25 janvier 2023

« La réforme des retraites dont la France a besoin n’aura pas lieu »

Depuis la retraite à 60 ans de François Mitterrand en 1983 les gouvernements de droite comme de gauche essayent de remettre en cause cette décision stupide qui a très largement contribué, avec celle des 35 heures, à la dégradation de la compétitivité de l’industrie française et donc à la désindustrialisation de notre pays. Depuis cette époque la France est installée dans un déni de réalité démographique et budgétaire dont elle ne veut pas sortir.

La dérive des comptes de l’Etat n’est pas tenable

Aujourd’hui, la France est un des pays où l’on prend sa retraite le plus tôt. Faisant partie des pays qui consacrent le plus d’argent public à la retraite (14% du PIB soit le double de la Suède, la Norvège et la Suisse) elle est aussi le pays où les taux de cotisation sont les plus élevés (27% à comparer avec la moyenne de l’OCDE de 18,4%). En clair nous dépensons plus que les autres pour obtenir moins car entre un employeur et un salarié, c’est l’Etat, compte tenu de tous les prélèvements qu’il réalise, qui perçoit le plus d’argent !

Le poids des retraites représente 345 Md€  en 2021 dont 90 Md pour les retraites des fonctionnaires, qui ne cotisent pas sur leurs primes contrairement au privé et des bénéficiaires des régimes spéciaux soit 28% des dépenses pour 17% des actifs. Le régime général donne un taux de remplacement d’environ 60% en moyenne. Les droits à pension sont calculés sur les 25 meilleures années pour la retraite de base et sur l’ensemble de la carrière pour la retraite complémentaire. La retraite à taux plein est accordée à 62 ans à condition d’avoir tous ses trimestres (172 pour la génération née en 1973).

Les indépendants cotisent entre 10 et 18% seulement mais leur taux de remplacement est d’environ 40%. Leurs caisses ont 24Md€ de réserves pour les professions libérales et 17 Md€ pour les indépendants.

Au pays du chèque en bois, toutes ces dépenses sont nos impôts d’aujourd’hui et nos dettes  de demain. Il faut se préoccuper de cette générosité débordante d’un Etat totalement fauché et lourdement endetté. Cette dérive des comptes de l’Etat n’est pas tenable

La France ne peut plus conserver un système de répartition pur

Le poids de la démographie est incontournable. La France comptait 4 cotisants par retraité en 1960. Aujourd’hui le ratio n’est plus que 1,7. Il devrait chuter à 1,4 dans moins de 20 ans. Les prévisions du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) sont fondées sur des hypothèses de chômage et de productivité optimistes. Les français doivent absolument admettre qu’ils vieillissent. L’espérance de vie pour un garçon né l’année dernière est de 90,3 ans.

On s’accroche à la retraite par répartition mise au point par le CNR (Conseil National de la Résistance). Il faut rappeler que « le modèle social français » résulte d’un compromis réalisé en 1945 entre les gaullistes et les communistes. A cette époque, les chars russes étaient à deux étapes du Tour de France. Il s’agit aujourd’hui de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance: Caisses de Sécurité sociale, statut de la fonction publique, représentation syndicale, régimes complémentaires de retraite Malheureusement les gardiens du temple sont nombreux pour préserver un système que la France n’a plus les moyens de faire fonctionner. .

Le mécanisme de solidarité intergénérationnelle ne peut fonctionner convenablement que dans un pays avec des paramètres démographiques favorables. Comme ce n’est plus le cas en France depuis longtemps, c’est l’état qui doit abonder sans cesse le système pour l’équilibrer. Il faut donc « réformer les retraites » et créer des fonds de réserve de capitalisation qui pourraient lisser légèrement l’effet des évolutions démographiques qui sont très négatives.

La réforme Borne est une réforme a minima

Depuis Le Livre Blanc de Michel Rocard en 1991. Quatre réformes des retraites ont eu lieu dont deux ont échoué. Celle de Madame Borne est la cinquième. Pour faire accepter une mesure d’âge impopulaire son gouvernement a multiplié les exceptions à la règle et les mesures d’accompagnement social (carrières longues, métiers pénibles…) qui risquent en s’additionnant de se révéler très coûteuses. L’argument de bon sens « on vit plus longtemps, il faut donc travailler plus longtemps » fait toujours l’objet de milliers de négations par des « experts »  et des « économistes » proches de l’opposition ou des syndicats.

