08 janvier 2023

Conseil des ministres : quand Macron parle des professionnels du malheur

« Il y a des professionnels du malheur et une conjuration des esprits tristes auxquels nous devons faire face », a déclaré ce mercredi matin Emmanuel Macron en Conseil des ministres. La phrase est importante : elle mérite qu’on l’étudie à la loupe.

Que nous dit-elle ? Qu’il existe un complot des Français de mauvaise humeur. Qu’ils se sont ligués contre le pouvoir. Qu’ils sont dangereux et doivent être stoppés dans leur élan pervers.

La pauvreté sur le banc des accusés

Mais qui sont donc ces pessimistes secrètement coalisés pour nuire à l’État ? La réponse est simple : ce sont les pauvres, chaque jour plus nombreux. Ceux qui voient les prix flamber au supermarché. Ceux que la hausse des tarifs de l’électricité empêche de gagner leur vie. Ceux que l’inflation assassine à feu de moins en moins doux.

La confrérie des grognons et des chafouins imaginée par le président de la République est en réalité constituée d’innocents, coupables de plonger bien malgré eux dans la misère et qui ont le culot de s’en rendre compte et l’insolence de ne pas s’en satisfaire, et même de s’en alarmer au point d’en parler entre eux, de médire, de maugréer et de maudire les puissants. Quels traîtres, ces désargentés !

Emmanuel Macron montre du doigt la souffrance du peuple et l’accuse d’être de mauvaise foi, une traîtrise, une vilénie. Si vous êtes déprimés, c’est que vous êtes mal intentionnés ! Si votre budget familial se réduit comme peau de chagrin et si vous en pleurez, c’est que vous manquez de conscience politique et que votre bêtise dégénère en méchanceté !

Salissure morale

Il n’est pas dans mes habitudes d’assimiler le régime macronien à une dictature. Mais cette fois je veux bien faire une exception. La phrase de Macron ressemble étrangement à un énoncé stalinien, ou maoïste. L’idée que le mécontentement des rues et des villages est le fruit d’une « conjuration » – alors qu’il n’a absolument rien de calculé, que son unanimité spontanée repose toute entière sur le bon sens et l’instinct du survie, et que nul ne songe sérieusement à pendre les responsables ! – est profondément perverse. Pire : elle exhale un parfum de tyrannie.

Quand François Hollande parlait des « sans-dents », il insultait les pauvres. Quand son successeur traite ceux qui le critiquent de « professionnels du malheur », il va beaucoup plus loin. Trop loin. Il inculpe le pessimisme. Il criminalise la détresse. Il fait du peuple perclus de douleurs économiques non seulement son inférieur, mais son ennemi.

Pourquoi tant de mépris et de méfiance ? Pour la même raison que d’habitude : Macron n’a jamais connu la détresse. Il ne sait pas ce que c’est. Il évolue dans un univers de winners, où le mal est tabou. Une sphère parfaite, sans démons, ni ordures, ni cadavres. Un parc d’attractions interdit à la populace.

Un quinquennat pour ne rien dire

Après cela, comment voulez-vous expliquer aux électeurs de gauche que la lutte des classes n’existe pas ? Macron, à lui tout seul, l’incarne. Sa phrase de ce matin est une porte grande ouverte aux manifestations, aux grèves et aux émeutes.

Se rend-il compte de ce qu’il fait ? Non. Il n’est ni assez intelligent, ni assez cultivé, et encore moins assez profond, pour comprendre ce qu’il dit. Il injurie sans savoir ce qui sort de sa bouche. Pendant encore cinq ans, l’enfant agité va couper la parole aux grandes personnes parce qu’il a – je le cite -, « envie de les emmerder ».

Un quinquennat de gros mots, une montagne d’impolitesses pour, in fine, accoucher de souris mortes.

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.