Ensemble pour un nouveau monde

Anesthésiste réanimateur suspendu, le Dr Louis Fouché s’est fait connaître pendant la crise du covid pour avoir été à l’initiative de plusieurs structures de résistance comme Covisoin qui a pris en charge les malades, le Conseil Scientifique Indépendant qui diffuse encore régulièrement une information loyale sur le Covid, les vaccins et les traitements ou Réinfo-covid.

Il vient de sortir un livre Agonie et Renaissance du système de santé aux éditions Exuvie. Il s’en explique.

Dans votre livre, vous faites le constat d’une corruption endémique qui gangrène toutes nos institutions. Pouvez-vous m’en dire plus?

Dans la plupart des pays occidentaux, les gouvernements sont entièrement privatisés au profit de quelques multi-nationales. Les structures étatiques ne sont plus en charge de faire aboutir le bien commun. Elles cherchent juste à majorer les profits d’entreprises privées qui sont les multinationales du médicament, de la data, etc.

Le gouvernement réel qui est celui de ceux qui se réunissent à Davos et dans les autres grandes conventions industrielles. Ils décident à la fois de la propagande à mettre en place et de toute l’administration opérationnelle à dérouler par les institutions publiques.

Vous pensez que cette dérive de l’état vers les multinationales est propre aux pays occidentaux ?

Il me semble que la Chine et surtout la Russie sont des empires où la corruption est bien sûr présente, mais où existe encore une courroie de transmission de la volonté populaire vers les élites qui travaillent à la pérennité de l’état. Ce qui se joue aujourd’hui autour de l’Ukraine et de Taiwan est une guerre entre les différentes conceptions de l’empire. La Russie a gardé une conception impériale de cette notion d’état. Elle se préoccupe du bien commun et des valeurs traditionnelles qui s’organisent autour de la famille comme l’a montré le discours sur l’Union de Poutine. En face, la société occidentale est un empire commercial géré par des marchands qui ne sont pas des états juxtaposés, mais un guichet unique asservi à la puissance des multinationales. L’ensemble de ce qui est décidé, dans tous les domaines, ne tient compte que de l’optimisation économique proposée par les oligarques. Beaucoup de personnes aimeraient revenir à l’état en diminuant la corruption, en donnant plus de pouvoir au peuple. Je pense que, malheureusement, ce n’est pas possible. Nous sommes dans une oligarchie ploutocratique qui détient l’argent et qui se fiche éperdument de ce que désirent les citoyens qui ne sont plus que des esclaves, comme dans la cité grecque. Les vrais citoyens sont à Davos. Ils ont dans entre les mains les appareils judiciaire et exécutif conformes à leur dessin.

Les parlementaires leur sont asservis ?

La représentation nationale n’est plus composée que de pantins qui ne s’opposent plus à rien et laissent passer toutes les lois décidées par l’exécutif. Les députés qui ont la majorité pourraient approuver une motion de censure ou décider de la destitution du président, mais ils ne le font pas.

Ce qui se passe évoque vraiment l’Apocalypse de Jean, à savoir l’effondrement de Babylone sous le règne des marchands. Tous les historiens qui ont travaillé sur la macro-histoire nous disent qu’une civilisation est un organisme vivant, qui naît qui grandit, qui mature, connaît une phase de stabilité puis s’effondre. Il existe également des moments de transition toujours chaotiques. Ce sont toujours des moments d’extrême violence. Et cette violence apparaît d’autant plus importante qu’il existe des inégalités sociales et économiques importantes. Or, actuellement 1000 personnes possèdent 85 % des ressources.  C’est ahurissant. Nous sommes dans une phase d’effondrement de civilisation accéléré dont la phase transitionnelle sera très douloureuse. Les changements géostratégiques des puissances impériales influeront sur nos modes de vie de manière extrêmement profonde. Notre société de marchands est basée sur une extraction maximale permanente des ressources, sur une dynamique de destruction par les fondements même du capitalisme néolibéral. Les structures multinationales sont des structures perverses et paranoïaques dirigées par des fous dont on devrait se prémunir, mais qui ont le pouvoir. Alors, comment faire pour  s’en protéger puisqu’en investissant dans l’état, vous renforcez la puissance des oligarques et que les petites entreprises sont vouées à être absorbées par les multinationales ?

Que proposez-vous ?

