02 mai 2023

Gouvernement et syndicats ne contrôlent plus le corps social


Ni le gouvernement, ni les syndicats n’ont gagné leur pari : s’imposer au gouvernement. En fait, on a ce soir un gouvernement et une intersyndicale en partie déconnectés de l’opinion publique, qui s’est installée, désormais dans le rejet d’Emmanuel Macron et dans une indifférence aux injonctions qui tombent comme des oukases.

Le gouvernement s’efforce d’atténuer la contestation ou de la diviser. Mais le refus du corps social est toujours plus puissant. Nul ne peut dire combien de temps cela va durer: quelques semaines ou quelques mois ou deux ans: mais le résultat est inéluctable : Macron peut retarder l’échéance de sa chute, non l’amortir. 

Verre à moitié vide ou verre à moitié plein? Selon le gouvernement ou les syndicats, vous aurez l’une ou l’autre réponse. Les syndicats ont compté plus de deux millions de personnes, dont plus de 500 000 à Paris. Le gouvernement, lui, n’ a compté que 800 000 personnes, dont un peu plus de 100 000 à Paris.

En réalité, il y a eu une bonne mobilisation à travers la France mais répartie à travers le territoire. L’affluence a été plus forte que d’habitude dans beaucoup de villes moyennes. A Paris, c’est un bon score, sans plus.

La tactique inefficace du préfet de police

A Paris, Eric Verhaeghe a suivi une grande partie du cortège et a ensuite rendu compte des affrontements sur la Place de la Nation. Visiblement, la feuille de route des forces de l’ordre était d’empêcher la manifestation parisienne de se déployer. Il y avait des vérifications de sacs pour tous les manifestants qui rejoignaient la place de la République, point de départ du cortège. Puis, ensuite, le cortège était sondé en deux trajets, pour éviter l’effet de masse. Les forces de l’ordre ont avancé en s’interposant dans le cortège, par paquets, pour se rendre place de la Nation.

Et, en arrivant place de la Nation, on pouvait observer un impressionnant dispositif: CRS, gendarmes, BRAV-M.

Or, assez rapidement, on a vu, place de la Nation – les vidéos sur Rester Libre en témoignent – des forces de l’ordre dépassées par des groupes de jeunes, membres du Bloc Noir ou militants gauchistes, qui ont harcelé police et gendarmerie tout au long de l’après-midi.

Les affrontements, les feux de poubelles, ont continué jusque dans la soirée.

Le corps social s’adapte à la volonté de répression gouvernementale.

Le sentiment que donne la configuration du jour, c’est qu’on est revenu, à Paris, à une manifestation découlant de la mobilisation syndicale et composée d’électeurs de second tour pour Emmanuel Macron, il les a perdus. Tandis que les rassemblements de France étaient plus représentatifs de la coalition des oppositions, qui viennent de la gauche et de la droite à la fois..

Le contraste est fort entre le caractère relativement tranquille des manifestations dans l’ensemble de la France et les tensions parisiennes (ainsi que dans quelques grandes villes). Par exemple, à Strasbourg, la foule se préoccupe peu de la réaction potentielle du préfet et brûle une effigie de Macron dans une ambiance bon enfant. Là, à Nantes, ce sont des agriculteurs qui ont rejoint le cortège. Regardez, sur le compte Twitter “anonyme citoyen” les manifestations à Toulouse, Perpignan, Montpellier etc…: vous verrez une atmosphère relativement sereine en même temps que des cortèges denses.

En réalité, le corps social s’est adapté, depuis le mouvement des Gilets Jaunes; et par la même occasion face au mouvement de la réforme des retraites. La situation est plus tendue à Lyon qu’à Lorient. A Nantes, les forces de l’ordre retrouvent les mauvais réflexe de 2018-2019: un manifestant à eu la main arrachée. Mais, essentiellement, le corps social a réagi avec une grande intelligence, depuis trois ans : il décentralise toujours plus la contestation. Il y avait pour ce 1er mai 300 points de rassemblement dans toute la France.

Les syndicats et l’opposition aussi déconnectés que le gouvernement ?

Ce matin 2 mai, tous les médias mainstream s’interrogent pour savoir si les syndicats vont revenir à la table de négociation. Quant à Marine Le Pen, elle se réjouit de la “fête de la nation”, qu’elle a présidée au Havre, dans la ville d’Edouard Philippe. Mais, en réalité, syndicats et partis ont-ils une meilleure appréhension de la situation que le gouvernement?

La gauche parle de nouvelle dynamique et elle espère profiter de la situation pour les prochaines élections. Mais tout se passe comme si la situation échappait aux “corps intermédiaires”, qui ne canalisent plus vraiment les Français.

La révolution silencieuse qui se met en place

Selon un sondage les deux tiers des Français soutenaient les manifestations du 1er mai. Et une proportion équivalente n’écoute plus le président de la République. Tous ces Français ne sont pas descendus dans la rue, un certain nombre par crainte de la brutalité des forces de l’ordre. Mais la société est désormais durablement dans le défi à Emmanuel Macron.

Le gouvernement pourra bien s’agiter, les syndicats, éventuellement, lui “servir la soupe”. Dans tous les cas, l’essentiel va se jouer ailleurs. Une révolution silencieuse se répand dans les casserolades, qui vont continuer. Dans l’hostilité croissante que suscite le Président, avec chaque jour qui passe. Dans l’impuissance du gouvernement face à la note dégradée de la dette française. Dans le rire communicatif qui accompagne l’immaturité de la pseudo-littérature de Bruno Le Maire et ses émois érotiques.

Comparons ce qui se passait le 1er mai 2018, un an après la première élection d’Emmanuel Macron. Ce dernier effectuait une visite en Australie et sa réputation internationale était intacte. Les cortèges du 1er mai étaient respectable mais sans union de l’intersyndicale. Les affrontements entre casseurs et forces de l’ordre existaient mais ils n’avaient pas un caractère aussi marqué qu’aujourd’hui. L’affaire Benalla n’éclaterait qu’en juillet 2018.

Aujourd’hui, on a un président devenu une risée d’une partie du monde. Des syndicats encore soudés (pour combien de temps?). Mais, surtout, un peuple las de la coercition, ressentie depuis longtemps, du pouvoir macronien. Et le sentiment que l’on a à observer le corps social français, c’est celui d’une vague qui monte et qui ne sera arrêtée par aucune digue. Cela peut durer six mois, cela peut durer deux ans. Mais le Président et son gouvernement ne pourront que repousser l’inéluctable. 

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/05/02/la-revolution-silencieuse-gouvernement-et-syndicats-ne-controlent-plus-le-corps-social/

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