Au premier tour de dimanche, Erdoğan (en ballotage) et son AKP s’en sont tirés moins mal que prévu (ou souhaité ?) par le mainstream médiatique occidental.
En dépit de problèmes monétaires structurels et d’un tremblement de terre survenu à contretemps, en dépit même d’un coup de poignard de dernière minute – qui semble lui avoir été assené par les réseaux gülenistes auxquels on attribue l’organisation du putsch avorté de 2016 – le candidat Erdoğan passe très près de la majorité absolue. « Détail » encore plus important, compte tenu de l’état de santé préoccupant d’Erdoğan lui-même : son parti, l’AKP, semble d’ores et déjà assuré de conserver le contrôle du parlement.
Ce résultat n’est, à vrai dire, surprenant que pour ceux qui n’ont pas mis les pieds en Turquie depuis une dizaine d’années (ou, s’ils l’ont fait, ne sont pas sortis des vieux quartiers touristiques d’Istanbul). Au vu du grand bond en avant modernisateur orchestré par Erdoğan, mais dont le véritable auteur est une petite bourgeoisie provinciale de l’arrière-pays anatolien accédant simultanément à l’indépendance financière et à la dignité de citoyen, la vraie surprise devrait plutôt être de constater que l’AKP reste sous la barre des 80%.
La Turquie, dans le collimateur de quelle géopolitique ?
C’est donc – comme souvent – notre surprise qu’il faut interroger, plutôt que la réalité jugée surprenante.
Un double récit simpliste – tournant le dos à l’épaisseur d’une réalité interne de la Turquie qui est mal connue en Occident – a voulu réduire l’enjeu du scrutin turc à une bataille par procuration de la guerre imaginaire que seraient censées se livrer Oceania (« l’Occident collectif ») et Eurasia (la Chine et la Russie).
Ce récit était, d’emblée, truqué : comme la Géorgie ou l’Inde, la Turquie n’a, en réalité, pas pris parti dans la guerre civile des Slaves orientaux, se contentant de refuser, commercialement, de se priver des moyens de tirer profit du suicide économique du monde blanc (notamment en appliquant les fameuses sanctions « contre la Russie »). Et tous les analystes sérieux s’accordent pour constater que, même débarrassé d’Erdoğan, l’Occident n’aurait guère pu lui en demander davantage.
Il convient donc de se demander : qui veut la peau de l’AKP ?
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