27 mars 2023

Face à la crise, que faire des unités de compte de votre assurance-vie ?


L’unité de compte, ou la table de roulettes

Depuis quinze jours, une crise bancaire va et vient, avec des hauts et des bas, dont personne ne connaît l’issue finale. Dans tous les cas, les marchés sont aux aguets, à la recherche du prochain domino qui pourrait tomber. Nous avons largement expliqué que cette crise est due à la remontée brutale des taux, et qu’elle pourrait impacter fortement l’assurance-vie, particulièrement sensible à ce phénomène.

Beaucoup d’entre vous s’interrogent sur l’attitude à tenir. Nous avons déjà donné quelques conseils sur les contrats d’assurance-vie en euros de moins de 50.000€. Je m’intéresse aujourd’hui aux contrats en unités de compte d’un montant compris entre 50.000 et 100.000€, puisque plusieurs lecteurs m’ont posé cette question.

Beaucoup d’initiés n’ont rien dit, mais n’en ont pas moins pensé, en voyant les assureurs-vie pousser leurs clients à transformer leurs contrats en euros en contrats en unités de compte durant la pandémie de COVID. Et peu de clients ont compris la raison de cet engouement pour la transformation des contrats : bien entendu, ce mouvement de fond était justifié par l’intérêt de la clientèle, à la recherche de meilleurs rendements que le marché monétaire, sinistré par des taux très bas.

Mais, pour que tout soit clair, il faut peut-être expliquer un peu plus en profondeur l’intérêt que les assureurs-vie avaient à pousser leurs assurés à transformer leurs contrats, ou à acheter des unités de compte s’ils n’en avaient pas encore.
Une logique financière mal connue du grand public

Peu d’assurés sur la vie connaissent le contenu de la directive européenne Solvabilité II, qui a renforcé les exigences en fonds propres et en provisions pour les risques longs et lourds. Cette réglementation de 2009 renforce, en principe, la protection financière de la clientèle en soumettant les assureurs à d’importantes règles prudentielles. Dans ce cadre, la baisse des taux d’intérêt a coûté très cher à de nombreux assureurs, qui ont dû tirer le diable par la queue pour rémunérer les contrats en euros (au capital garanti alors que les taux devenaient négatifs…) tout en augmentant significativement leurs provisions. D’où, d’ailleurs, une réglementation très française du début 2020 avait autorisé, pour alléger le fardeau, les assureurs à comptabiliser une partie des provisions pour bénéfices comme fonds propres…

Face au marasme monétaire dû à la baisse des taux directeurs (et même à leur disparition), beaucoup d’assureurs ont vu dans le « quoiqu’il en coûte » mondial au moment du COVID une opportunité pour « se refaire ». Les cours en bourse sont artificiellement montés, et il est devenu tentant de pousser les clients à souscrire à des unités de compte en se délestant des fonds en euros. Facialement, il s’agissait de mieux rémunérer les clients. Discrètement, il s’agissait surtout de soulager la pression financière exercée par l’assureur.

Je réentends ici des courtiers et des agents généraux m’expliquer à cette époque que les souscriptions aux unités de compte fonctionnaient merveilleusement. Tous ces commerciaux évitent généralement d’expliquer à leurs clients par le menu quelle commission ils touchent pour pousser à ces arbitrages « dans l’intérêt du client ». Combien ont expliqué clairement à leurs assurés qu’ils risquaient de tout perdre en cas de retournement du marché ?

Probablement très peu.
La duperie de l’euro-croissance

Certains l’ont oublié, mais, il y a une dizaine d’années, Pierre Moscovici alors ministre de François Hollande avait inventé « l’euro-croissance », un système hybride d’unités de comptes à capital partiellement garanti. Face à l’échec de ce dispositif, Bruno Le Maire a profité de la loi Pacte pour donner un petit coup de neuf à ce produit. Là encore, les assureurs ont poussé leurs clients à souscrire, parfois en transformant leur assurance-vie en euros.

Combien ont insisté sur le fait que le rendement de ces fonds n’est accessible qu’au bout de 8 ans ? Et combien ont souligné que la garantie du capital n’est généralement que partielle ?

Il serait intéressant de le savoir. Mais les lendemains de fête pourraient avoir un goût amer pour les épargnants qui n’ont pas prêté attention aux détails de ces opérations, et surtout aux petites lignes en bas du contrat.
Les risques liés à un retournement du marché

Pour tous ceux qui se sont engouffrés durant ces trois dernières années dans les unités de compte, la désillusion pourrait être terrible. Pour l’instant, la curée n’a touché que les banques. Les autres actions ont même tendance à mieux se porter, en partie parce que les marchés les pensent provisoirement à l’abri des problèmes liés à la remontée brutale des taux.

