Un lecteur assidu de mes papiers sur l’institut des libertés a dû remarquer depuis longtemps que j’avais tendance à utiliser souvent les mêmes blagues, ce qui est normal puisque je vais avoir quatre-vingt ans et qu’à cet âge il est difficile de se renouveler.Qu’il me pardonne de revenir une fois de plus à l’image de la pêche à la dynamite.
Quand une banque centrale se met à monter les taux directeurs brutalement, pour les marchés financiers c’est équivalent à des sauvages qui balanceraient des bâtons de dynamite dans la mer. D’abord remontent les saumons et les morues, puis les phoques et les dauphins, suivis des cachalots et des requins et enfin arrivent les baleines. Et quand les baleines arrivent, d’habitude, la banque centrale prend peur et se met à baisser les taux agressivement, ce qui permet de redevenir positif sur les marchés puisqu’à nouveau, il y a plus d’argent que d’idiots (autre astuce pérenne).Et à la surprise générale, la semaine dernière, un tres joli dauphin est remonté à la surface, ce qui amène à se demander si une baleine ne va pas émerger bientôt.
Une première question s’impose.
La Fed a-t-elle envoyé des bâtons de dynamite dans le marigot financier ?
La réponse est oui.
Il y a deux ans, la banque centrale américaine assurait qu’en aucun cas, elle ne monterait les taux brutalement.Hélas, l’indice du coût de la vie est passé en quelques mois de 2 % à 9% , ce qui était difficilement prévisible puisque la masse monétaire n’ avait que triplé en quelques années (encore une blague).Et il a donc fallu faire grimper les taux courts de 0 % à près de 5 % en quelques trimestres, ce qui s’apparente assez bien à un lâchage de bâtons de dynamite. Hélas, malgré leur hausse ,les taux cours restent cependant négatifs en termes réels ce qui semble indiquer que la hausse des taux n’est pas finie..Hélas (encore), cette hausse des taux qui a eu lieu depuis 18 mois semble avoir mis en difficultés un certain nombre de banques , et en particulier la Silicon Valley Bank ou SVB , LA banque de la technologie Californienne.
Pourquoi ?
Vous êtes le patron de la banque de la technologie dans la Silicon Valley, la SVB (Le dauphin qui vient d’apparaître à la surface), et vous constatez que le COVID a déclenché un gonflement inouï de votre bilan et que vous vous retrouvez avec des liquidités gigantesques.
Que faire ?
Commençons par les causes de cette avalanche de liquidités.
Le pouvoir politique décide de fermer l’économie quand le COVID fait son apparition, le marché des actions se casse la figure.
Pour empêcher cette baisse , la banque centrale fait s’écrouler les taux courts à zéro et met la planche à billets en surrégime.
Le marché des actions remonte très fort, et qu’est ce qui remonte le plus fort ?
Toutes les affaires qui permettent le travail à domicile (Google Amazon, Facebook etc..)
Et du coup les banques d’affaires américaines se mettent vraiment au travail pour offrir aux investisseurs des sociétés qui seront sans aucun doute les nouvelles Microsoft, Amazon, ou Google.
Le fait qu’elle n’aient souvent ni chiffre d’affaires ni bénéfices ne freine en rien les ardeurs et littéralement des centaines de milliards de dollars sont levés
Une bonne partie de cet argent (50% ?) se retrouve dans la SVB, et la direction n’a pas la moindre idée de ce qu’il faut faire du cash.
Elle en prête une partie aux sociétés pour lesquelles elle a été levée du capital frais, mais elle se retrouve avec un très large excédent de dépôts.
Heureusement, la banque centrale a convaincu les responsables que les taux courts resteraient à zéro pour toujours, et que donc ils peuvent acheter, avec les dépôts à court terme de leurs clients des obligations à 10 ans du trésor américain à 1.5 %, ce qui, pour une banque est une erreur incroyable tant les dépôts et les prêts doivent avoir la même duration.
Le « MISMATCH » de duration a tué plus de banques dans l’histoire que les faillites de tous leurs clients.
Que se passe t’il ensuite ?
- Les taux courts passent de zéro à près de 5 % et donc les déposants s’attendent à toucher du quatre et demi pour cent au moins sur leurs dépôts qui ne rapportent à la banque qu’un et demi pour cent.
- Les sociétés en cash-flow négatif commencent à tirer sur leur cash, et il faut vendre des obligations (à perte) pour leur fournir ce cash, ces pertes se déduisant bien sur des fonds propres de la banque, qui du coup ne correspondent plus aux critères réglementaires.
- Si, pour rétablir sa liquidité, la banque vend les obligations d’état qu’elle détient, elle prend une perte de 20% en capital , et à nouveau les fonds propres s’effondrent.
Or, les dépôts de la SVB étaient aux alentours de 180 milliards de dollars, et ils avaient une caractéristique curieuse.
Contrairement aux banques normales qui ont des centaines de milliers de petits clients, la SVB avait quelques centaines de gros clients.
Il suffisait donc que quelques-uns de ces clients, prennent peur et demandent que leurs dépôts soient transférés à une autre banque, et il faut fermer la banque, bien incapable de procéder à ces transferts.
A ce point du raisonnement, il me faut faire une petite remarque.
