L’OTAN passe discrètement de l’Ukraine à la guerre froide contre la Chine, tandis que les États-Unis préparent une guerre froide fondée sur des sanctions et « sans précédent » contre Pékin.
Lors d’une récente interview, Nicholas Burns, l’ambassadeur américain en Chine, après avoir qualifié la Chine de « menace » , a déclaré sans ambages :« Nous sommes le leader dans cette région [indo-pacifique]. [Et nous] restons » . L’interviewer, Mike Gallagher, membre du Congrès américain, a décrit la nouvelle guerre froide américaine comme n’étant pas un match de tennis poli, mais une lutte existentielle pour la vie au XXIe siècle.
La tentative antérieure du président Xi de parvenir à une « nouvelle détente » avec les États-Unis lors du G20 de novembre à Bali (en fait une tentative d’explorer si un modus vivendi minimum avec les États-Unis était possible) est terminée.
L’hystérie autour du ballon chinois, les preuves croissantes que l’Ukraine se transforme en débâcle pour l’administration Biden dans la région de Bakhmut et les menaces grossières de « conséquences » pour la Chine dans le cas où elle soutiendrait militairement la Russie (et au moment même où Washington promettait davantage d’armes pour Taïwan), ont été trop fortes pour Pékin.
Loin de ses premiers essais de détente américaine, la Chine s’est depuis lors engagée dans la direction opposée. Elle s’est « recalibrée » .
Soudain, la Chine s’est éloignée de la détente américaine pour passer à la vitesse supérieure en direction de la Russie (et du Belarus). Pendant ce temps, l’OTAN « passe » tranquillement à autre chose que l’Ukraine, à savoir à la guerre froide contre la Chine. Et Washington prépare une guerre froide « sans précédent » contre la Chine, fondée sur des sanctions, alors que son attention passe elle aussi de la Russie à la Chine.
Qu’est-ce que cela signifie pour le Moyen-Orient ? En termes simples, les tactiques belliqueuses de la guerre froide vous attendent.
N’imaginez pas que le simple fait de rester à l’écart, et même de proposer une médiation dans le conflit ukrainien, vous mettra à l’abri de ce qui se prépare. De même, le président Modi avait pensé trianguler l’influence indienne avec le Sud global contre l’Occident d’une part, et l’axe Russie-Chine d’autre part.
Que s’est-il passé ? Eh bien, le résultat a été la « guerre » contre Modi, qui a commencé par la critique du New York Times, suivie d’un documentaire hostile de la BBC, puis du rapport Hindenburg sur le conglomérat Adani Group (dont le dirigeant se trouve être un ami et un soutien financier majeur de Modi), et enfin, au fur et à mesure que se déroule ce « fil » , de George Soros à la Conférence de Munich sur la sécurité, déclarant que les jours de Modi « étaient comptés » et que « ce n’est pas un démocrate » , et concluant par une menace implicite : « Je suis peut-être naïf, mais je m’attends à un renouveau démocratique en Inde » .
Les choses sont donc claires : il y a quelque temps, Modi semblait pencher du côté des États-Unis. Mais récemment, il s’est lié d’amitié avec Poutine (alors que l’Inde gagne beaucoup d’argent grâce aux produits pétroliers russes et que le commerce ordinaire entre les deux États explose).
Modi a donc été dûment puni par l’Occident : les réunions des ministres des finances et des ministres des affaires étrangères du G20 ont été réduites en cendres par l’Occident qui a exigé que rien ne soit autorisé tant que les communiqués finaux n’incrimineraient pas sans équivoque la Russie au sujet de l’Ukraine. La triangulation du G20 de Modi a été humiliée.
Bien entendu, les États du Golfe entretiennent eux aussi une relation particulière avec les États-Unis. Toutefois, ces derniers avertissent déjà les Européens qu’ils se préparent à demander à leurs alliés d’imposer des « sanctions sans précédent » à la Chine, au cas où celle-ci apporterait un soutien militaire à la Russie.
Cette éventualité, si elle était mise en œuvre, toucherait le point faible de l’Allemagne (dans ses relations commerciales étroites avec la Chine).
Pourtant (selon Politico), certains membres du parti social-démocrate de Scholz se sont déjà montrés ouverts à cette éventualité :
Si la Chine décide en effet d’apporter un soutien militaire direct à la guerre d’agression de la Russie qui est contraire au droit international, nous nous concerterons et déciderons des réponses nécessaires en étroite coordination avec nos alliés de l’UE et du G7… En fait, cela mettrait la Chine au même niveau que l’Iran, contre lequel l’UE a récemment imposé des sanctions, en tant que fournisseur d’armes.
Le coût pour l’Europe des sanctions à l’encontre de la Russie et de la Chine (et bientôt l’Inde ?) représenterait une perte catastrophique pour l’Europe. L’optimisme de l’Europe face à une telle perspective semble vraiment inexplicable.
Dans une interview accordée à un hebdomadaire suisse, le Premier ministre Viktor Orbán a toutefois déclaré que la principale conclusion de la guerre en Ukraine était que « l’Europe s’est retirée du débat … » :
L’Europe s’est retirée du débat… Dans les décisions adoptées à Bruxelles, je reconnais plus souvent les intérêts américains que les intérêts européens. Dans une guerre qui se déroule en Europe, ce sont les Américains qui ont le dernier mot.
Le Moyen-Orient risque d’entendre beaucoup plus parler de la Chine par ses collègues européens dans un avenir proche. Ce vendredi, Mme von der Leyen se rendra à Washington pour rencontrer Biden. Selon un communiqué de la Maison Blanche, Biden discutera avec Mme von der Leyen de « notre travail commun pour relever les défis posés par la République populaire de Chine » .
Aucune preuve de la fourniture d’armes par la Chine ? Cela comptera-t-il lorsque la guerre prendra de l’ampleur ?
Vous êtes prévenus : il ne s’agit pas d’un « ping-pong diplomatique poli » !
Alastair Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.