Aujourd’hui, la résistance existe surtout au travers des réseaux internet qui disparaitraient en cas de vraie décroissance. L’essentiel des contre-pouvoirs  se fait notamment grâce aux logiciels libres comme Linux qui sont des exemples d’auto-organisation de groupes contre le pouvoir impérial, indépendants de la privatisation. Ce ne sont ni l’état ni le privé, mais une organisation qui a ses propres règles économiques que l’on appelle les communs et que je crois capables de régénérer une démocratie. Avec Covisoin, nous avons réussi à aider les gens à traverser la crise du covid sans chercher à lutter contre l’état, ni à mettre en place une contre-propagande. Nous nous sommes réunis avec des citoyens, des chercheurs, des médecins, des soignants de toutes spécialités pour mettre en place un réseau de soin qui a soigné les malades.  C’est un premier exemple de commun. Nous les résistants sommes en plein dans le coeur du monstre. Nous utilisons internet et les médicaments parce que nous avons su nous servir des failles, des brèches ouvertes par l’effondrement en cours. C’est pourquoi nous avons pu soigner pendant la crise, au moment où les chercheurs et les médecins étaient censurés, les contestataires blacklistés. Tout est possible à condition d’agir avec prudence pour détecter ce qu’il est possible de faire et comment.

Pouvez-vous m’en dire plus ?

Pour moi, tirer le fil de système de santé, c’est tirer le fil de toutes nos institutions. Il y a depuis des années un désinvestissement de tous les laboratoires de recherche fondamentale. La science basée sur le doute a été travestie. Alors qu’elle consiste d’abord à affiner son regard sur le réel, on nous impose le dogme. Dans la vie normale, le médecin va d’abord voir les malades. En fonction de ce qu’il observe, il revoit sa façon d’appréhender la maladie et affine son traitement . Aujourd’hui, on fait l’inverse et on projette sur le monde des théories et des dogmes.  C’est devenu évident avec le covid qui n’avait rien d’une pandémie comme on a essayé de nous le faire croire. Personne ne s’écroulait mort, dans la rue, il n’y a pas eu d’hécatombe. En revanche, les protocoles thérapeutiques rendaient les gens malades, voire même les tuaient. C’est ce qui s’est passé avec l’interdiction de prescrire les traitements précoces, avec les anciens auxquels on a administré du rivotril, mais aussi avec des médicaments dangereux comme le remdesivir ou les anti-corps monoclaux. La dérive a touché également la réanimation. On nous a demandé d’intuber précocement en nous fournissant des tutos. Mais l’intubation aggravait la maladie et tuait les malades. Il fallait au contraire leur laisser de l’oxygène à haut débit et ne surtout pas les intuber. Nous sommes vraiment dans la société du mensonge et de la chimère. Mais un certain nombre d’entre eux ont su déjouer les pièges mis en place par les institutions.

Qu’en est-il exactement des structures de santé ?

La santé et la fabrique du savoir médical sont devenues depuis plusieurs années les chasses gardées d’industries à haut rendement financier qui achètent les pouvoirs publics, les médias et les soignants pour optimiser leurs business model, au mépris de la Santé. Le soin a été progressivement envahi par une corruption systémique majeure, gangrénée par des considérations d’optimisation des profits, des gains, des process et des algorithmes de fonctionnement administratif et managériaux, sans plus aucun rapport avec la santé. J’ai rencontré des préoccupations éthiques au quotidien dans ma vie hospitalière liées aux tensions entre les enjeux financiers et organisationnels d’un côté et le soin de l’autre, jusqu’à en arriver parfois à des non sens dans le soin quotidien en réanimation.  Je me suis retrouvé avec d’énormes doutes entre ce qu’il était possible de faire techniquement, et ce qu’il était souhaitable de faire humainement. Réanimer des gens de façon très agressive est techniquement possible, mais peut humainement aboutir à de l’obstination déraisonnable. Et alors, la souffrance des patients, de leurs familles, des équipes de soin peut devenir immense. Cela soulève de très nombreuses questions éthiques. Questions qui m’ont conduit à faire un 3eme cycle d’études universitaires sur l’éthique et l’anthropologie afin de réfléchir sur le système de santé dans son ensemble. 

Qu’est-ce qui vous permet de rester optimiste ?

