Selon des chiffres provisoires, la très sérieuse Banque nationale suisse (BNS), vieille de 116 ans, qui n’est autre que la Banque centrale de la Confédération helvétique, annonce clôturer l’exercice 2022 sur une perte de 132 Mds de francs suisses (CHF) : un petit milliard perdu sur des positions en CHF et une dépréciation de 17% sur des positions en monnaies étrangères, pour 131 Mds CHF.
En réalité, c’est parce qu’elle souffre de l’attractivité de sa monnaie réputée fiable et solide, dans le contexte, que l’on sait, d’inflation et de baisse des principales devises ayant servi à monétiser le Covid, au premier rang desquelles le dollar et l’euro, que la Suisse a tenté d’éviter une appréciation trop forte du franc suisse (comme en 2011) en accumulant des réserves de change… dans des monnaies de singe ! Problème de riche !
Le stock d’or a, quant à lui, généré une faible plus-value de 400 M CHF qui ne compense rien du tout. Mais la BNS a été prévoyante : elle va en effet piocher dans sa « réserve pour distributions futures » et ainsi éponger plus des trois quarts de cette perte (environ 102,5 Mds CHF), le bilan faisant finalement état d’une perte d’un peu moins de 39 Mds CHF, qui rend cependant juridiquement et financièrement impossible toute distribution, au titre de l’exercice 2022, de la part de la banque centrale suisse, tant en dividendes aux actionnaires de la BNS (banques cantonales, particuliers) qu’en bénéfice pour le Gouvernement de la Confédération, les Cantons et d’autres collectivités ou établissements de droit public. Sacré grain de sable dans l’horlogerie bancaire suisse qui devra refaire ses tablettes de chocolat (Lindt, bien sûr) en 2023 !
Le chiffre de la semaine
Du rififi dans l’ARENH ! Le Sénat vient en effet de faire état de soupçons de revente sur le marché des quotas d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), au profit de la société Mint Énergie qui a récemment publié son compte de résultat semestriel, lequel affiche une hausse confortable de 63% de son chiffre d’affaires, qu’Erick Gay, son patron, explique par « la reprise du portefeuille de clients de Planète OUI ». Il n’empêche qu’il semblerait que Mint Energie ait bel et bien revendu pour 6,2 M€ d’ARENH… à EDF elle-même ! La société aurait procédé à des « revalorisations tarifaires indispensables » et, dans le même temps, acheté des quotas d’ARENH à 46,5€ le MWh pour les revendre à 257€ sur le marché libre. Cette hausse de 453% a de quoi interroger même les adeptes les plus zélés du capitalisme de connivence.
Les faits reprochés, s’ils sont avérés, seraient d’autant plus graves que Mint a bénéficié de 12 M€ d’aides publiques en compensation du gel tarifaire des TRV (tarifs réglementés de vente). La société a de plus bénéficié de deux prêts garantis par l’État (les fameux PGE, dont l’âge d’or fut 2020-2021), l’un pour de 8,7 M€, le second pour 5,1 M€. Gageons pour son avenir judiciaire que Mint ne ment(h)e pas sur ses juteuses pratiques !
La déclaration de la semaine
Nous voilà rassurés : pères fouettards en 2022, les prévisionnistes de Christine Lagarde se sont récemment mués en Rois Mages de la BCE et nous annoncent pour 2023 une inflation épiphanique en forme de spirale prix-salaires ! Selon la banque prêteuse en dernier ressort de l’Eurozone, cette croissance constituerait un « rattrapage entre les salaires et les taux élevés d’inflation » observés depuis 2021. En zone euro, pourtant, la hausse annuelle des prix à la consommation se situe toujours, à l’heure où nous écrivons, autour de la barre symbolique des 10%, après 18 mois de grimpette ininterrompue. Les salaires, eux, n’ont évidemment pas autant progressé depuis 2019.
En Allemagne, le syndicat des services (Verdi) réclame par exemple actuellement une hausse de 15% des salaires des quelque 160 000 employés du géant du courrier Deutsche Post, et de 10,5% pour les 2,5 millions de fonctionnaires de l’État fédéral et des personnels municipaux. Selon les dernières prévisions de la BCE, on sera donc loin cette année de rattraper quoi que ce soit, les salaires bruts ayant crû d’à peine 4,5% en 2022 et devant progresser d’un petit 5,2% cette année. L’inflation n’est donc pas du tout gommée mais l’effet d’annonce de Francfort pourrait suffire à justifier que la hausse des prix se poursuive, pour compenser, cette fois, la hausse des salaires. Comme la caste devient prévisible !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.