Le déficit prévisionnel du système de retraite est de 17,7 Md€ à l’horizon 2030. Pour équilibrer les comptes des caisses de retraite il y a trois solutions: 1/ Réduire les pensions de retraite. Le montant de la retraite moyenne est de 1544€. Il va continuer de baisser en raison de la sous indexation des pensions.  2/ Allonger la durée de cotisation des salariés. Faire travailler les français plus longtemps est sans doute la solution la moins douloureuse 3/ Accroitre le taux de cotisation actuellement de 28% du salaire brut. La France a déjà les niveaux les plus élevés ce qui nuit à la compétitivité des entreprises et pénalise l’emploi.  Gabriel Attal ministre délégué chargé des comptes publics ne veut pas « augmenter les impôts ni faire exploser la dette des générations futures ». Il confond impôt et cotisation sociale et les comptes de l’Etat avec les comptes sociaux.  Un impôt est un versement obligatoire et sans contrepartie aux administrations publiques. Une cotisation sociale obéit à la logique de l’assurance contre les risques. Pour l’assurance maladie chacun cotise en proportion de ses revenus alors que les prestations sont les mêmes pour tous. Pour les cotisations chômage et retraite elles sont « contributives ». La retraite n’est rien d’autre qu’un salaire différé.

La mesure phare de la réforme Borne est le report de l’âge légal de départ à 64 ans et non pas 65 ans comme annoncé pendant la campagne présidentielle. Cet âge restera l’un des plus bas d’Europe. La durée de cotisation nécessaire pour toucher une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027 au lieu de 2035 auparavant. Par rapport à ces mesures est ajoutée toute une série de compensations qui représentent 40% des effets de la réforme. C’est donc une réforme à minima. En clair le gouvernement a multiplié les gestes pour ménager les catégories de travailleurs les plus syndiqués (RATP, SNCF, EDF….)

Il aurait fallu :1/ Décaler l’âge de départ à la retraite à 65 ans d’ici 2028. En reportant d’un quadrimestre pour tous les salariés à partir de 2020 (=10 Md€ d’économies).; 2/Aligner les modes de calcul des pensions publiques et des régimes spéciaux sur le régime général (= 2Md€ d’économies); 3/ Supprimer le supplément familial de traitement que les fonctionnaires touchent en plus de leurs allocations familiales (=plus d’1 Md€ d’économies); 4/ Augmenter le temps de travail dans les trois fonctions publiques à 1718 h par an (= 6Md€ d’économies); 5/ Fusionner toutes les allocations sous condition de ressources en une allocation sociale unique et plafonnée (= plusieurs Md€ d’économies).

Le bonneteau dans les comptes de l’Etat est permanent

L’Etat voudrait faire main basse sur les réserves des retraites complémentaires

Le gouvernement voudrait confier à l’Urssaf le soin de collecter les 80 Md€ perçus chaque année par l’ Agirc- Arrco organisme de gestion paritaire des retraites complémentaires des salariés du privé. Pourquoi vouloir étatiser un système qui fonctionne bien ? La réponse se trouve dans le niveau des réserves qui est de 65 Md€. Cela permettrait à l’Etat d’y puiser pour éponger les dettes des autres régimes !

Les français ont un rapport tout à fait malsain avec le budget de l’état. Pour arriver à l’équilibre cette année, il manquait 600M€. Ils seront comblés par un transfert de la sécurité sociale via la branche accidents du travail qui se trouve être excédentaire ! Quand on prend le temps de regarder de près le détail des comptes on constate que des cotisations sont prélevées sans droits au sein des régimes de retraite complémentaires, que des cotisations sont transformées en contribution à l’assurance chômage. On voit aussi des imposition de cotisations indues, des cotisations identiques mais donnant droit au chômage dégressifs pour les cadres etc… Comme en matière de santé on est dans la triple irresponsabilité : celle des députés qui votent, celle des organismes de retraite et enfin celle des bénéficiaires de pensions …

La volonté de lutter contre la fraude n’existe pas . Il y a 1,250M de retraités qui vivent à l’étranger  dont 40% au Maghreb. Le total des prestations versées atteint 6,5Md€. La loi française prévoit que « un certificat de vie » suffit pour toucher sa retraite à l’étranger.  Le taux de fraude à l’étranger s’élève au moins à 15%. Rapporté aux 6,5Md€ versés cela représente 1md€ siphonnés.

Des sondages montrent que la réforme ne recueillerait pas plus de 30% d’approbation. Ce qui montre à quel point elle a été mal expliquée. Il est curieux de voir le décalage entre la timidité de la réforme et l’indignation qu’elle suscite. L’abus de pouvoir de minorités activistes et violentes met en cause le fonctionnement de la démocratie.  Pour sauver le système de retraite il fallait bien sûr travailler plus mais aussi épargner plus. Des Fonds d’Epargne Retraite auraient pu participer à la création de richesse pour le pays,  ce que ne peut faire à aucun moment un système de répartition pur.

Jean-Jacques Netter

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.