L’Allemagne est entrée en récession mais cela ne semble pas émouvoir les dirigeants français ni leur faire réviser les choix erronés des dix dernières années – lorsque François Hollande et Emmanuel Macron ont accepté tous les caprices de Merkel. Face à l’Allemagne de Scholz, qui se soumet aux États-Unis et n’exerce plus de leadership en Europe, Paris a toutes les cartes en main. Mais pour cela il faudrait renoncer au dogme franco-allemand, à la germanolâtrie qui règne dans nos médias. Il faudrait regarder l’Allemagne telle qu’elle est et imaginer une autre politique européenne fondée sur des coalitions d’intérêts au sein du Conseil Européen – pour défendre les intérêts français. Une fois de plus Emmanuel Macron fait les mauvais choix.
C’est donc officiel, avec un recul du PIB pour le deuxième trimestre consécutif, l’Allemagne est entrée en récession. Après un recul de 0,5% au dernier trimestre 2022, le PIB a reculé à nouveau de 0,3%. « La hausse massive des prix de l’énergie a fait des ravages au cours de l’hiver », résume Jörg Krämer, chef économiste de Commerzbank, dans des propos rapportés par Les Echos.
Il est assez cocasse de lire la presse allemande ce jour. Si nos médias n’avaient pas une espèce d’aveuglement germanophile – en réalité germanolâtre, ils souriraient de voir le dépit outre-Rhin. Depuis plusieurs semaines on était dans la méthode Coué! On allait avoir une stagnation. Mais une récession? Vous n’y pensez pas!
Ce jour, le Chancelier Scholz a insisté sur son espoir d’une légère croissance pour l’année 2023. “Les perspectives sont très bonnes“, a même assuré le Chancelier.
L’aveuglement outre-Rhin sur les causes de la récession
Les politiques, les experts, les médias tournent autour du pot. Tout le monde s’accroche à la légère croissance de la production industrielle – sans se rappeler que l’Allemagne a dépensé plus d’un milliard d’euros par jour, depuis la fin février 2022, pour contenir la facture énergétique des particuliers et des entreprises. Ensuite, on s’en prend à tous les facteurs – hausse des prix de l’énergie, inflation qui a dissuadé la consommation, malgré la baisse du taux d’épargne etc….
Mais outre-Rhin, il y a deux tabous: d’une part la sortie du nucléaire. Alors même que la récession menaçait, la République Fédérale vient de fermer ses trois dernières centrales nucléaires en activité! Lisez le récit de cette fermeture par Actu Planète; pour redécouvrir qu’il y derrière l’Allemagne pragmatique de nos représentations une Allemagne obscurantiste:
“A minuit (22H00 GMT), samedi 15 avril 2023, les centrales d’Isar 2 (sud-est), Neckarwestheim (sud-ouest) et Emsland (nord-ouest) ont été déconnectées du réseau électrique.« Ce sera un acte très émouvant pour les collègues d’éteindre la centrale pour la dernière fois », assurait à quelques heures de l’échéance Guido Knott, le PDG de l’entreprise PreussenElektra qui exploite Isar 2.
“Le gouvernement allemand leur avait accordé un sursis de quelques semaines, par rapport à l’arrêt initialement fixé au 31 décembre, mais sans remettre en cause la décision de tourner la page. La première économie européenne ouvre ainsi un nouveau chapitre, mise au défi de se sevrer des énergies fossiles, tout en gérant la crise gazière déclenchée par la guerre en Ukraine.“
« Les risques liés à l’énergie nucléaire sont définitivement non-maîtrisables », a asséné cette semaine la ministre de l’Environnement Steffi Lemke. Ils inquiètent de larges pans de la population et ont cimenté le mouvement écologiste.Greenpeace a organisé samedi au pied de la porte de Brandebourg à Berlin un adieu à l’atome, symbolisé par une dépouille de dinosaure vaincu par le mouvement antinucléaire. « Enfin, l’énergie nucléaire appartient à l’histoire ! », proclame cette ONG“.
Au même moment, l’Allemagne s’obstine dans la soumission aux Etats-Unis en ce qui concerne les relations avec la Russie et la Chine. Plus de nucléaire? Plus de gaz russe non plus! Et des sanctions contre la Chine pour être sûr que les exportations allemandes reculent encore plus!
