04 avril 2023

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Depuis samedi, aucun bien immobilier résidentiel en monopropriété, c’est-à-dire appartenant à un seul ménage- maison individuelle ou immeuble entier ne peut plus se vendre sans être assorti d’un audit énergétique. Ce nouvel outil s’ajoute au diagnostic de performance énergétique (DPE), qui définit la classe dans laquelle le bien se situe, et concerne pour l’instant les seuls logements notés F ou G, qualifiés de passoires énergétiques. Sa fonction ?

Établir des scenarii de travaux pour redresser les performances énergétiques des maisons et des immeubles détenus par un seul propriétaire et prévoir les gains attendus en termes de progression dans l’échelle du DPE.

Cette nouvelle étape dans la transition écologique de l’immobilier est évidemment présentée par les pouvoirs publics comme salutaire. Les acquéreurs de maisons individuelles, qui constituent 95% des biens visés, bénéficieront d’une information plus précise, sachant que l’essentiel de ces biens est mal classé au plan énergétique. Il faut être clair sur les conséquences indirectes de cette information : la valeur de la plupart des maisons mises sur le marché va être affectée, dans des proportions en outre considérables. Il y a deux ans, Olivier Sichel, numéro 2 de la Caisse des dépôts et consignations, directeur général de la Banque des territoires, avait reçu du gouvernement la mission de quantifier le coût de la rénovation énergétique et d’imaginer des aides efficaces. Pour les maisons individuelles, son rapport parvenait au coût moyen pour les maisons de 40.000 euros. Les spécialistes de la rénovation énergétique évoquent même une fourchette dont ce montant serait la partie basse, et allant jusqu’à 60.000 euros. La valeur de ces maisons, pour la plupart situées en zones non tendues ou moyennement tendues, en périphérie de nos villes moyennes, mais également de nos métropoles, est de l’ordre de 80.000 à 150.000 euros. Ce sont des ménages aux revenus modestes ou intermédiaires qui les ont fait construire. Ils vont devoir consentir sur le prix de vente une réfaction en toute hypothèse du montant des travaux à réaliser.

La négociation pourra-t-elle se conclure plus favorablement pour eux ? Oui, dans la mesure où ce ne sont pas des biens destinés à un usage locatif, et la probabilité est forte qu’ils soient acquis à des fins d’occupation par leurs acheteurs. Pas d’obligation de réaliser les travaux dans ce cas… Certes, mais c’est de la théorie. Quel ménage acquéreur considèrera aujourd’hui, alors que les factures énergétiques augmentent, qu’il pourra se dispenser d’effectuer les travaux préconisés ? Quel ménage pourra être sûr que sa maison ne sera pas louée un jour, par exemple en cas de mobilité professionnelle ? La vertu énergétique devient la norme et l’inverse conduit à une inévitable dévalorisation des logements, qu’on le veuille ou non. Tout au plus peut-on s’attendre à ce que sur les marchés plus demandeurs et moins offreurs les acheteurs soient en position moins favorable de négociation. Il restera que l’estimation des travaux va constituer une base de négociation… et on imagine mal un prix de mise en marché ne pas déjà tenir compte des conclusions de l’audit énergétique.

En somme, au-delà du progrès quant à la transparence, c’est toute une génération de propriétaires cédants qu’on va appauvrir. Ceux-là n’encaisseront pas une moindre plus-value, tels les copropriétaires des grandes villes ou des villes moyennes les plus attractives : ils auront acheté au prix d’efforts considérables une maison dont la valeur sera décotée de 30% ou de 40%. Personne ne dit cela dans la classe politique, ou par cécité ou par calcul : comment le reconnaître sans risquer de provoquer des troubles sociaux ? Les ménages ainsi frappés au portefeuille relèvent de la même sociologie que les gilets jaunes. C’est une cruelle évidence, cruelle et inquiétante.

Le ministre de la ville et du logement a repris naguère à son compte la qualification de "bombe sociale" pour définir la situation des ménages français quant au logement. Des personnalités politiques plus chevronnées encore, Pierre Méhaignerie ou Emmanuelle Cosse, la lui avaient soufflée. Une bombe sans détonateur n’a pas à inquiéter. Tout porte à croire qu’on vient de l’en équiper en rendant obligatoire l’audit énergétique.

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