La SVB était LA banque des crypto-monnaies par l’intermédiaire d’une filiale.
Imaginons qu’il y ait des forces obscures aux USA (hypothèse totalement farfelue, encore une blague !) que l’existence des cryptos monnaies agacent.
Glisser à l’oreille des plus gros déposants qu’ils feraient mieux de changer de banque, c’est-à-dire déclencher un « bank -run » contre la SVB aurait été très facile et potentiellement très profitable. Je serai curieux de connaitre vers qui les transferts qui ont eu lieu ces derniers jours en provenance de la SVB ont eu lieu. Voilà qui me donnerait une indication sur la ou les entités à qui profite le crime
Et c’est là que les choses deviennent intéressantes.
Les dépôts bancaires aux USA sont garantis par le fonds de garantie local à hauteur de $ 250.000 par déposant, ce qui paraît normal.
Hélas (encore une fois) il n’y a que 2% des clients de la banque ayant des dépôts inférieurs à ce montant, tous les fonds en dépôt correspondant peu ou prou aux levées de capitaux faites pour le compte des futures licornes.
Et ces sociétés, souvent en cash-flow négatifs, se retrouvent d’un seul coup fort démunies lorsque « la bise fut venue ».
On songe à Warren Buffet qui dit que « c’est quand la mer se retire qu’on découvre qui nageait sans maillot« .
Je veux simplement dire que les centaines de sociétés de haute technologie en Californie qui ont des cash flows négatifs doivent se demander comment elles vont payer leurs employés à la fin Mars…
Ce qui veut dire que de nombreux employés de la Fed, de Goldman- Sachs, de Morgan-Stanley, de JP Morgan ou de Warren Buffet ont dû passer le Week End au bureau.
Logiquement, l’un de ces mammouths devrait reprendre la SVB , et cela devrait être annoncé avant que vous ne lisiez ces lignes.
Reprendre le cash et les obligations d’état n’est pas un problème puisque qu’il suffit d’attendre que les obligations remontent de 80 à 100 avec le temps, ce qui ne pose aucun problème si, comme Warren Buffet, vous avez du cash et que vous rachetez les obligations à leur valeur de marché. .
- Mais dans le bilan de la SVB, on trouve environ 100 milliards de dollars qui ont été prêtés à ces futures licornes en cash-flow négatif. Bien malin qui peut leur attribuer une valeur.
- Mais dans le bilan de la SVB vous trouverez aussi toute la partie crypto monnaie, dont il est difficile de connaître la valeur, les exemples récents ne semblant pas être parfaitement convaincants quant à la probité comptable de ce genre d’activités.
Je me trouve donc devant un arbre de décision intéressant.
- La SVB est rachetée par un géant, à la demande de la Fed qui s’arrangera avec le géant pour que les pertes éventuelles soient portées par la Fed tandis que les bénéfices potentiels iront au géant. La routine du capitalisme de connivence en quelque sorte. Dans ce premier cas, tout retourne à la normale assez vite. Compte tenu de ma vaste expérience, je mettrai au pifomètre une probabilité de 80 % sur ce cas de figure.
- Les incertitudes étant trop grandes, et l’administration démocrate renâclant à faire gagner plein d’argent à l’un de ces très impopulaires géants en année électorale, aucun accord n’est trouvé et là, le dauphin devient peut être une baleine
Je m’explique.
Dans le deuxième cas, de nombreuses sociétés devraient déposer le bilan quasiment immédiatement, ce qui déclencherait une forte récession en Californie.
La disparition de milliers d’emplois bien payés ferait s’effondrer l’immobilier local, avec les répercussions habituelles sur le déficit budgétaire de l’Etat Californien, déjà en situation difficile.
Les autres banques qui sont lourdement investies dans l’immobilier aux USA et en Californie continuent à se gameller avec beaucoup d’enthousiasme et je n’ai aucun exemple historique de moments où, quand les banques baissent, l’économie ensuite va bien. En général, elle va très mal.
Les investisseurs internationaux qui ont massivement investi aux USA en raison de la croyance que les USA sont le lieu privilégié, voir unique, de la croissance Schumpétérienne, se demandent ce qu’ils font dans ce pays de fous et retirent leurs actifs, ce qui fait que le dollar plonge avec les taux longs qui montent sous la pression des ventes étrangères.
Je me retrouve devant un cas déjà rencontré à l’époque de la faillite de Lehman Brothers : un dauphin qui se transforme en baleine après sa mort, par pure incompétence des autorités US.
Conclusion
Normalement, j’aurais dû mettre la probabilité de la première solution à 100 %.
J’ai mis 80 % parce que je n’ai jamais vu une administration aussi nulle que celle du Président Biden.
Afghanistan, guerre en Ukraine, North Stream, immigration aux USA, inflation, déficits budgétaires monstrueux, corruption, menaces sur les libertés individuelles et que sais je encore, rien ne manque à l’appel.
Nous saurons à la fin de ce week-end ou, au plus tard dans les jours qui viennent, sur quelle branche de l’arbre de décision nous sommes.
Si nous sommes dans le cas numéro deux, les actions vont baisser mais l’or et les obligations chinoises risquent de monter très fort.
Et qui a des obligations chinoises et de l’or ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.