L’effondrement du “modèle allemand”
Depuis les années 1970, les gouvernements français étaient obsédés par la prétendue supériorité d’un “modèle allemand”. Alors qu’il y avait essentiellement un renoncement des dirigeants français à défendre un modèle propre. Mais, admettons, prenons l’Allemagne de Gerhard Schröder, chancelier de 1998 à 2005. L’Allemagne commençait à sortir du nucléaire mais elle compensait par le gaz russe. Et le pays menait une politique de bon voisinage avec Moscou.
Tout cela s’est effondré sous les coups de boutoir de l’idéologie. Angela Merkel avait grandi en RDA, l’Allemagne de l’Est communiste de 1949 à 1989. Le chancelier des années 2005-2021 avait gardé de sa jeunesse une bonne dose de dogmatisme, derrière des apparences raisonnables. C’est ainsi qu’elle a décidé sur un coup de tête, en 2011, la sortie du nucléaire ou bien qu’elle a fait ouvrir totalement les frontières à l’immigration au dernier trimestre 2015.
La coalition à trois partis qui a succédé n’est pas moins dogmatique. Qu’il s’agisse d’écologie ou de guerre d’Ukraine, tout a été décidé contre les intérêts allemands. Pensez que le gouvernement n’ose toujours pas parler ouvertement du sabotage américain de Nordstream – projet allemand et européen . A Berlin, on préfère accuser Kiev que Washington.
Il faudrait sortir du partenariat prioritaire avec l’Allemagne mais à Paris on s’accroche au dogme
J’écoutais ce soir, à la fin d’une conférence, un ambassadeur d’un de ces Etats-membres qu’on appelle avec condescendance, à Paris, un “petit pays”. Il était content d’avoir une oreille française pour l’écouter. car il est très inquiet de ce que concocte le “groupe de travail franco-allemand sur la réforme des institutions européennes“. Il lui semble non seulement anormal mais extrêmement dangereux que la France et l’Allemagne, quel que soit leur rôle dans l’histoire de la construction européenne, prétendent décider pour les autres.
Cet ambassadeur avait les idées claires. Il expliquait qu’à vrai dire la France et l’Allemagne ne ^pourraient plus grand chose contre les autres Etats s’il n’y avait le renforcement constant du niveau fédéral des institutions européennes.
Il est bien évident qu’à Paris on est dans le contresens le plus complet. On s’accroche aux pratiques des années Mitterrand-Kohl alors que tout a changé. Alors que Madame Merkel a régulièrement piétiné les desiderata français: en sortant du nucléaire, en ouvrant les frontières allemandes à une immigration massive, en n’obligeant pas l’Ukraine à respecter les Accords de Minsk, en refusant à Emmanuel Macron tout objet de la zone euro.
Alors que l’occasion est rêvée de laisser l’Allemagne se débrouiller avec une crise politique interne et des choix géoéconomiques désastreux, à Paris on s’obstine!
Le groupe de travail franco-allemand sur la réforme des institutions européennes n’a même pas été confiée à l’Assemblée parlementaire franco-allemande instaurée par le Traité d’Aix-La-Chapelle mais à un groupe d’experts sans aucune légitimité politique et qui ne représentent en aucun cas la diversité des opinions politiques, en France, sur l’Allemagne et sur l’Europe:
“Les six représentants français sont Christine Verger (Institut Jacques-Delors), Shahin Vallée (Conseil allemand des relations étrangères – DGAP), Pervenche Bérès (Fondation Jean-Jaurès), Gilles Gressani (Le Grand Continent), Olivier Costa (Cevipof) et Gaëlle Marti (université Jean-Moulin Lyon 3) ; les six représentants allemands, Thu Nguyen (Institut Jacques-Delors), Daniela Schwarzer (DGAP), Sophia Russack (Centre for European Policy Studies), Funda Tekin (Institut für Europäische Politik), Nicolai von Ondarza (Stiftung Wissenschaft und Politik) et Franz Mayer (université de Bielefeld)“. Des personnes sans expérience politique et sans légitimité, à qui on soufflera de glisser le renoncement à l’unanimité pour les votes de politique étrangère – par exemple.
Les difficultés allemandes auraient dû conduire Emmanuel Macron à prendre des distances avec Berlin, à construire une “clientèle française”, avec en particulier les “petits pays” pour les votes au sein du Conseil européen.
Cette tâche reviendra au prochain gouvernement français. Mais il abordera l’émancipation du dogme franco-allemand dans des conditions bien plus défavorables.
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