Je suis optimiste parce qu’au pire on meurt et que c’est notre fin à tous. En tant que réanimateur, j’ai souvent été confronté à la mort. J’ai espoir que pour tous ceux qui ont une spiritualité, la mort ne soit pas vraiment le problème même s’ils ont peur de souffrir. Je crois à cette idée métahistorique que les personnes qui régénèrent les civilisations ont un questionnement spirituel très fort. L’empire romain a été régénéré par des communautés monastiques catholiques qui ont accepté d’aller vers une certaine sobriété. Il me semble qu’une grande partie des résistants avaient une colonne vertébrale spirituelle et morale, peu importe qu’elle soit chrétienne, musulmane, juive ou laïque. Pour moi, il y a forcément un point de réconciliation entre des différences dogmatiques que nous devons réussir à trouver. Au cours de la résistance, dans les assemblées de Réinfo-covid, j’ai vu  un communiste convaincu depuis l’enfance, leader syndicaliste discuter sereinement avec un prêtre. Pour moi, la question spirituelle est centrale, même s’il est délicat d’en parler puisqu’elle renvoie à la religion devenue outil de pouvoir et d’asservissement. Mais la spiritualité n’est pas la religion. Je vois même émerger dans notre une éco-spiritualité laïque qui se préoccupe de la maison commune et du vivant. Les gens réalisent que la science qu’on leur a vendue pendant le covid est une imposture de même que l’écologie que veulent nous imposer les verts. Il y a un côté suicidaire dans l’acceptation des contraintes que Davos cherche à mettre en place. Ceux qui se réveillent sont ceux qui veulent survivre et ils sont de plus en plus nombreux.

Concrètement, que peut-on faire ?

Déjà, s’assoir, contempler le désastre et réaliser que vous ne pouvez pas survivre seul.

Certains ont essayé de faire l’école à la maison. D’autres ont trouvé les médicaments pour se soigner. Dans tous les cas, ils ont su se réapproprier la maison commune. Les parents qui se sont regroupés ont réussi à établir un rapport de force pour faire valider l’instruction en famille, en se réunissant à cinquante lors des différentes inspections (rectorat, aide sociale à l’enfance, etc.) Si vous êtes soutenus, que vous êtes une communauté, avec des valeurs communes et que vous vous entraidez, vous êtes capable de tenir face au monstre. Lorsque j’ai été convoqué à la direction de l’APHM qui voulait me faire taire et sans doute me virer, des soutiens que je n’avais pas sollicités et qui agissaient sans m’avoir contacté, ont envoyé des milliers de mails pour dire de façon très courtoise qu’ils tenaient à ce que je garde ma liberté d’expression, car je délivrais une information loyale. Ils ont ainsi bloqué la messagerie de la direction. Quand je suis arrivé à la convocation, à ma grande surprise, plus d’une centaine de personnes m’attendaient dont France 3 et des gardiens. Tout cela s’est passé grâce à la clameur du village et la direction qui ne s’attendait pas à ce revers, ne m’a pas sanctionné.

Donc pour vous, se regrouper est essentiel et il faut commencer par-là ?

Oui, il faut recréer des communs, une sorte de moyen terme entre l’état et le privé. Ils sont formés de petits groupes humains qui se dotent eux-mêmes de leurs propres règles pour administrer leurs ressources en commun. Pour résister, il faut d’abord créer des communautés de personnes qui vont se soutenir. Le jour où allez voir le maire pour ouvrir une école ou racheter un hôpital et que 5000 personnes vous soutiennent, vous pouvez mettre sur la table un financement de 150000 euros. C’est ce qui est en train de se passer avec le crowfunding et les communautés de followers. Il faut y travailler. Les grandes entreprises l’ont compris puisque le premier poste de recrutement est celui des gestionnaires de communautés. La résistance doit elle aussi se préoccuper d’abord de sa communauté et lui donner voix au chapitre en essayant de cerner ses besoins.  Fort heureusement,  je constate déjà un foisonnement d’initiatives autour des « communs ». Ces mêmes communautés sont capables de mettre en place des boycotts, la voie non violente qui montre ce qu’on n’accepte pas ni vis à vis des institutions ni des entreprises privées. C’est ainsi que la communauté des médecins et les représentants de Voiron près de Grenoble se sont émus du fait de la mise en place du pass sanitaire. Ils ont averti la direction de l’hôpital qu’ils ne le demanderaient pas et tout le monde a été soigné parce qu’ils ont su créer un rapport de force. Pour prendre un autre exemple de communs en matière de santé, je suis persuadé que le numérique peut être utile, à condition d’en redevenir le maître. Si vous êtes dans un réseau Whatsapp d’hypertendus géré par Pfizer, vous serez le jouet de Pfizer pour la prescription de médicaments, la recherche, etc.. Par contre, si vous avez créé vous-mêmes ce réseau de soins dans votre ville, pour faire se rencontrer des hypertendus entre eux, mais aussi avec des soignants, c’est un cercle très vertueux et très bénéfique à mettre en place, et vers lequel nous devons aller.

Que faut-il mettre en place en matière de santé ?

