16 janvier 2023

Vous avez dit dérèglement climatique ? Allez voir au VIème siècle !

Grégoire de Tours évêque, issu de la noblesse gallo-romaine tint des chroniques sur les débuts des royaumes francs de la seconde moitié du VIème siècle.

Au delà de l’aspect religieux, Grégoire combat l’hérésie arienne et cherche à convaincre les Juifs qu’ils font fausse route, ce livre nous montre comment les royaumes francs se sont coulés dans le monde gallo-romain et comment les Gallo-romains se sont adapté au monde des barbares.

On est encore loin du cloisonnement du Moyen-Âge qui émergera quelques siècles plus tard. Les érudits comme Grégoire connaissent bien le territoire de la Gaule et même au-delà jusqu’à l’Empire byzantin. Les nouvelles circulent assez facilement et rapidement sur tout le territoire.

Aujourd’hui, c’est un des à-côtés de cette œuvre qui nous intéresse. Grégoire rapporte régulièrement des évènements météorologiques et cosmologiques qui se sont produits en moins de 50 ans. Il m’a paru intéressant de comparer l’activité importante de cette époque avec les prétendus « déréglemente climatiques » causés par l'activité humaine, d’aujourd’hui.

Pêle-mêle on trouvera une forte activité magnétique du Soleil avec plusieurs aurores boréales visibles jusqu’à des latitudes assez basses (Tours), des chutes de météorites, des phénomènes inexpliqués autour de la Lune et du Soleil, des hivers hyper doux avec deux floraisons dans l’année, des inondations gigantesques, des sécheresses et des hivers glaciaux, des orages titanesques et de la foudre en boule, des invasions de sauterelles, des famines, des maladies innommées mais très dangereuses. 


Extraits de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours (538-594)

Mais, le matin arrivé, une tempête s’éleva dans le lieu où ils étaient rassemblés, emporta les tentes, mit en désordre et bouleversa tout. A la foudre et au bruit du tonnerre se mêlaient des pierres qui tombaient sur eux. Ils se précipitaient le visage contre la terre couverte de grêle, et étaient grièvement blessés par la chute des pierres

Il y eut cette année un hiver très rigoureux et plus âpre qu’à l’ordinaire ; tellement que les torrents enchaînés par la gelée servaient de route aussi bien que la terre. Comme il y avait beaucoup de neige, les oiseaux, accablés de la rigueur du froid ou de la faim, se laissaient prendre à la main et sans qu’on eût besoin de leur tendre des pièges.

Il parut alors deux armées de sauterelles qui, passant, dit – on, par l’Auvergne et le Limousin, arrivèrent dans la plaine de Romagnac (Romagnat, près de Clermont).

Car plusieurs fois il parut autour du soleil trois ou quatre clartés très grandes et très brillantes que les paysans appelaient des soleils, et ils disaient : voila dans le ciel trois ou quatre soleils. Et une fois, au commencement du mois d’octobre, le soleil parut tellement obscurci qu’on n’en voyait pas reluire la quatrième partie, mais qu’il paraissait sombre, décoloré et semblable à un sac ; et une de ces étoiles que l’on appelle comètes, portant un rayon semblable à un glaive, se montra au – dessus du pays pendant une année entière. On vit le ciel ardent.

La mort était subite ; il naissait dans l’aine ou dans l’aisselle une plaie semblable à la morsure d’un serpent ; et ce venin agissait tellement sur les hommes qu’ils rendaient.

On vit au milieu de la lune briller une étoile flamboyante, et proche de la lune, au – dessus et au – dessous, apparurent d’autres étoiles. On la vit entourée du cercle qui souvent annonce la pluie . Plusieurs fois durant cette année nous vîmes la lune devenir obscure, et, avant le jour de la naissance du Seigneur, on entendit de grands tonnerres. Il parut aussi autour du soleil des lueurs qui avaient été vues avant la mortalité d’Auvergne [ livre IV ], et que les paysans appellent des soleils. On dit que la mer s’éleva beaucoup plus que de coutume, et il apparut beaucoup d’autres signes.

