07 avril 2023

Guerre d’Ukraine: jour 408 -Les dirigeants occidentaux entre bataille immobile et pensée figée


Nous sommes face à un paradoxe : la lenteur de la bataille devrait laisser aux dirigeants français et européens le temps de réfléchir. Pourtant, le voyage d’Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen en Chine se solde par un échec piteux du point de vue des grandioses objectifs diplomatiques affichés: il s’agissait de rien moins que d’amener Xi Jinping à aller à Canossa(1) après son voyage à Moscou. Mais pourquoi nous préoccuper de l’aveuglement volontaire ou consenti de nos dirigeants. Goûtons une conversation avec Alexandre N et un point de vue de Bhadrakumar sur l’entrée de la Finlande dans l’OTAN. 

Les frustrations des chroniqueurs de la bataille d’Ukraine – l’exemple de southfront.org

Plus les semaines passent, plus les chroniqueurs de la bataille semblent désespérer de la lenteur des opérations, leur côté presque statique.

Ainsi nos amis de southfront.org, que nous avons fréquemment cités, étaient-ils contents, le 5 avril, de pouvoir annoncer du mouvement:

La situation dans la zone de conflit en Ukraine a connu plusieurs changements significatifs au cours du 4 avril. La plupart des opérations de combat actives ont eu lieu à Bakhmut. Dans la soirée du 4 avril, les combattants du PMC Wagner avaient nettoyé l’ensemble du territoire de la zone industrielle de l’usine AZOM.

En réalité, ce qu’ils décrivent, c’est une avancée lente des Russes, qui veulent perdre le minimum de troupes face à des Ukrainiens retranchés dans les immeubles d’habitations qu’ils ont fortifiés. Et donc, ce qui est décrit, c’est une lente bataille de rues. Avec des conquêtes, site par site:

Au total, les installations industrielles suivantes de la ville sont sous le contrôle de Wagner :

  • L’usine de céramique de construction Bakhmut ;
  • Une usine de meubles ;
  • L’usine Bakhmut « Stroydetal » ;
  • ALC « SINIAT » ;
  • Mine de plâtre ALC « SINIAT » ;
  • Usine de vin de champagne d’Artyomovsk (PJSC Artweineri) ;
  • « Tsvetmet » ;
  • Magasin « STA » ;
  • Usine « Vostokmash ;
  • Usine de structures métalliques de Makiivka ;
  • Usine électrotechnique de Bakhmutsk ;
  • Usine Prommash ;
  • Atelier de presse et de meulage ;
  • Usine de construction de machines d’Artemivsk « Vistek » ;
  • Usine de boulangerie d’Artemivsk ;
  • Usine expérimentale d’ingénierie des équipements miniers et technologiques pour l’industrie du sel (dans le nord).
  • Le PMC Wagner contrôle deux gares ferroviaires – Stupki et Bakhmut-1, ainsi que le dépôt de trolleybus.

Les combattants de la CMP de Wagner contrôlent entièrement le quartier central, y compris les bâtiments administratifs, sur lesquels les drapeaux de la Russie et des CMP ont déjà été placés. En outre, les combattants se sont retranchés le long de la rue Sibirtsev et se sont approchés du stade Metallurg. Les combats se poursuivent dans la rue Zelenaya, dans la rue Boris Gorbatov et près de l’école numéro 11. Au sud, les combats avancent également en direction du stade Avangard.

Les formations armées ukrainiennes occupent actuellement la partie ouest de la ville. Les principales lignes et positions défensives sont situées dans les zones résidentielles. Selon les experts militaires, si le rythme de progression se maintient dans un avenir proche, l’Armée ukrainienne sera repoussée derrière la ligne de chemin de fer.

A côté de la bataille d’Artiomovsk, il y a la bataille de Donetsk :

Les forces armées russes et ukrainiennes sont également engagées dans des combats acharnés près de Donetsk. Selon des rapports émanant des deux parties, les forces russes tentent des opérations offensives près d’Avdeevka. Les forces armées ukrainiennes occupent des lignes défensives et ne permettent pas aux soldats russes d’obtenir des succès en travaillant sur les positions avec de l’artillerie. Les combats se poursuivent près de Marinka, Severnoye et Pervomayskoye. Cependant, aucun des deux camps n’avance.

Il n’y a pas non plus de changement dans la direction de Zaporizhzhya. Des duels d’artillerie ont lieu entre les deux camps. Les parties sont engagées dans une reconnaissance mutuelle de la bataille. Par ailleurs, un dépôt de munitions a explosé à Orekhovo.

