Une étude rétrospective non randomisée a été réalisée sur 76 travailleurs de la santé après qu'ils ont reçu une deuxième dose de rappel de vaccin contre le Covid-19. Elle montre que le nombre d’effets indésirables déclarés, la prise de médicament prescrit au besoin (PRN) et l’augmentation du taux d’incapacité de travail ont été plus élevés chez les personnes qui ont reçu un vaccin bivalent par rapport à celles à qui il a été administré le vaccin monovalent.
Le déploiement des vaccins bivalents
À la fin 2021, le variant Omicron puis ses sous-variants s’imposaient dans le monde entier. La nouvelle situation épidémique a obligé les laboratoires à réagir rapidement. Des vaccins nouvelle génération contre le Covid-19 ont été approuvés rapidement par les agences sanitaires. Ces vaccins ciblent soit la souche du variant Omicron BA.1 soit les sous-variants d’Omicron BA.4. et BA.5. Tous les vaccins sur le marché contiennent la séquence ARN de la protéine Spike de la souche sauvage de Wuhan à laquelle a été ajouté soit la séquence ARN du variant BA.1 soit la séquence ARN de la protéine Spike des nouveaux sous-lignages BA.4 et BA.5.
Ces vaccins ont été déployés à l’automne 2022 sans qu’aucune étude clinique n’ait été terminée ou même entreprise.
Cette absence d'étude thérapeutique n'avait pas empêché Peter Marks, principal responsable de la règlementation des vaccins, directeur du Center for Biologics Evaluation and Research de la Food and Drug Administration, de déclarer :
"Nous avons confiance dans les preuves qui soutiennent ces autorisations (...) Le public peut être assuré qu'un grand soin a été apporté par la FDA pour garantir que ces vaccins bivalents contre Covid-19 répondent à nos normes rigoureuses de sécurité, d'efficacité et de qualité de fabrication pour l'autorisation d'utilisation en urgence."
Cependant, quelques mois plus tard, dans une interview donnée le 18 novembre 2022, le Dr Peter Marks a reconnu les limites des données disponibles sur les rappels "actualisés".
"Il est vrai que nous ne sommes pas encore sûrs de l'efficacité de ces vaccins dans la prévention de la maladie symptomatique", a-t-il déclaré.
La vaccination en population générale avec les vaccins bivalents a commencé en Europe, aux États-Unis, au Canada ou encore en Australie alors même que l’Organisation mondiale de la Santé estime ne pas avoir "de données disponibles suffisantes" pour recommander les vaccins bivalents plutôt que les monovalents.
Le déroulement de l’étude
Effectuée sur 76 travailleurs de la santé, cette étude montre que 48,7% d’entre eux ont reçu en quatrième dose ou deuxième rappel, le vaccin monovalent tandis que 51,3 % ont reçu le vaccin bivalent qui contient la séquence ARN de Wuhan et celle des sous-lignages BA.4 et BA.5. Pour ce faire, quelques précautions ont été prises : les participants à l'étude ayant reçu un vaccin bivalent contre le Covid-19 différent de celui qui contient les souches BA.4 et BA.5 en deuxième rappel ont été exclus de l'étude ainsi que les personnes qui ont reçu une vaccination contre le covid et contre la grippe simultanément. Cette dernière précaution a été adoptée, car l’administration des deux vaccins en même temps pouvait changer les chiffres sur l’immunogénicité et les effets secondaires. Le protocole de l'étude a été approuvé par le comité d'éthique de l'Université de Wuertzburg, conformément à la Déclaration d'Helsinki.
Les résultats de l’étude
Les résultats de l’étude portant sur la comparaison entre le vaccin monovalent et le vaccin bivalent correspondant sont sans appel : le taux d’effets indésirables déclarés pour la seconde dose de rappel est significativement plus élevé chez les participants ayant reçu le vaccin bivalent (84,6%) par rapport au vaccin monovalent (51,4%). Les participants vaccinés ont signalé des douleurs corporelles, de la fièvre et des frissons, des réactions locales et de la fatigue. Cependant, les soignants vaccinés avec le bivalent ont dû recourir plus fréquemment que les participants vaccinés avec le monovalent aux médicaments PRN comme l'ibuprofène, le paracétamol ou encore des glucocorticoïdes. Par ailleurs, 25 % des professionnels de santé qui ont reçu le bivalent ont été en incapacité de se rendre à leur travail dans les jours suivant leurs injections, un pourcentage d'absentéisme deux fois plus élevé que celui constaté chez les vaccinés avec le monovalent.
Cette étude rétrospective non randomisée est intéressante en ce qu’elle donne des indications sur la sécurité et la réactogénicité des vaccins bivalents. Et, en l’absence d’essai thérapeutique sur ces vaccins de nouvelle génération, ces premiers résultats peuvent aider la prise de décision clinique entre les vaccins monovalents ou bivalents, mais également conduire au choix de ne pas recourir à un nouveau rappel.
Il faut néanmoins rester prudent sur les résultats puisque ce document est en pre-print, ce qui signifie qu’il n’a pas encore été validé par les pairs. Par ailleurs, confirmer, infirmer ou affiner ces résultats demandera certainement d’entreprendre des études sur des cohortes plus importantes de patients vaccinés.
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