La cinquième année du roi Childebert [ en 580 ], le pays d’Auvergne fut accablé d’un grand déluge d’eau, tellement que la pluie ne cessa de tomber pendant douze jours, et celui de Limoges fut inondé de telle sorte que beaucoup de gens furent dans l’impossibilité de semer. Les rivières de Loire et de Flavaris, qu’ils appellent l’Allier, ainsi que les autres courants qui viennent s’y jeter, se gonflèrent à ce point qu’elles sortirent des limites qu’elles n’avaient jamais franchies ; ce qui causa la perte de beaucoup de troupeaux, un grand dommage dans l’agriculture , et renversa beaucoup d’édifices. Le Rhône, qui se joint à la Saône, sortit de même de ses rivages, au grand dommage des peuples, et renversa une partie des murs de la ville de Lyon .

Mais les pluies ayant cessé, les arbres fleurirent une seconde fois, quoiqu’on fût alors au mois de septembre. A Tours, cette même année, on vit un matin, avant la naissance du jour, un feu qui parcourut le ciel et disparut à l’horizon oriental, et on entendit dans tout le pays un bruit semblable à celui d’un arbre qui tombe ; mais ce ne pouvait être celui d’un arbre, car il se fit ouïr dans un espace de cinquante milles ou davantage.

Cette même année, la ville de Bordeaux fut violemment ébranlée par un tremblement de terre .

Cependant des pierres immenses se détachèrent des monts Pyrénées, et écrasèrent des troupeaux et des hommes. et la ville de Bourges fut frappée d’une affreuse grêle.

Ces prodiges furent suivis d’une cruelle contagion.

Au moment où les rois en discorde se préparaient encore à la guerre civile, toute la Gaule fut envahie de la dysenterie : ceux qu’elle attaquait étaient saisis d’une forte fièvre, avec des vomissements et de grandes douleurs dans les reins ; leur tête et leur cou étaient appesantis ; ce qu’ils vomissaient était couleur de safran ou même vert. Plusieurs assuraient que c’était un poison secret ; les paysans l’appelaient le feu de Saint – Antoine.

Cette maladie, commencée dans le mois d’août, attaqua d’abord les enfants, et les fit périr : nous perdîmes nos doux et chers petits enfants que nous avions caressés dans notre sein, balancés dans nos bras, que nous avions nourris avec le soin le plus attentif, leur donnant leurs aliments de notre propre main.

Nantin [ Nantinus ], comte d’Angoulême, mourut épuisé par cette maladie.

La septième année du roi Childebert [ en 582 ], qui était la vingt et unième de Chilpéric et de Gontran, on eut, dans le mois de janvier, des pluies, des éclairs et de violents tonnerres ; on vit des fleurs sur les arbres. Il apparut dans le ciel une étoile à laquelle j’ai donné plus haut le nom de comète [ livre IV ]. Le ciel, tout autour, était profondément obscur, en sorte que, placée comme dans un creux, elle reluisait au milieu des ténèbres, scintillait, et étalait sa chevelure : il en partait un rayon d’une grandeur merveilleuse, qui paraissait au loin comme la fumée d’un grand incendie ; on la vit à l’occident, à la première heure de la nuit.

Dans le territoire de Paris, il tomba des nuages une pluie de sang véritable : beaucoup de gens la reçurent en leurs vêtements, et elle les souilla de telles taches qu’ils s’en dépouillèrent avec horreur. Le même prodige se manifesta en trois endroits du territoire de cette cité. Dans celui de Senlis, un homme, en se levant le matin, trouva l’intérieur de sa maison arrosé de sang. Il y eut cette année une grande mortalité parmi le peuple : diverses maladies très dangereuses, et accompagnées de pustules et d’ampoules, causèrent la mort d’une grande quantité de gens ; beaucoup cependant y échappèrent à force de soins. Nous apprîmes que cette année la peste s’était cruellement fait sentir dans la ville de Narbonne, en telle sorte qu’il n’y avait aucun répit pour celui qui en était saisi.

