Commençons par une anecdote que je sais vraie.
Au début du siècle dernier, il y a une centaine d’années, un puissant homme d’affaires écossais décède et laisse à chacune de ses deux filles, encore jeunes, trois millions de sterling or, ce qui était tout à fait considérable.
Hélas, cet argent est déposé dans des « Trusts » et le responsable de ces trusts (le trustee) a comme instruction formelle de n’investir que dans des obligations de l’état anglais, les Gilts.
De 1920 à 1980, ces Gilts vont perdre 98% de leur valeur, et les deux héritières passeront de puissamment riches à vivant très modestement.
Que s’est il passé pour que cet homme, qui cherchait à protéger sa progéniture contre les incertitudes, se trompe aussi lourdement ?
Voici la réponse : le pauvre homme qui avait fait sa fortune dans une période stable de l’histoire (l’Angleterre du XIXème siècle) n’avait pas compris qu’aux périodes stables succèdent toujours des périodes de chaos qui servent à détruire les rentiers lorsque les systèmes économiques et politiques ne peuvent plus leur servir les rentes promises.
Essayons de ne pas commettre la même erreur aujourd’hui.
Pour cela, je vais essayer d’expliquer qui sont aujourd’hui les rentiers qu’il faut ruiner puisque les débiteurs seront bien incapables de leur servir une rente.
Commençons par le plus évident, les étrangers qui nous ont prêté de l’argent.
Une balance des paiements (BDP) est toujours à l’équilibre et c’est même pour que cela s’appelle une balance.
En fait BDP=COMPTES COURANTS +COMPTE CAPITAL = O
Prenons les comptes courants français qui enregistrent en 2020 un déficit supérieur à 50 milliards d’euro. (Les comptes courants incorporent les services et les profits faits par les Français sur leurs investissements extérieurs, et le déficit des comptes courants est donc inferieure au déficit de la balance commerciale qui est en train de dépasser les 150 milliards tandis que notre production manufacturière est tombée en dessous de 10 % du PIB.)
Notre pays avait deux possibilités pour combler ce trou (pour l’instant, j’exclue la livraison de l’or détenue par la banque de France aux étrangers. C’est ce que nous vendrons en dernier recours.)
- Vendre des actifs français aux étrangers.
- Vendre des actifs étrangers détenus par la population française.
Les actifs a vendre par les français aux étrangers avec qui nous avons des deficits sont soit des titres de propriété, (appartements a Paris, vignes dans le Bordelais , actions LMH…), soit des dettes émises par l’état français ou des sociétés françaises. Une grande partie de nos deficits a été financée en vendant des obligations émises par l’état français aux étrangers.
Prenons donc le cas de la dette étatique qui comme chacun le sait est à environ 125% du PIB de notre pays et dont je sais que la moitié environ est détenue par des étrangers.
Ce qui veut dire qu’environ 1.200 milliards d’euro de notre dette sont détenus par des entités étrangères. Ce qui veut dire que des pays étrangers ont fait comme mon homme d’affaires écossais, ils ont essayé de se bâtir une rente pour le futur et ce faisant, ils ont financé nos deficits extérieurs et intérieurs, ce qui nous a permis de vivre au-dessus de nos moyens.
Passons à la réalité suivante.
Pourquoi ces étrangers ont-ils pris la décision il y a bien longtemps de nous financer. ?
La somme des comptes courants excédentaires ou déficitaires de tous les pays s’additionne a zéro, le globe ne pouvant être en déficit ou en excèdent avec lui-même.
Comme nous sommes en déficit, cela veut dire qu’il doit y avoir des pays qui sont en excèdent et qui ont donc un excès d’épargne.
Et donc, comme la balance des paiements pour eux aussi s’additionne à zéro, ce qui veut dire qu’il faut qu’ils investissent leurs excédents dans des pays déficitaires.
Et qui sont ces pays excédentaires ?
Les suspects habituels viennent à l’esprit.
- L’Allemagne autrefois, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
- La Chine.
- Les pays producteurs de pétrole.
- Les pays industriels d’Asie du Sud Est
- Etc…
Pourquoi investissaient-ils chez nous. ?
Pour une raison très simple.
D’abord, nous avions réussi à les convaincre que la France était un « état de droit » où la propriété était sacrée, ce qui était loin d’être le cas chez eux et ensuite parce que les banquiers centraux sont des gens routiniers : Si tous leurs copains mettaient 40% de leurs réserves de change dans l’Euro, eh bien ils faisaient pareil.
L’escroquerie intellectuelle (Ponzi) et la routine sont le lit de tous les désastres financiers
Or, qu’avons-nous constaté depuis que la guerre refait rage en Europe.
- Que les pays européens n’ont plus d’armée, ce qui ne laisse pas d’inquiéter quand vous avez de nombreux actifs dans un tel pays.