Les militaires russes ont identifié et frappé des installations ennemies dans les environs de Kherson et de Berislav. L’armée ukrainienne a frappé plusieurs localités sur la rive gauche du Dniepr : des bâtiments résidentiels à Novaya Kakhovka, Sofiyivka et Hornostayivka ont été endommagés.

Les forces russes ont frappé des installations de l’armée ukrainienne dans l’ouest d’Odessa. L’unité militaire 2138 a vraisemblablement été touchée et un important incendie s’est déclaré sur le site d’arrivée.

En réalité, comme l’explique Alexandre N, dans un entretien que nous retranscrivons un peu plus loin, les forces russes visaient sans doute à Odessa un entrepôt de drones.

Comme la bataille semble se dérouler au ralenti, southfront.org alimente, depuis plusieurs semaines, le discours sur la future offensive ukrainienne:

En fait, les actions de l’armée ukrainienne ressemblent maintenant à des tentatives pour cacher la direction réelle de la contre-attaque. À tout le moins, le scénario d’intensification de la défense de Bakhmut dissimule les véritables intentions de Kiev.

Il existe déjà des preuves du rassemblement d’importants groupes de troupes dans la direction de Zaporizhzhya. En particulier, on estime que 20.000 soldats ont déjà été concentrés dans le district d’Orekhovo. Cependant, les objectifs de la contre-attaque ne sont pas encore clairs. L’objectif principal de l’armée ukrainienne reste peut-être le pont de Crimée. Cependant, l’accès à ce pont peut se faire à la fois par les fortifications de Melitopol et de Berdyansk, et par le territoire de la RPD dans la direction d’Ugledar, où le groupement local est techniquement, physiquement et moralement épuisé après l’échec de l’offensive. 

Les tribulations d’un Macron en Chine

Est-il besoin d’ajouter un commentaire à ces deux photos? Emmanuel Macron était parti – accompagné d’Ursula von der Leyen – pour amener Xi Jinping à Canossa(1) après son voyage de Moscou ! Voilà le résultat protocolaire : 


Les communicants du Président français s’en sortent en invoquant la disposition chinoise à agir de concert avec la France pour la paix en Ukraine. En réalité, le président français s’est piégé lui-même: s’il applique à l’OTAN et à l’Ukraine les critères établis par la Chine pour un plan de paix, il sera rapidement en porte-à-faux vis-à-vis de ses alliés:

« Le président chinois Xi Jinping a déclaré jeudi à Beijing que la Chine était prête à lancer un appel conjoint avec la France pour un règlement politique de la crise ukrainienne.

M. Xi a déclaré à la presse, à l’issue de ses entretiens avec le président français Emmanuel Macron, que la Chine s’engageait à faciliter les pourparlers de paix et le règlement politique de la crise ukrainienne, et qu’elle était prête à lancer un appel conjoint avec la France à la communauté internationale :

Rester rationnelle, faire preuve de retenue et éviter de prendre des mesures susceptibles d’aggraver la crise, voire de la rendre incontrôlable ;

Respecter strictement le droit international humanitaire, éviter d’attaquer les civils ou les installations civiles, et protéger les femmes, les enfants et les autres victimes du conflit ;

Honorer sincèrement l’engagement solennel de ne pas utiliser d’armes nucléaires et de ne pas mener de guerres nucléaires, s’opposer à l’utilisation d’armes biologiques en toutes circonstances et s’opposer aux attaques armées contre des centrales nucléaires ou d’autres installations nucléaires civiles ;

Reprendre les pourparlers de paix dès que possible, respecter les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies, tenir compte des préoccupations légitimes de toutes les parties en matière de sécurité, rechercher un règlement politique et favoriser une architecture de sécurité européenne équilibrée, efficace et durable ;

Aborder conjointement les retombées de la crise ukrainienne dans les domaines de l’alimentation, de l’énergie, de la finance, des transports et autres, et réduire l’impact négatif de la crise ukrainienne sur le monde, en particulier sur les pays en développement.«

La Russie fait du temps un allié – conversation avec Alexandre N

J’ai échangé sur la bataille d’Ukraine avec Alexandre N, que les lecteurs du Courrier des Stratèges commencent à bien connaître.