Il faut mettre en place des communs désirables. Nous avons créé le conseil scientifique indépendant, un commun qui donne envie, avec des chercheurs, des universitaires des médecins.  Nous avons fait et faisons encore de l’éducation populaire en santé. Avec Notre Santé, nous essayons d’aider les soignants suspendus à se regrouper et à résoudre les questions économiques afin d’ouvrir des centres de santé intégrative. A savoir mettre autour d’un patient plusieurs soignants complémentaires : un généraliste, un homéopathe,un chirurgien, un kiné, un ostéo. Les médecines alternatives sont d’autant plus intéressantes qu’elles agissent en synergie avec la médecine allopathique. Chaque patient est unique et il a besoin d’une réponse unique obtenue par la concertation des spécialités complémentaires. Nous y travaillions déjà avant le covid qui devait arrêter le projet, mais l’a accéléré et nous sommes prêts. Sur toute la France, c’est une pépinière de start-up qui est en train de fleurir en intégrant  d’emblée l’idée de la communauté. Elles ont bien sûr besoin de followers et de financement, à puiser dans le surplus du capitalisme néo-libéral, à savoir notre épargne. Nous pouvons la laisser fondre dans le circuit bancaire ou l’injecter dans des projets communs après avoir défini les règles. Un regroupement de soignants peut racheter un hôpital à condition de se donner les bonnes règles et rester prudents via à vis des institutions, du pouvoir et de sa brutalité.

N’est-ce pas une vision très utopique ?

Je ne le pense pas. Les films que nous avons faits sont des communs, financés par crowfunding. Nous avons mis un pied dans l’institution, obtenu une licence CMP et la diffusion se fait à la demande de nos followers qui garantissent une présence et des débats dans les salles. À l’heure actuelle, nombreux groupes de collectifs sont déjà formés qui ont permis à des gens de refaire société et de nouer de nouvelles amitiés et de sentir mieux compris qu’avec leur famille.

Mais en matière de santé ?

Les citoyens en ont déjà pris le chemin du changement de cap indispensable. Ils se sont formés à la phyto, l’aroma et autres médecines alternatives. Petit à petit, les institutions elles-mêmes sont en train de changer. C’est ainsi que dans le centre du traitement du cancer dans lequel j’ai travaillé,  on « pré-habilite » les patients avant l’intervention chirurgicale. Ils peuvent échanger avec des personnes ayant déjà subi une chirurgie similaire et visiter le bloc opératoire. S’ils sont insuffisants cardiaques, la préhabilitation passe par la prise en charge par un cardiologue, un coach sportif et un kiné respiratoire pour essayer de regagner de la fonction respiratoire avant d’aller au bloc. Les patients dénutris sont suivis par un nutritionniste qui va compenser leurs carences par immuno-nutrition avant l’intervention afin qu’ils soient le mieux armés possible. Beaucoup de recherches sont en cours sur ces sujets. Les chirurgiens cherchent à diminuer l’impact de l’intervention en utilisant des techniques de chirurgie mini-invasive. De même en anesthésie, on donne la bonne dose au bon moment, on expérimente des anesthésies sans morphiniques, avec une anesthésie loco-régionale et de l’hypnose conversationnelle. En post opératoire, il faut multiplier les structures de réhabilitation, des réseaux de soins en hôpital de ville pluridisciplinaires où interviennent des kinés, des psychologues, des nutritionnistes. On est en train de bâtir, y compris dans l’hôpital, cette santé intégrative, cette santé de demain, loin du protocole fait par intelligence artificielle, toujours le même, pour tous les patients. Ce sera quelque chose de profondément humain, d’artisanal, et de différent pour chacun, et qui concernera tous les malades, quelle que soit leur pathologie et leurs antécédents. C’est à quoi nous travaillons avec Notre Santé.

Quels conseils donnerez-vous à ceux qui veulent construire un autre nouveau monde ?

Chacun doit essayer de changer son regard pour se consacrer à ce qui pourrait être utile à notre société plutôt que de trembler seul devant son écran, à un niveau personnel c’est rassurant et très équilibrant.

Je ne donnerais pas ma place même sans salaire pour retrouver celle que j’avais avant à l’hôpital.

Aujourd’hui, je vis beaucoup plus joyeusement et intensément de la rencontre, de la créativité

Pour moi, le bon moteur c’est la joie. Si votre joie comme celle de mon avocat c’est de faire un procès, allez-y. Revenir à l’idée du jeu rend les choses beaucoup plus légères et plus créatives. On retrouve la créativité enfantine qui nous permet de trouver des solutions là où on se pensait dans une impasse.

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