- Que la politique étrangère de ces pays était conduite de Washington et non plus de Paris , Berlin ou Londres.
- Que les pays européens avaient complètement raté leur conversion énergétique puisqu’ils retournaient à toute allure… au charbon.
- Que le système productif de tous ces pays avait le cout du travail et le cout des règlementations les plus élevés au monde qui se combinaient avec des endettements de leurs états délirants couplés à des démographies absolument catastrophiques.
- Que la valeur de l’argument « état de droit » était nulle puisque non seulement les avoirs de la banque centrale Russe mais aussi les avoirs des individus Russes avaient été saisis partout en Europe sans autre forme de procès.
Et du coup, la probabilité que les pays excédentaires continuent à nous envoyer leur surplus d’épargne pour nous permettre de continuer à vivre noblement tandis qu’eux continueraient à vivre comme des rats me parait comme… extrêmement faible.
Et même les banquiers centraux commencent à comprendre.
Base 100 au 1/1/2000, celui qui a acheté une obligation chinoise au lieu d’une obligation française a gagné 20 % en euro a la place de perdre 23.3%, la différence de performance en trois ans s’établissant à 57%, ce qui veut dire que les acheteurs d’obligations françaises ont pris une énorme claque depuis trois ans, ce qui ne doit pas enthousiasmer le Qatar ou les fonds de pension Hollandais.
Ce qui m’amène à poser la question qui fâche.
Que va-t-il se passer quand tous ces braves gens vont décider de ne plus investir leur argent chez nous ?
Compte tenu de mon extraordinaire culture historique et financière, je vais essayer de résumer ce qui risque de se passer en caricaturant quelque peu selon le genre de gouvernement que nous allons avoir après l’inévitable changement politique qui ne va pas manquer de se produire quand les banques centrales asiatiques ou moyen orientales ne prendront plus les coups de téléphone du Trésor Français cherchant à vendre nos OAT.
Premier cas de figure.
Imaginons que monsieur Mélenchon prenne le pouvoir.
Nous irons tout droit vers les situations qu’ont connues l’Argentine ou le Venezuela. La monnaie s’effondre, les banques sont fermées « temporairement «, l’usage du cash est interdit… L’une des premières mesures d’un tel gouvernement sera bien dur de nationaliser les actifs des citoyens et des sociétés françaises en dehors de France, de bloquer les prix, d’instituer un contrôle des changes, de s’emparer des actifs des caisses de retraite du secteur privé et d’instituer des cours de justice populaires pour juger ceux qui ne seraient pas d’accord. A mon avis, ceux qui pensent que monsieur Mélenchon pourrait être élu devraient déposer des aujourd’hui les titres faisant preuve de propriété sur des actifs étrangers dans des banques en Suisse, dans la City ou à Singapour.
Deuxième cas de figure.
Le FMI est appelé, mais a immédiatement un énorme problème : dans la trousse a outils du FMI, il y a la nécessité d’une dévaluation pour rééquilibrer les comptes extérieurs, mais il y a l’euro qui empêche toute dévaluation qui n’est rien d’autre qu’une liquidation des rentes que nous ne pouvons pas payer. Comme le disait Rueff : « le taux de change est l’égout collecteur des droits non gagnés « . Si nous restons dans l’euro nous ne pourrons pas dévaluer les droits que les étrangers ont accumulé sur nous et il faudra donc dévaluer les droits qu’une partie des Français a accumulé sur les autres (Dévaluation interne). Dans ce cas-là, il faut organiser une baisse profonde du niveau de vie, ce qui fut fait pour la Grèce et l’Italie en 2012.C’est ce que monsieur Macron est en train d’essayer de faire avec sa réforme des retraites, mais quand l’on sait que la dette non provisionnée pour payer les retraites des employés de l’état est de 5000 milliards d’euro, on se rend bien compte que la réforme en cours revient à bien ranger les chaises sur le pont du Titanic en train de couler.
- Si nous sortons de l’euro, et que le franc, revenu à la vie, baisse fortement, la France pourra se réindustrialiser , les comptes courants reviendront à l’excédent et les citoyens français pourront racheter pas cher la dette détenue par les étrangers. C’est un peu la solution Thatcher 1979-1983.
Résumons-nous : dans tous les cas de figure, Grèce (Macron reste au pouvoir), Venezuela (Mélenchon) , Grande Bretagne en 1978 (mais avec qui ?), il ne faut rien avoir qui touche de près ou de loin aux marchés obligataires français, à la consommation et à l’immobilier en France.
Or, ce qu’avait fait mon homme d’affaires écossais était d’avoir investi tout son argent dans des rentes qu’un état en faillite ne pouvait pas payer. Je reste totalement négatif sur tout ce qui, de près ou de loin ressemble àune rente garantie par l’état ou le droit français, car je ne crois ni à la capacite économique de l’état de me servir ma rente ni à la stabilité juridique que devrait garantir cet état.
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