Un matin comme les autres, dans le métro parisien, avec sa saleté, ses odeurs et la triste mine des voyageurs.
Un message à peine audible dans le brouhaha qui nous explique que, du fait d’un “incident technique”, il y a des “perturbations” sur la ligne. On tend l’oreille, juste pour savoir quel inconvénient on va rencontrer. Cela fait longtemps que le stade de la colère individuelle est passé.
Ensuite, on lève la tête pour regarder, sur les affichages modernes les messages affichés. Première variante. Là on nous parle de plusieurs “incidents techniques”. Allons bon. Pas un seul, mais plusieurs. On n’est jamais assez couvert. On imagine que de Monsieur Castex au responsable de station, tout le monde est pourvu d’un parapluie.
Le métro finit par arriver. Temps d’attente en station, serré comme des sardines dans le wagon, avant de partir. Avec un nouveau message. Cette fois-ci, on nous explique que le retard est dû à un “malaise de voyageur à Châtelet”. On ne doit pas rire – il s’agit d’une personne et non d’une panne de matériel. Il n’empêche, on rit jaune.
La détérioration du service public
En réalité, un des problèmes français tient à l’individualisme de notre culture politique. Cela fait longtemps que les Français sont résignés à titre individuel. Mais il n’y a pas de montée en puissance d’une révolte collective.
Nous sommes habitués à entendre les messages qui accompagnent tous les incidents dans les transports. “Nous nous excusons pour la gêne occasionnée”. Ou bien “Nous vous remercions votre compréhension” etc… Nous jugeons que le message est devenu insupportable. Nous l’entendons à la RATP ou la SNCF. Et nous avons l’occasion de dire, par exemple, aux contrôleurs de la SNCF, que tout cela est inacceptable. Mais quelles conséquence en sont tirées? Madame Hidalgo ou Madame Pécresse ont été réélues malgré la mauvaise qualité des transports parisiens et franciliens.
Les protestations fusent à titre individuel. Du coup les chefs de bord de la SNCF se sont mis en grève ces jours-ci parce qu’ils ne supportent plus d’être interpelés par des “usagers” mécontents. Quitte à augmenter le mécontentement.
Mais revenons aux messages chaotiques du métro parisien. “Incidents techniques” et “malaises de voyageurs” interchangeables. Au fond, depuis qu’on est passé des “voyageurs” aux “usagers” dans la jargon managérial des compagnies de transport sur le territoire; et depuis que l’on ne dit plus “la SNCF” mais “SNCF”, pour avoir une politique de marque moderne, on constate que les personnes sont traitées comme des objets. Et tant que ces “objets” ne sont pas “connectés” entre eux, la qualité des services et le sens de la responsabilité continueront de se détériorer.
Pour finir, une anecdote réjouissante. Il y a quelques jours, j’ai pris un TER à la gare de L’Aigle, en Normandie. Entrée du train dans la gare, sauf que, visiblement, le conducteur avait la tête ailleurs. Il freine trop tard, en catastrophe. Et, du coup, il n’y a qu’une moitié du train “à quai”, la moitié avant étant déjà ressortie de la gare. Bonne humeur des voyageurs, qui avaient l’impression que la SNCF sortait de sa routine. Le chef de gare arrive et nous explique doctement que le voie était glissante, le train a dérapé…éclat de rire de tous les présents! En soi, l’épisode témoigne de la détérioration générale; mais, pour une fois, on pouvait en rire gaiement, imaginer que le conducteur était amoureux, par exemple. Remettre un peu d’humanité dans un système devenu anonyme, “irresponsable” et dysfonctionnant.
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