Q. Comment voyez-vous évoluer la guerre?


R. Bakhmout c’est fini.. Discrètement a été donné l’ordre de décrocher. C’est bien entendu une défaite majeure pour le régime de Zelensky.. Mais pour faire diversion dans les médias a été organisé l’attentat contre le bloger russe Vladen Tatarsky dans un café de Saint Pétersbourg. Impuissants, les Ukrainiens font dans le terrorisme. Mais vous avez remarqué que l’essentiel se passe ailleurs : un agent de la CIA sous couverture de journaliste, Evan Gerskovitch, s’est fait harponner par les services russes. Une excellent prise si on en croit le fait que Blinken lui-même a appelé Lavrov pour tenter de négocier la libération du « journaliste de Wall Street Journal ». Comme d’habitude, tout est dans ce que l’on ne dit pas : pourquoi Blinken intervient ou comment un simple journaliste américain peut aller si loin dans le dispositif russe ? je pense que vous commencez à avoir les réflexes pour décrypter la guerre.

Pouvons-nous revenir sur l’affaire du QG OTANo-ukrainien détruit par un ou plusieurs missiles hypersoniques?

C’est un événement de grande importance. On commence ici et là par admettre que c’est bien un état-major avec des officiers de l’OTAN qui a été pulvérisé par les Kinjal. Il comportait quelques 300 personnes, et c’est presque l’équivalent de l’état-major des armée, ce qui donne une idée. Impossible alors de le reconstituer, même en plusieurs mois, car ce n’est pas une simple affaire de nombre mais bien de compétences combinées. Attaquer à la tête, là est la vraie guerre.

Frapper à la tête, c’est la base de la stratégie, non?


Quand j’ai commencé ma carrière militaire, face aux « Rouges », nous étions sur cette ligne là : ne pas casser le char juste devant nous mais trouver le chef pour le pulvériser. Il faut une heure pour remplacer un char et 3.000 obus pour le détruire statistiquement, un jour pour remplacer ses camions de ravitaillement détruits avec seulement 300 obus, mais plus long à détecter, et seulement 30 coups pour détruire le chef, plus difficile à détecter mais qu’il faut 20 ans pour le remplacer. Voilà le rapport qualité/prix tactique ramené au combat élémentaire. Détection = renseignement : vous avez là la recette des combats en Ukraine que les Américains appelle ISR (intel, surveillance, reconnaissance ). La réalité est que, depuis les débuts de cette guerre, malgré le soutien américain, les Russes surclassent leurs adversaires dans ce domaine. L’artillerie, et donc les feux dans la profondeurs y compris aériens, a vocation première de réduire sur les arrières les capacités adverses qui parviennent au contact, d’où l’ISR.

En fait, si je vous suis, les Russes gagnent la bataille mais les commentateurs occidentaux ne le voient pas car ils ne comprennent plus la stratégie.

Pourquoi les Russes entreprendraient-ils une offensive de grande envergure? L’arme hypersonique leur donne une supériorité stratégique absolue….

…On dit beaucoup de bêtises sur la montée aux extrêmes, jusqu’à la guerre nucléaire.…


Oui, il faudra que revenions sur ce sujet. Contentons-nous de constater aujourd’hui que les Américains sont largués dans la course à l’arme hypersonique : le Pentagone vient d’arrêter le programme dans le domaine avec Lockheed Martin. Les Russes ont introduit, à l’autre extrême du spectre, une utilisation révolutionnaire des drones. Et ils ont une totale supériorité en munitions et dans les batailles d’artillerie. Je pense donc que les Russes n’ont nullement l’intention de bouger mais de détruire toutes les concentrations qu’ils trouvent, surtout logistiques. D’où leur dernière frappe à Odessa sur une usine de drones apparemment.

Les Russes font traditionnellement du temps un allié. les Américains semblent le considérer comme un ennemi…

Si on élève le point de vue, en effet, manifestement les élections américaines ne feront pas bon ménage avec la guerre en Ukraine, surtout si on veut emprisonner Trump. La question devient donc : que peuvent faire les Américains entre maintenant et le mois de juillet pour l’éviter ? Et là j’ai un doute sur leur capacité, désormais, à donner à l’Ukraine les moyens d’inverser la situation sur le champ de bataille. 

Les Américains commencent à laisser courir les chiffres des pertes russes et ukrainiennes

Le New York Times est choqué! Il y a apparemment des fuites du côté du Pentagone. On voit circuler sur twitter ou sur Telegram des informations sur la fameuse et très annoncée offensive ukrainienne de printemps.

En réalité, si vous cliquez sur le lien de l’article vous n’apprendrez rien. Mais il y a un passage cocasse: « Par exemple, l’une des planches du document qui a fuité parle de 16.000 à 17.500 soldats russes tués tandis que l’Ukraine a 71.500 morts. Le Pentagone et d’autres analystes ont estimé que la Russie avait subi des pertes beaucoup plus importantes, avec près de 200.000 tués et blessés, tandis que l’Ukraine avait plus de 100.000 blessés et tués« .