Il parut encore cette année de nouveaux signes. Il y eut une éclipse de lune. Dans le territoire de Tours, à l’effraction du pain on en vit couler du vrai sang. Les murs de la ville de Soissons furent renversés. Prés d’Angers la terre trembla, et des loups entrés dans les murs de la ville de Bordeaux y mangèrent des chiens sans marquer aucune crainte des hommes. On vit des feux parcourir le ciel. La ville de Bazas fut consumée par un incendie qui dévasta l’église et la maison épiscopale. Nous apprîmes aussi qu’on y avait enlevé tout ce qui appartenait au service de l’autel.

il en tomba avec la pluie un grand globe de feu, qui parcourut dans les airs un long espace, et donna tant de lumière qu’on distinguait toutes choses comme en plein jour. Après quoi il rentra dans le nuage, et l’obscurité succéda à la clarté. Les eaux grossirent au-delà de la coutume, et causèrent autour de Paris une telle inondation de la Seine et de la Marne, que beaucoup de bateaux périrent entre la Cité et la basilique Saint-Laurent.

Les envoyés de Chilpéric, revenus d’Espagne, annoncèrent que le royaume de la Manche [ Carpitanie ] était cruellement dévasté par les sauterelles, de telle sorte qu’il n’y avait ni arbres, ni vignes, ni forêts, ni fruits, ni aucune verdure, qu’elles n’eussent entièrement détruits.

En ces jours-là, vers le milieu de la nuit, il parut du côté du nord un grand nombre de rayons brillants, d’une grande clarté, qui, se rapprochant et se séparant ensuite, finirent par s’évanouir. On vit aussi dans la partie septentrionale du ciel reluire une telle clarté qu’on la prit pour celle de l’aurore.

Les sauterelles qui depuis cinq ans ravageaient la province de la Manche, passèrent, cette année, en suivant la grande route, dans une autre province voisine de celle-ci. Elles couvraient en longueur un espace de cent cinquante milles, et celui de cent milles en largeur.

On vit des roses au mois de janvier, et il parut autour du soleil un grand cercle mêlé de diverses couleurs, semblables à celles que déploie l’arc-en-ciel après la pluie. Une cruelle gelée brûla les vignes, une tempête vint ensuite en divers lieux ravager les vignes et moissons, et ce qui restait fut consumé par une épouvantable sécheresse. On vit sur quelques vignes un petit nombre de fruits maigres, sur quelques autres point du tout. Les arbres qui avaient donné des fruits au mois de juillet, en donnèrent d’autres au mois de septembre. La maladie revint attaquer les bestiaux avec une nouvelle violence, si bien qu’à peine en demeura-t-il quelques-uns.

C’était dans le dixième mois [ décembre ] de l’année que se passaient ces choses. On vit alors sur les ceps de vignes de nouveaux sarments, avec des raisins tout formés, et les arbres couverts de fleurs. Un grand météore parcourant le ciel éclaira au loin le monde avant que la lumière du jour eût paru. On vit aussi dans le ciel briller des rayons ; on aperçut pendant deux heures du côté du nord une colonne de feu comme suspendue au ciel, et surmontée d’une grande étoile. La terre trembla à Angers ; et un grand nombre d’autres prodiges se manifestèrent.

Cette année, presque toute la Gaule fut accablée de la famine : beaucoup de gens firent du pain avec des pépins de raisin, des noisettes et des racines de fougère desséchées et réduites en poudre : on y mêlait un peu de farine; d’autres firent de même avec du blé encore vert : il y en eut même beaucoup qui, n’ayant pas de farine, cueillaient différentes herbes, et après les avoir mangées, mouraient enflés ; plusieurs moururent consumés par la faim. Les marchands pillaient alors le peuple d’une manière criante, tellement qu’ils donnaient à peine, pour un trias, une mesure de froment ou une demi-mesure de vin. Les pauvres se mettaient en servitude, afin d’avoir quelques aliments .

