Le 8 décembre 2022, le président de la République s’inquiétait de la faible couverture vaccinale des adolescents contre les infections à papillomavirus humains (HPV). Il déclarait à ce sujet vouloir “aller vite” et “faire dès l’école un énorme travail d’information”, sans exclure la possibilité de rendre obligatoire le vaccin Gardasil.
En visite dans un collège de Charente, ce mardi 1er mars, Emmanuel Macron appelle à une campagne de vaccination ”généralisée” des élèves de 5ème (11-13 ans). Un empressement qui interroge, alors qu’une class action (ndlr : action judiciaire collective) est initiée aux États-Unis : ses plaignants accusent le laboratoire Merck d’avoir exagéré les bénéfices du Gardasil et masqué des effets secondaires avérés.À quatre jours de la Journée mondiale de la sensibilisation autour des maladies induites par le papillomavirus humain, Emmanuel Macron enfile son costume de médecin.
Procès en cours outre-Atlantique
“À partir de la rentrée prochaine, pour tous les 5èmes, on va généraliser la vaccination” contre les HPV, a-t-il indiqué lors d’une rencontre avec des élèves dans un collège de Jarnac (Charente). Selon le président de la République, “cela permet d’éviter beaucoup de cancers. Beaucoup de pays l’ont fait”.
Beaucoup de pays l’ont fait mais certains commencent sérieusement à en revenir. Les États-Unis assistent depuis le mois dernier à l’ouverture d’un procès contre le laboratoire pharmaceutique Merck (MSD).
Suite à l’enregistrement d’une action judiciaire collective en octobre 2022, les plaignants veulent obtenir réparation quant à des effets secondaires graves, et parfois même mortels, attribués au vaccin Gardasil 9, le même pourtant fréquemment préconisé par le Président français.
Selon eux, ces effets adverses auraient été minorés par le fabricant. Quant aux bénéfices réels du vaccin en matière de protection face aux divers cancers faisant suite à une IST (infection sexuellement transmissible), ils auraient été exagérés.
Une efficacité qui peine à être démontrée scientifiquement
Les HPV sont l’IST la plus fréquente. Au cours de leur vie, près de 80% des personnes sont confrontées à ce virus. Pour autant, dans environ 90% des cas, selon la Haute autorité de Santé (HAS), sa disparition est effective en moins de 24 mois, sans conséquence pour la santé.
Certes, si l’infection persiste, l’évolution d’une lésion précancéreuse (dysplasie) vers un cancer du col de l’utérus reste possible. Mais avec 0,7% des infections dégénérant en cancer, ce risque est rare et se produit après un délai moyen de 30 ans.
Ainsi, le vaccin ne bénéficie que d’une “fenêtre de tir” particulièrement réduite pour démontrer son efficacité. Et la présence avérée d’effets secondaires pourrait très rapidement faire pencher la balance bénéfice-risque du mauvais côté.
Ce n’est pas la première fois que l’efficacité du vaccin fait polémique après une présentation particulièrement flatteuse de la part de responsables politiques ou de sociétés savantes.
Plan de communication
En 2019, plusieurs d’entre elles avaient lancé l’appel des 50, une campagne de communication qui proposait “un dépistage et une vaccination universelle contre le papillomavirus”.
Cet appel dressait un tableau dramatique du risque encouru par la jeunesse et préconisait “d’augmenter la couverture vaccinale des populations déjà ciblées en rétablissant activement la vérité scientifique et donc la confiance vis-à-vis de ces vaccins actifs et très bien tolérés”.
Un avis qui n’est pas partagé aujourd’hui par les plaignants américains en procès contre Merck. Après avoir étudié 48 dossiers de victimes, le juge a constaté une homogénéité des problèmes de santé, aussi bien chez les hommes que chez femmes.
En réponse à l’appel des 50, une quinzaine de professionnels de la santé avaient riposté à l’époque. Ils avaient rappelé de concert l’état de la science, la déontologie médicale et le principe de précaution face à cette vaccination.
Cité dans un article de Paris Match du 30 avril 2019, signé par la journaliste Vanessa Boy-Landry, le pharmacien hospitalier Amine Umlil affirmait alors :
“La communication de l’appel des 50 n’était ni objective, ni non trompeuse. Elle ne présentait pas le risque en perspective du bénéfice attendu et ne faisait pas état des éventuelles incertitudes, comme l’exigent le Code de la santé publique et les règles de communication rappelées en 2018 par l’Agence du médicament.”
Corde sensible
Des médecins avaient aussi vigoureusement contesté la vision naïve d’un vaccin présenté comme une “solution miracle”. Selon eux, l’appel des 50 n’était qu’une “opération de lobbying” qui demeurait “dans la pensée magique d’un produit révolutionnaire qui ne l’est pas”.
Dans un autre article publié par Paris Match, le 11 janvier 2019, Vanessa Boy-Landry interrogeait Catherine Riva, une autre journaliste, fondatrice du collectif Re-check. Celle-ci déclarait :
“Les meilleures données disponibles indiquent que la vaccination n'aura pas l'effet attendu. Les résultats des essais cliniques révèlent qu'il n'y a pas de différence d'efficacité statistiquement significative entre les filles vaccinées non porteuses des HPV ciblés par le vaccin et celles du groupe placebo. Les filles vaccinées ne font plus de lésions précancéreuses associées aux HPV 16 et 18, mais elles en font toujours autant!”
Emmanuel Macron jouait pourtant le 8 décembre dernier, lors d’une conférence de presse à Fontaine-le-Comte, sur la corde sensible. Il décrivait l’urgence à vacciner les adolescents : “Pour un jeune, si ses parents disent de ne pas se faire vacciner, ça peut être trop tard”. Et alertait sur la faible couverture vaccinale : “On est en retard là-dessus.”
Des propos à mettre en relation avec une autre analyse de Catherine Riva :
“Brandir la couverture vaccinale comme un objectif sacré (…), c'est grotesque, intenable d'un point de vue scientifique, et choquant : ces vaccins sont administrés à une population jeune, a priori en parfaite santé, pour empêcher la survenue d'une maladie qu'on prévient par ailleurs déjà avec le frottis de dépistage. Dans ces conditions, la question de savoir si ces produits sont sûrs est tout à fait cruciale et il n'y a rien d'obscurantiste à la poser”.
Les premiers jugements dans l’affaire du Gardasil outre-Atlantique devaient initialement être rendus en septembre 2023. Soit comme le disait Emmanuel Macron, “à la prochaine rentrée des classes”, date à partir de laquelle le chef d’État souhaite voir appliquée “la généralisation de la vaccination”.
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