On apprend donc deux choses: premièrement, les Américains sont en train de lâcher des chiffres plus proches de la réalité, parce qu’ils ne croient plus à la victoire de l’Ukraine. Plus pentagoniste que le Pentagone, le New York Times – « journal de référence » ajoutz-vous aussitôt avec un peu d’émotion dans la voix – maintient les vieux chiffres à côté des nouveaux. Il faudra leur faire un cours d’histoire de l’URSS: la Pravda était beaucoup plus rapide pour adopter la nouvelle ligne du Parti.

M.K. Bhadrakumar commente l’entrée de la Finlande dans l’OTAN 



Le drapeau national de la Finlande a été hissé pour la première fois au siège de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à Bruxelles mardi, à l’occasion du 74e anniversaire de l’alliance occidentale. Pour la Finlande, cela signifie un abandon historique de sa politique de neutralité.

Personne ne peut dire, même de manière propagandiste, que la Finlande est confrontée à une menace de sécurité de la part de la Russie. Il s’agit d’un acte de malignité sans motif à l’égard de la Russie de la part de l’OTAN, qui, bien entendu, porte invariablement l’imprimatur des États-Unis, tout en étant présenté au public mondial comme un choix souverain de la Finlande dans le contexte de l’intervention de la Russie en Ukraine.

Au fond, cela ne peut être considéré que comme une nouvelle manœuvre des États-Unis, après le sabotage des gazoducs Nord Stream en septembre dernier, dans l’intention délibérée de compliquer les relations de la Russie avec l’Europe et de les rendre inextricables dans un avenir prévisible.

D’un autre côté, il suffit de dire que cela rendra le paysage sécuritaire de l’Europe encore plus précaire et la rendra encore plus dépendante des États-Unis en tant que fournisseur de sécurité. On s’attend généralement à ce que l’adhésion de la Suède à l’OTAN suive, peut-être à temps pour le sommet de l’alliance qui se tiendra à Vilnius en juillet.

En effet, les États-Unis ont fait en sorte que la question centrale à l’origine de l’impasse entre la Russie et l’Occident – à savoir l’expansion de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie – soit un fait accompli, quel que soit l’échec de la guerre par procuration qu’ils mènent en Ukraine contre la Russie.

Réagissant à cette évolution, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a averti mardi que l’adhésion de la Finlande à l’OTAN obligerait la Russie à « prendre des contre-mesures pour assurer sa propre sécurité tactique et stratégique », car l’alignement militaire d’Helsinki constitue une « escalade de la situation » et un « empiètement sur la sécurité de la Russie ».

Le 4 avril, le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que Moscou « sera contraint de prendre des mesures de rétorsion de nature militaro-technique et autre afin de mettre un terme aux menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale ».

L’adhésion de la Finlande à l’OTAN étendrait la ligne de front de l’OTAN avec la Russie de 1.300 kilomètres (longueur de la frontière que la Finlande partage avec la Russie), ce qui accentuerait la pression sur les régions du nord-ouest de la Russie. Ne soyez pas surpris si les missiles de l’OTAN sont déployés en Finlande à un moment donné, ne laissant à la Russie d’autre choix que de déployer ses armes nucléaires à proximité de la région baltique et de la Scandinavie.

En d’autres termes, la confrontation militaire entre l’OTAN et la Russie devrait encore se détériorer et la possibilité d’un conflit nucléaire est en train de s’accroître. Il est difficile d’imaginer que la Russie ne parvienne pas à préserver sa capacité de seconde frappe à tout prix ou à empêcher les États-Unis d’acquérir une supériorité nucléaire, et qu’elle maintienne l’équilibre stratégique mondial.

L’accent sera mis sur l’amélioration des capacités nucléaires défensives plutôt que sur les forces conventionnelles, ce qui obligera la Russie à démontrer sa puissance nucléaire. La Russie a déjà renforcé sa dissuasion en déployant des armes nucléaires tactiques au Belarus, en réponse à la décision irresponsable du Royaume-Uni de fournir des munitions à l’uranium appauvri à l’Ukraine. Il est pratiquement certain que la Russie doublera également la mise dans le conflit ukrainien.

Entre-temps, les États-Unis ont depuis longtemps déployé des armes nucléaires tactiques dans des pays européens, notamment en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie, ce qui signifie que les États-Unis ont depuis longtemps déployé leurs armes nucléaires tactiques aux portes de la Russie, ce qui constitue une menace importante pour la sécurité nationale de la Russie. Le déploiement de la Russie au Belarus vise à dissuader les provocations potentielles des États-Unis, en anticipant ce qui est sur le point de se produire.