Alors parurent des signes dans le ciel. On vit du côté du nord des rayons, comme il en avait déjà paru souvent. On vit une clarté parcourir le ciel, des fleurs se montrèrent sur les arbres, c’était alors le cinquième mois [ juillet ].

Il parut du côté du nord des rayons d’une si brillante clarté qu’on n’en avait pas encore vu de pareils, et des deux côtés, à l’orient et à l’occident, étaient des nuages de couleur de sang ; la troisième nuit ces rayons apparurent vers la seconde heure, et voilà, pendant que nous les regardions avec étonnement, que des quatre points du monde s’en élevèrent de semblables ; nous en vîmes tout le ciel couvert. Il y avait au milieu du ciel une nuée brillante

Il y eut cette année de grandes pluies, et les rivières grossirent tellement qu’il arriva plusieurs naufrages ; et, sortant de leurs lits, elles enlevèrent les moissons voisines et couvrirent les prairies. Les mois de printemps et d’été furent si humides qu’on les aurait pris pour l’hiver plutôt que pour l’été.

Dans le huitième mois [ octobre ] après les vendanges, on vit dans les vignes de nouveaux sarments avec des grappes fournies, et sur d’autres arbres des feuilles nouvelles et de nouveaux fruits. Il parut des rayons du côté du nord, et plusieurs assurèrent avoir vu tomber des serpents du haut des nuées.

Il y eut cette annexe de grandes pluies au printemps, et les arbres et la vigne commençaient déjà à se garnir de feuilles lorsqu’il tomba de la neige qui couvrit tout ; ensuite vint de la gelée qui brûla tant les pousses de la vigne que les autres fruits déjà sortis. La rigueur de la saison parvint à ce point que les hirondelles et les autres oiseaux venus des régions lointaines périrent par la violence du froid. Ce qu’il y eut de merveilleux, c’est que la gelée détruisit tout dans les lieux où elle n’avait jamais fait de mal, et qu’il n’y en eut pas dans ceux où elle avait coutume de nuire.

En cette année, il y eut, après les fêtes de Pâques, une si terrible pluie accompagnée de grêle, que dans l’espace de deux ou trois heures on vit à travers les plus petites vallées courir d’énormes torrents. Les arbres fleurirent en automne et donnèrent des fruits pareils à ceux qu’on avait déjà recueillis ; des roses parurent au neuvième mois. Les rivières grossirent outre mesure, et en telle sorte qu’elles couvrirent des endroits où les eaux n’étaient jamais arrivées et ne firent pas peu de tort aux semences.

Dans cette année, la terre fut, durant les nuits, éclairée d’une telle lumière qu’on se serait cru au milieu du jour. Car souvent, au temps de la nuit, des lobes de feu parcouraient le ciel et éclairaient le monde.

Le 14 juin, au moment où la lumière du matin commençait à paraître, il y eut un grand tremblement de terre. Au milieu du huitième mois, le soleil fut éclipsé, et sa lumière fut tellement diminuée qu’à peine en voyait-on reluire autant qu’en donne le croissant au cinquième jour de la lune. Il y eut en automne de grandes pluies et de violents tonnerres ; les eaux grossirent extraordinairement. Le Vivarais et la ville d’Avignon furent dévastés par une peste cruelle.

il y eut une très grande sécheresse qui dépouilla d’herbes tous les pâturages, en sorte qu’il s’éleva une fâcheuse maladie sur les brebis et les chevaux, et qu’il en resta bien peu pour en renouveler la race. Cette contagion s’étendit non seulement sur les animaux domestiques, mais aussi sur la race sauvage des bêtes fauves. On rencontrait sur son chemin par les forêts une multitude de cerfs et d’autres animaux couchés morts. Le foin périt par les grandes pluies et les débordements des fleuves. Les moissons furent maigres, les vendanges très abondantes, le fruit du chêne se montra, mais ne parvint pas à la maturité.

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.