Il faut pourtant avoir conscience que des faillites bancaires, comme nous en avons connues en 2008, ont un impact systémique. Elles emportent tout sur leur passage. Pour l’instant, la crise est seulement une crise de confiance : les marchés ont peur, mais, en dehors de la faillite de la SVB, de la Signature Bank, et en dehors de la mise à genoux du Crédit Suisse, rien ne s’est produit qui soit « tangible ». La Deutsche Bank a donné une belle peur à tout le monde la semaine dernière, mais aucun résultat financier vérifiable ne justifiait ce phénomène de panique. C’était une simple anticipation moutonnière du marché.

Il suffirait qu’une nouvelle banque, et surtout une banque systémique, fasse défaut, pour que tout l’édifice s’écroule. Et à ce moment-là, adieu les profits boursiers et les rendements rêves sur l’assurance-vie : ceux qui auraient placé leurs euros dans des unités de compte passeraient un très mauvais moment.

Il faut en avoir conscience : votre assureur ne vous a pas forcément dit avec toutes les précautions d’usage que le passage en unités de compte ou en Eurocroissance pouvait vous faire perdre beaucoup d’argent.
Le fantasme de la garantie des titres à 70.000€

Beaucoup d’épargnants se sont par ailleurs laissé berner par la fausse rumeur répandue y compris par des assureurs, selon laquelle l’assurance-vie serait garantie à hauteur de 70.000€. J’ai consacré une longue explication à ce sujet, qui concerne également le PEA. Il existe bien une garantie des titres jusqu’à 70.000€, mais la loi n’a pas prévu son intervention en cas de crise boursière. Elle ne concerne que les accidents informatiques ou les indélicatesses d’un assureur.

Il ne faut donc pas imaginer qu’une mécanique comparable à ce qui existe pour les dépôts bancaires puisse fonctionner pour les titres ou les unités de compte en cas d’assurance-vie. Si une panique boursière survient, vous pourrez vous estimer heureux si vous retrouvez votre capital de départ.
Que faire face au cyclone qui se prépare ?

Donc, pour des raisons structurelles que j’ai expliquées ce week-end, on peut penser que la remontée des taux va continuer. Je sais que les marchés américains parient sur le contraire, et considèrent désormais que les arguments sont réunis pour que les banques centrales suspendent leur envolée lyrique. On peut avoir un doute, nourri par les perspectives de dédollarisation (je consacrerai un article à ce sujet cette semaine), sur cette intention de la FED.

Dans la pratique, si les pressions bancaires et politiques continuent en faveur du lancement d’un dollar numérique l’an prochain, nous faisons l’hypothèse plausible que la FED peut avoir l’intention de continuer sa remontée des taux avec l’intention de dézombifier le secteur bancaire en balayant les plus faibles. Le marasme qui entourera cette concentration à marche forcée du secteur facilitera l’acceptation d’une nouvelle monnaie numérique par les opinions publiques.

Comme on dit à la SNCF, un train peut en cacher un autre.

Face à ce risque plausible, il faut actionner une première manoeuvre d’urgence, qui est de ne pas paniquer. La débâcle qui rôde est comme un cyclone : on n’en connaît jamais à l’avance la trajectoire exacte ni le calendrier. La panique peut donc arriver très vite, ou passer au large des marchés. Simplement, si elle passe, il faut être prêt.

La deuxième manœuvre dépend de votre situation patrimoniale.

Soit, vous en êtes au tout début de la duration de votre contrat d’assurance-vie et vous ne pouvez en sortir qu’à votre détriment. Votre intérêt peut être de vendre vos unités de compte le temps que le marché reparte. Vous ne demandez pas le rachat de votre contrat, vous vous comptez de stocker l’argent sur le compte en attendant d’y voir plus clair.

Soit votre contrat est à maturité et vous pouvez en sortir sans subir de pénalité fiscale. Dans ce cas, réfléchissez à un investissement immobilier comme nous l’avons conseillé de façon constante depuis plusieurs mois, en choisissant un secteur qui vous convient. Nous avions donné l’an dernier quelques conseils sur ce sujet. Une alternative peut aussi consister à saturer, si vous ne l’avez déjà fait, tous les livrets d’épargne que vous pouvez saturer.

Soit vous sortez purement et simplement votre argent liquide et vous le gardez chez vous avant que Bercy n’autorise les assureurs à « retenir » les contrats. Garder du cash, c’est passé de mode, mais ça marche toujours aussi bien.

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/03/27/face-a-la-crise-que-faire-des-unites-de-compte-de-votre-assurance-vie/

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