10 mai 2023

La “démondialisation” marque la fin de la domination américaine


Quoique l’on pense de Poutine, sa décision d’engager un bras de fer avec l’Occident, via l’Ukraine interposée, constitue une vraie rupture géopolitique par rapport au monde qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale et plus encore, la chute du « mur de Berlin ». De l’univers bipolaire de la « guerre froide », nous sommes passés à une conception unipolaire à l’anglo-saxonne, facilitée par la mondialisation, la dollarisation et la financiarisation de l’économie. Contrairement aux tenants d’un pseudo « messianisme » américain qui reposerait sur des « valeurs » universelles, une analyse plus approfondie montre que les Américains et leurs cousins britanniques n’ont eu de cesse de viser l’hégémonie économique en instaurant une domination politique, souvent par la force. Mais tout a une fin. Et ce qui semble étrange, c’est le manque de compréhension des élites occidentales, notamment américaines, de l’ampleur du profond changement qui est en train de s’instaurer. Dmitri Sikorski a recueilli les propos d’un économiste russe qui nous explique la nouvelle « division du monde ».
 
Selon l’avis de Yuri Yudenkov – professeur au Département des finances, de la circulation monétaire et du crédit à l’École de commerce RANEPA – formulé lors d’un échange avec la « FBA Economy Today », les actions de l’Occident ont conduit à la division du monde en plusieurs blocs politiques et économiques. La démondialisation est en cours, ce qui pourrait mettre fin à l’ère de la domination américaine. Ce constat est également partagé par la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, qui a déclaré que l’économie mondiale se scindait en blocs belligérants.

Le monde est désormais divisé en plusieurs zones économiques

Cette situation, qui coïncide avec une période de faible croissance économique, constitue un moment historique dangereux. Pour l’économiste Yuri Yudenkov, « le monde n’est pas divisé en deux camps, mais en plusieurs camps. Il y a l’Afrique, la plus pauvre, la Chine qui sort de la pauvreté, l’Europe qui occupe une place à part, et il ne faut pas oublier les États-Unis avec les pays indécis d’Amérique latine ».

De fait, de nombreux nouveaux centres de pouvoir économique se sont créés dans le monde, et chacun d’eux a ses propres intérêts. L’Inde est devenue le plus grand pays en termes de population, l’Indonésie et la Malaisie montent en puissance, et il y a du potentiel en Afrique.

Yuri Youdenkov observe qu’en même temps, « des choses incroyables se produisent. La consommation en Europe a baissé de 20 %, la Russie tient toujours, mais il y a moins de biens importés sur le marché, et la classe moyenne se développe en Chine ».

Le contrôle américain sur l’économie mondiale se rétrécit, et c’est ce qui cause les conflits qui se déroulent actuellement sur la planète. On le constate, de l’Ukraine à la question taïwanaise sans oublier d’autres tensions géopolitiques.

L’économie américaine est entrée dans une situation difficile

L’expert économique poursuit ainsi son analyse : « Aujourd’hui, des groupes de pays se distinguent avec leurs propres technologies, monnaies et modes de vie. Nous ne devons pas oublier la Turquie, dont le président Erdogan fait pression sur les valeurs de l’Empire ottoman et s’oppose à l’Occident ».

Les États-Unis sont au bord de la crise et les contradictions au sein de l’UE s’accroissent et menacent de briser l’union. Les pays occidentaux se sont ralliés à la russophobie, mais même leurs élites ne sont pas certaines que cet élan durera longtemps. 

La démondialisation est en marche

La pandémie et la crise ukrainienne ont montré que la mondialisation a pris fin et qu’un retour en arrière a commencé. La « fin de l’histoire » – sur laquelle écrivait le propagandiste des idées occidentales, Francis Fukuyama – ne s’est pas produite.

En réalité, les contradictions dans le monde se sont plutôt aggravées et ne se résolvent que par la force. Selon Yuri Yudenkov, « le processus de mondialisation a pris fin en 2015. Désormais, la démondialisation est en cours, mais elle est causée non seulement par la géopolitique, mais aussi par la pandémie de COVID-19. En 2022, de nombreux liens logistiques ont été rompus et des hostilités ont lieu en Europe. En outre, le monde entier regarde les États-Unis et la Fed, qui ont considérablement augmenté le coût de l’argent ».

Les conséquences de l’augmentation par la FED du coût de l’argent

Aujourd’hui, le taux de base de la Fed est à 5,25 %, ce qui est un chiffre très élevé. Cela n’est pas sans conséquences, ainsi que le résume l’économiste : « On ne sait pas comment tout cela va se terminer. Le problème est que même une hausse des taux de la Fed de 1% crée d’énormes dommages financiers. La dette nationale américaine est aujourd’hui estimée à 31.000 milliards de dollars, et 1 % de celle-ci, c’est un montant de 310 millions de dollars ».

Les autorités financières américaines ont relevé le taux de la fourchette de 0-0,25 % à 5-5,25 % sur l’année. Le coût du service de la dette américaine, tant publique que celui des entreprises, a augmenté de plusieurs milliards de dollars. Cela a inévitablement entraîné une série de faillites. « Aujourd’hui, les experts attendent où cette situation mènera », déclare Yudenkov.

L’émergence de nouveaux centres de pouvoir mondiaux

Jusqu’à présent, les Américains avaient l’habitude de résoudre tous les problèmes avec la planche à billets. Mais maintenant, cette stratégie ne peut plus fonctionner. Les États-Unis ont imprimé trop d’argent en 2020, de sorte que la nouvelle étape des émissions du billet vert risque d’entraîner de graves difficultés.

Pour Yuri Yudenkov « l’Europe est plongée dans une crise géopolitique de grande ampleur, l’influence des États-Unis sur l’économie mondiale diminue, la situation en Amérique latine est incompréhensible, et la Chine et l’Inde croissent en même temps. Une nouvelle crise financière internationale ne conduira pas à une catastrophe, mais se transformera en développement pour le monde avec plusieurs centres de pouvoir, qui auront leur propre monnaie et leurs propres technologies ».

En conclusion, il est devenu évident que tout le monde est désormais fatigué des prétentions américaines à vouloir dominer le monde. Et c’est ce sentiment qui provoque l’émergence de nouveaux blocs économiques.

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/05/09/la-demondialisation-marque-la-fin-de-la-domination-americaine-par-rueconomics/

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