler les besoins, pénurie de viande, décidée d’en haut, pour éviter le méthane, le dioxyde de carbone et une trop bonne santé du cheptel humain… Et actuellement, les médias harpent de façon compulsive sur les inévitables pénuries d’eau.
Pour un pays tempéré qui n’a en réalité jamais manqué d’eau, c’est une affirmation particulièrement audacieuse. D’ailleurs, la Nature (la vraie, celle qu’on observe calmement chaque jour sans passer par les filtres de l’État) ne s’y est pas trompée : après quelques semaines sèches pour lesquelles certains préfets de départements ont tenté de paniquer, la pluie est revenue – après ce qu’on présentera comme un record de sécheresse, au besoin – et à tel point que certaines rivières sont sur le point de déborder. Dans le Sud, certains cours sont bien au-dessus des normales de saison, mais comme ceci contraste trop violemment avec le discours officiel (“On va tous mourir de soif”), on n’en parle pas.
En fait de sécheresse, on a – comme toutes les années précédentes – des situations contrastées d’un bout à l’autre du pays. Il n’y a, en réalité, rien d’anormal ni d’alarmant dans la situation mais, obstinément, le petit crin-crin des médias, des experts de plateau, des hydrologues de Twitter et du gouvernement s’installe : on manque d’eau !
Aucun déluge, aucune averse de grêle ne semble pouvoir contenter les vendeurs d’apocalypse déshydratée ; tout est là, clair, limpide, dans des petites cartes colorées rassemblées sur de jolis sites bien fichus, et toutes forcent le même constat : c’est la sécheresse. Elle peut être étendue, profonde, atteindre les nappes phréatiques, elle peut même être asymptomatique voire éclair, elle se cache sous vos parapluies, derrière vos imperméables, elle est partout !
Cependant, on ne pourra s’empêcher de noter que ces cartes semblent provenir d’un site, Info Sécheresse, dont l’aspect sérieux et professionnel parvient assez bien à faire oublier qu’il n’a rien d’officiel ou de sanctionné par l’État. Créé en mars 2020, il s’agit d’une production de la société privée ImagEau, qui est une filiale de la société SAUR (“Société d’aménagement urbain et rural”) dont l’actionnaire principal, un fonds d’investissement suédois, entend faire fructifier sa participation. De façon peu étonnante, la SAUR a pour activité principale la gestion déléguée de services pour les collectivités locales, essentiellement dans l’ingénierie et la construction d’ouvrages liés au traitement de l’eau.
En substance, la plupart des informations relayées assez goulûment par les médias proviennent de sociétés (SAUR et ImagEau notamment) dont le but est, fort commodément, de fournir des solutions à des problèmes de collecte, d’acheminement et de traitement de l’eau. Pratique.
Bien sûr, il ne s’agit pas ici de reprocher à ces entreprises de faire leur business et leur publicité, mais plutôt de s’interroger sur l’extraordinaire pénétration du message dans toutes les strates de la société française, notamment gouvernementale et médiatique. Ce serait comme si les différents acteurs concernés avaient tous à cœur de trouver un problème et d’en proposer des solutions clé en main. La coïncidence avec d’autres problèmes (dans les domaines de l’énergie, l’alimentation, ou la santé au hasard) qui trouvent, eux aussi, des solutions clés en main par des acteurs privés placés juste bien comme il faut auprès des acteurs publics et des médias n’est que ça, une pure coïncidence.
Tout comme n’est qu’une coïncidence la montée dans le strident des petits cris d’orfraie des médias lorsqu’il s’agit de parler de sécheresse ou, plus largement, de climat, à grand renfort de cartes aux couleurs de plus en plus cramoisies.
C’est tellement vrai qu’on en multiplie les usages. Les modèles ont montré leur puissance (climatiques, épidémiologiques : même combat d’infirmes), alors étendons leur principe, par exemple avec la météo des forêts et des incendies, nouvelle occasion de faire pétocher le spectateur.
Bien sûr, comme les numéros verts et les Grenelles, ces Cartographies de l’Enfer Quotidien ne résolvent absolument rien mais ça occupe l’esprit des foules : à retenir, c’est simple, simpliste voire simplet, et ça instille facilement un bon niveau d’anxiété alors qu’il n’y a aucune raison objective de s’inquiéter.
Cette manie des cartes, de l’illustration graphique pour faire passer des messages toujours
anxiogènes se retrouve pour tous les sujets : un dessin vaut mille
mots, surtout lorsqu’ils sont creux voire mensongers, et cela permet de
faire entrer les idées, les messages et la propagande plus
facilement. Cela marche avec les enfants de trois ans et il n’y a pas de
raisons que ça ne marche pas avec des adultes préalablement amollis par
des années de manipulations médiatiques et politiques.
Petit-à-petit, on plante donc avec obstination la graine d’un cruel manque d’eau partout dans un pays qui n’en a jamais manqué, manque qui poussera les foules à réclamer une action énergique, qui se traduira par des restrictions et – bien sûr – des taxes.
Technique éprouvée d’une mise en situation, mélange de “nudge” cher aux cabinets de conseil et d’un déplacement subtil de la fenêtre d’Overton : on introduit l’idée qu’on va devoir se serrer la ceinture, qu’on va devoir limiter, et qu’il va falloir faire payer ces salauds de riche, puis, un beau matin, tout le monde est riche et doit payer.
Bref, le réchauf dérègl pardon changement
climatique, calamité moderne servie à toutes les sauces, va permettre de
faire croire à une terrible sécheresse, à la nécessité de nouvelles
restrictions (de liberté et de pouvoir d’achat) alors que, dans le même
temps, le climat, espiègle, semble largement aider les cultures
africaines et notamment au Sahel qui reverdit obstinément,
dans un pied de nez aux apocalypsologues et autres catastrophistes qui
refuse de constater que, malgré leurs pénibles admonestations, notre planète devient plus propre et en meilleure forme chaque jour qui passe.
En réalité, il faut se résoudre à l’évidence : l’abondance d’honnêteté ou de pondération, décidément, c’est fini.
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