19 décembre 2022

Le « scandale du Qatar » au Parlement européen n’est que la partie émergée d’un iceberg de corruption

 

Dans le scandale de corruption qui frappe le cœur de la gouvernance de l’Union européenne, une vice-présidente du Parlement européen, la Grecque Eva Kaili, a été déchue de ses responsabilités par le Parlement européen, ses avoirs ont été gelés et elle a été inculpée après que la police a trouvé des « sacs d’argent liquide » à son domicile.

Une descente a également eu lieu au domicile d’un député européen belge, Marc Tarabella, vice-président de la délégation de l’UE pour les relations avec la péninsule arabe. Les autorités belges ont effectué une autre visite sans préavis au domicile de l’assistant d’un autre député européen. En début de semaine, les autorités ont fouillé les bureaux du Parlement européen comme s’il s’agissait d’une vulgaire scène de crime, et auraient saisi des données. Jusqu’à présent, 1,5 million d’euros ont été saisis au domicile de particuliers. Le parquet fédéral belge accuse les quatre personnes arrêtées et inculpées de « participation à une organisation criminelle, blanchiment d’argent et corruption. » Il s’avère que les fonctionnaires présumés impliqués sont également accusés d’avoir fait pression pour que les voyageurs de l’UE et du Qatar puissent voyager sans visa entre les deux pays et pour blanchir le bilan du Qatar en matière de droits du travail.

Pour une institution comme l’Union européenne, qui prêche constamment aux autres pays de faire le ménage dans leurs affaires, on pourrait penser qu’elle aurait elle-même mis en place des garde-fous solides pour empêcher ce genre de choses de se passer chez elle. Mais ce n’est pas le cas. « Les allégations sont extrêmement préoccupantes et très sérieuses« , a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, d’un ton inhabituellement mesuré. Elle a proposé la création d’un organe d’éthique indépendant chargé d’établir des règles pour les institutions de l’UE « où il existe des règles très claires« , ajoutant que cela « constituerait un grand pas en avant. » Vous voulez dire que cela n’existait pas déjà ? Et pourquoi donc ?

Ceux qui croient que les institutions démocratiques occidentales pratiquent ce qu’elles prêchent constamment pourraient être surpris d’apprendre que le manque de freins et de contrepoids pour prévenir la corruption chez eux est en fait assez stupéfiant. Au début de l’année, par exemple, trois représentants du Congrès américain ont présenté une loi bipartisane visant à combler les lacunes permettant le financement étranger de groupes de réflexion, de fonctionnaires et de participants aux élections. « À l’heure actuelle, les gouvernements étrangers sont en mesure de financer secrètement des groupes de réflexion pour promouvoir leurs propres programmes, d’engager d’anciens fonctionnaires et officiers militaires pour faire pression en faveur de leurs intérêts et de demander à leurs agents de collecter des millions de dollars pour des campagnes politiques« , a expliqué le parrain du projet de loi, le député Jared Golden.

C’est presque comme si la corruption systémique est un secret de polichinelle qui bénéficie d’une omerta, car très peu de fonctionnaires semblent vouloir reconnaître ou aborder le problème.

Lorsque Mme von der Leyen a eu l’occasion d’aborder la question avec la presse bruxelloise lundi, elle a fait obstruction aux journalistes, à leur grande frustration, qu’ils n’ont pas hésité à exprimer sur Twitter. Selon Politico, un journaliste a même crié à Mme von der Leyen au moment où elle partait : « Vous n’avez pas répondu à une seule de nos questions. » Ce n’est pas exactement le genre de comportement auquel on pourrait s’attendre de la part d’une personne qui parle régulièrement de tenir les autres dirigeants responsables pour leur corruption, leur manque de transparence et d’autres pratiques antidémocratiques.

La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a dépeint le scandale comme quelque chose que subit l’UE, plutôt qu’un phénomène dont elle est directement responsable ou dont elle doit répondre par ses pratiques systémiques au pire ou par son manque de garanties liées au lobbying au mieux. « Ne vous y trompez pas : le Parlement européen, chers collègues, est attaqué. La démocratie européenne est attaquée. Et notre style de société, ouverte, démocratique et libre est attaquée« , a déclaré Metsola.

Les commentaires de Metsola font écho aux articles de la presse grand public nommant ce scandale « la corruption du Qatar » au sein de l’UE, mais il faut considérer qu’il s’agit avant tout d’un problème de corruption au sein de l’Union européenne. En rejetant la faute sur le Qatar, l’UE se décharge de ses responsabilités et donne la fausse impression que les problèmes commencent et se terminent avec un seul pays. Combien d’autres pays [ou de multinationales, NdT] peuvent aussi bénéficier d' »accords de lobbying » similaires avec des personnes occupant des postes de pouvoir politique et d’influence à Bruxelles ?

Transparency International suggère que ce genre de choses est en fait assez courant. « Il ne s’agit pas d’un incident isolé. Pendant plusieurs décennies, le Parlement a laissé se développer une culture de l’impunité, en combinant des règles et des contrôles financiers laxistes et une absence totale de contrôle éthique indépendant« , a déclaré le directeur de l’ONG, Michiel van Hulten.

Un autre problème de ce fiasco pour l’UE est qu’il nuit à son message bien conçu qui met constamment l’accent sur deux points. Le premier est que l’Europe veut faire croire aux gens qu’elle est vertueuse et juste. Ce scandale braque les projecteurs sur une question sale dans un coin sombre que personne n’évoque jamais, et finit par ternir son auréole, qu’ils brandissent constamment. Le deuxième point que l’UE promeut toujours – et que tout cela entrave – est la façon dont la Russie serait responsable de toutes les blessures auto-infligées de l’UE parce que l’UE est si innocente et infiniment compétente et digne de confiance, sans absolument aucun intérêt caché ou particulier.

La corruption dans l’UE semble être relative et peut être utilisée comme monnaie d’échange ou pour augmenter ou diminuer la pression. L’Union a récemment bloqué les fonds destinés à la Hongrie sous prétexte que les institutions du pays sont si fragiles que l’argent pourrait servir à alimenter la corruption. Mais lorsque la Hongrie a accepté de lever son veto à l’octroi de fonds supplémentaires à l’Ukraine, les fonds ont soudainement été débloqués et les craintes de corruption ont disparu.

Si tout ceci n’est que la partie visible de l’iceberg en ce qui concerne les activités louches de l’UE, quelle est la taille réelle de l’iceberg ? Qui sera vraiment intéressé à creuser davantage pour le découvrir ?

Rachel Marsden

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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