La situation géographique du Belarus est telle que si des armes nucléaires tactiques russes y sont déployées, cela aura un effet dissuasif stratégique considérable sur plusieurs pays de l’OTAN tels que la Pologne, l’Allemagne, les États baltes et même les pays nordiques. Un cercle vicieux est en train de se mettre en place, entraînant une escalade de la course aux armements nucléaires et, en fin de compte, une situation apocalyptique que personne ne souhaite voir se produire.

Le tableau d’ensemble est le suivant : sachant parfaitement que la situation pourrait devenir extrêmement dangereuse, les États-Unis exercent néanmoins sans relâche une pression sur la Russie dans le but de perpétuer leur système hégémonique. La stratégie de Ronald Reagan, qui consistait à utiliser des moyens de pression extrêmes pour affaiblir l’ex-Union soviétique et finalement l’entraîner dans sa chute, est une fois de plus à l’œuvre.

Dans l’immédiat, tout cela aurait des conséquences négatives sur le conflit en Ukraine. Il est évident que Washington ne cherche plus la paix en Ukraine. Dans le calcul stratégique de l’administration Biden, si la Russie gagne en Ukraine, cela signifie que l’OTAN perd, ce qui nuirait définitivement au leadership transatlantique et à l’hégémonie mondiale des États-Unis – ce qui est tout simplement impensable pour l’establishment de Washington.

Il ne fait aucun doute que la démarche des États-Unis et de l’OTAN visant à persuader la Finlande (et la Suède) de devenir membres de l’OTAN a également une dimension géoéconomique. Le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, a récemment déclaré que « si la Finlande et la Suède rejoignent l’Alliance, l’OTAN aura davantage de possibilités de contrôler la situation dans le Grand Nord ». Il a expliqué que « ces deux pays disposent de forces armées modernes capables d’opérer avec précision dans les conditions difficiles du Grand Nord ».

Les États-Unis espèrent que l' »expertise » que la Suède et la Finlande peuvent apporter à l’alliance pour opérer dans les conditions arctiques et subarctiques est inestimable et pourrait changer la donne dans le cadre d’une lutte acharnée pour le contrôle des vastes ressources minérales qui se trouvent dans le Grand Nord, où la Russie a jusqu’à présent pris une longueur d’avance.

Alors que la glace polaire fond à une vitesse sans précédent dans l’Arctique, les plus grands acteurs mondiaux considèrent la région comme un nouveau « no man’s land » à saisir. Certains rapports récents ont fait état d’un projet d’intégration des forces aériennes de quatre pays nordiques – le Danemark, la Norvège, la Finlande et la Suède – entrepris avec une orientation anti-russe non dissimulée

Sur le plan militaire, la Russie est contrainte de supporter le lourd fardeau financier d’une évaluation à 360 degrés de son programme de sécurité nationale. La Russie ne dispose d’aucun système d’alliance pour compléter ses ressources militaires. Dans une annonce importante faite en février, le Kremlin a supprimé de sa politique arctique toute mention du Conseil de l’Arctique, soulignant la nécessité de donner la priorité aux intérêts russes dans l’Arctique et de s’efforcer d’obtenir une plus grande autonomie pour ses projets industriels dans l’Arctique.

La politique arctique révisée appelle au « développement des relations avec les États étrangers sur une base bilatérale, en tenant compte des intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans l’Arctique ». Cette décision intervient quelques jours après qu’un fonctionnaire du département d’État américain a déclaré que la coopération avec la Russie dans l’Arctique était désormais virtuellement impossible« .

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/04/07/guerre-dukraine-jour-408-les-dirigeants-occidentaux-entre-bataille-immobile-et-pensee-figee/


1 - En référence à la pénitence d'Henri IV, l'expression « aller à Canossa » désigne le fait de céder complètement devant quelqu'un, d'aller s'humilier devant son ennemi. Utilisée pour la première fois par Anastasius Grün, un des meneurs du mouvement libéral autrichien, l'expression a notamment été employée par Bismarck dans le cadre du Kulturkampf allemand où, après l'introduction du Kanzelparagraph et la loi anti-jésuite, le pape Pie IX eut refusé d'accréditer le cardinal Gustave-Adolphe de Hohenlohe-Schillingsfürst en tant qu'ambassadeur auprès du Saint-Siège. Le chancelier du Reich, en proclamant le 14 mai 1872 devant le Reichstag : « nous n'irons pas à Canossa ! » a immortalisé le dicton.

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