Cela évoque un film d'horreur ou une histoire de vampire, pourtant ces recherches sont bien réelles. Une communication scientifique présentée cette semaine à un congrès décrit les résultats d'une expérience où du plasma humain jeune a été injecté à des souris âgées. Résultat : le sang d'adolescents fait rajeunir.
Le plasma, la partie liquide du sang, transporte des milliers de protéines. Mais au cours du vieillissement, il contient souvent de plus en plus de protéines inflammatoires, d'où l'idée que le sang jeune offre une cure de Jouvence à des sujets âgés. Pour tester cette hypothèse, des scientifiques de la société Alkahest ont injecté du sang d'adolescents de 18 ans à des souris âgées de 12 mois, ce qui correspond à environ 50 années humaines. Leur protocole est décrit dans le New Scientist. Pendant trois semaines, les souris ont reçu deux injections par jour, puis leur comportement a été comparé à celui de sujets jeunes (trois mois) ou âgés.
Malgré la barrière de l'espèce entre l'Homme et les souris, celles-ci semblaient avoir rajeuni. Les chercheurs les ont placées dans un labyrinthe pour tester leur mémoire : les souris âgées avaient plus de mal à se déplacer dans le labyrinthe que celles traitées avec le plasma humain qui faisaient les mêmes performances que des souris jeunes. Leur mémoire s'était améliorée. Les chercheurs ont aussi regardé des coupes de cerveau : les animaux traités avaient plus de nouveaux neurones. Le plasma de jeunes humains semblait donc favoriser la neurogenèse, un processus important pour la mémoire et les apprentissages.
Injection de plasma : d'autres essais en cours
L'étude a été présentée lors du congrès de la Society for Neuroscience à San Diego mais n'a pas été publiée dans une revue à comité de lecture. Alkahest a démarré un essai clinique à l'université Stanford avec 18 personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer pour savoir si le plasma jeune peut avoir le même effet chez l'Homme.
Une autre start-upstart-up américaine, Ambrosia, recrute des volontaires pour un essai clinique sur des personnes de plus de 35 ans qui recevront des injections de plasma jeune. Cet essai a suscité des critiques car 8.000 dollars sont demandés aux participants pour couvrir les frais. Les études dans ce domaine intéressent aussi le cofondateur de PayPal, Peter Thiel, qui finance une recherche sur des traitements anti-âge basés sur le sang.
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Rajeunir le corps et l'esprit ?
Article initial de Janlou Chaput, paru le 7/05/2014
Depuis plus d'un siècle, certains scientifiques pensent trouver dans la transfusion de sang issu d'un individu jeune des éléments permettant de prolonger la jouvence. Deux études indépendantes et publiées le même jour confirment l'intérêt de telles pratiques... au moins chez les souris.
Au début du siècle dernier, le savant russe Alexandre Bogdanov (de son vrai nom Alyaksandr Malinovsky et aucunement apparenté aux frères Igor et Grichka Bogdanov) se faisait remarquer à plusieurs titres. Économiste marxiste et grand ami de Vladimir Ilitch Oulianov (plus connu sous le nom de Lénine), il a inspiré les révolutionnaires bolcheviques de 1917. Également médecin, il a beaucoup travaillé sur les transfusions sanguines. Selon lui, elles pouvaient favoriser le rajeunissement du corps et de l'esprit. Une hypothèse qu'il testa sur lui-même... et qui précipita sa perte. En 1928, à l'âge de 54 ans, le Soviétique décédait après avoir récupéré le sang d'un jeune homme parasité par le paludisme et touché par la tuberculose.
Néanmoins, son idée n'est pas morte avec lui. Ces dernières années, quelques études ont abouti à des résultats allant en ce sens, montrant notamment un rajeunissement du cerveau ou de cellules souches du foie. Cependant, il reste encore de nombreuses inconnues dans ce domaine. Deux d'entre elles viennent de tomber le même jour, dans deux revues différentes, fruit de deux études indépendantes. Elles apportent des arguments plutôt convaincants en faveur de la théorie d'Alexandre Bogdanov ou des autres scientifiques qui, avant lui, y avaient songé.
Des souris parabiotiques à la transfusion plasmatique
D'abord, évoquons les travaux de Tony Wyss-Coray (de l'université Stanford aux États-Unis) et de ses pairs publiés dans Nature Medicine. Dans un premier temps, ils se sont inspirés de travaux plus anciens recourant à des souris parabiotiques, c'est-à-dire pour lesquelles les systèmes circulatoires ont été chirurgicalement liés, et partageant un seul et même sang, comme si elles étaient siamoises. En focalisant leur recherche sur l'hippocampe, structure du cerveau impliqué dans l'apprentissage et la mémoire, ils ont remarqué les bénéfices occasionnés pour les rongeurs âgés lorsqu'ils étaient liés à un animal bien plus jeune, tandis que les souriceaux ont vu leur cerveau vieillir prématurément.
L'originalité de leur travail réside cependant dans une seconde expérimentation, jamais tentée auparavant malgré la possibilité technique de la réaliser depuis des années. S'il y a des différences au niveau cérébral, constate-t-on des bénéfices au niveau comportemental ? Pour le savoir, les scientifiques ont procédé à des transfusions plasmatiques vers des souris âgées (18 mois) et les ont soumises aux tests classiques pratiqués chez les rongeurs : la piscine de Morris, qui consiste à mesurer la faculté à retrouver une plateforme immergée sous de l'eau nontranslucide, et dans une situation dite de conditionnement contextuel par la peur, pour voir à quelle vitesse les animaux allaient apprendre à se figer.
Lorsque le plasma (le sang moins les cellules) provenait d'un individu jeune (trois mois), les souris âgées réussissaient les tests avec bien plus de brio que leurs homologues ayant reçu une transfusion d'un individu de leur âge. L'apprentissage et la mémoire semblent donc affectés par la qualité et l'âge du plasma circulant. Une découverte qui, à terme, pourra être exploitée contre les démences comme la maladie d’Alzheimer.
Après la tête, les jambes
Reste à déterminer d'où viennent ces propriétés. De nombreuses molécules circulent dans le plasma. Lesquelles interviennent dans le rajeunissement ? Une petite partie de ce vaste mystère pourrait avoir été élucidée, à en croire la revue Science du dimanche 4 mai. Derrière cette recherche, Amy Wagers, de l'université Harvard, qui a révélé avec ses collaborateurs l'impact de la protéine GFD11.
Cette molécule est abondante dans le plasma des souris jeunes, mais son taux diminue au fur et à mesure du vieillissement, si bien qu'elle faisait office de candidate idéale pour cette recherche. Lorsqu'elle est directement injectée chez des souris âgées, les performances s'en ressentent : plus de force et d'endurance. Les muscles semblent apprécier cette cure de GFD11.
Ces deux publications mettent donc en évidence les avantages à tirer potentiellement des molécules plasmatiques pour rajeunir le corps et l'esprit. Néanmoins, ces considérations demeurent tout à fait théoriques, et la mise en pratique demande toujours de nombreuses précautions et surtout des évaluations préalables. Le chemin est encore très broussailleux et demande à être élagué avant de songer à aller beaucoup plus loin.
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