Le procès de la collision entre un car scolaire et un train à Millas dans les Pyrénées-Orientales en 2017, dans lequel six collégiens avaient trouvé la mort, s'est ouvert à Marseille lundi 19 septembre.
À Marseille,
Les barrières étaient bien fermées. Au terme de trois semaines de procès, le procureur Michel Sastre n'a laissé aucune place au doute et aux affirmations contraires de la prévenue. Au terme de son réquisitoire, il a demandé la peine maximale à l'encontre de la conductrice du bus, Nadine Oliveira, soit cinq ans de prison. Une peine assortie d'une annulation de tous ses permis de conduire et d'une interdiction définitive d'exercer une activité en lien avec le transport routier ou avec les enfants. Car selon Michel Sastre, l'accident qui a causé la mort de six enfants et en a blessé dix-sept autres le 14 décembre 2017, en brisant autant de familles, est bien la conséquence de l'inattention de la conductrice. « Elle n'a pas vu les barrières abaissées, elle n'a pas entendu la sonnerie, elle est bien la seule », déplore le procureur. « Elle a commis des fautes de conduite, qui sont la conséquence de son inattention et de la routine, ce mot qu'elle n'a jamais accepté », poursuit-il, en évoquant ce trajet qu'elle empruntait quotidiennement jusqu'à six fois par jour.
À l'appui de sa démonstration, le procureur s'est appuyé sur les expertises, pas moins de seize dans cette procédure, et sur différents témoignages. Les analyses techniques ne démontrent aucune panne dans le fonctionnement du passage à niveau. Le déroulé chronologique, quant à lui, est impitoyable : les barrières ont commencé à s'abaisser trente-quatre secondes avant le choc et lorsque le bus les a poussées, le train n'était plus qu'à trente-six mètres du passage à niveau. Le procureur rappelle qu'il faut en moyenne deux cent cinquante mètres à un train de cent vingt tonnes pour s'arrêter. « On touche du doigt l'inéluctabilité de la collision, conclut le procureur, mais ici l'accident n'avait rien d'une fatalité ».
« Mais qu'est ce qu'elle fait ?»
Parmi les témoignages, Michel Sastre rappelle ceux des enfants dans le bus, souvent plein de doute sur une réalité qu'ils ont vécu dans leur chair, mais aussi les dépositions des conducteurs arrêtés de l'autre côté du passage à niveau. « Mais qu'est-ce qu'elle fait, qu'est-ce qu'elle fait ? », avait ainsi réagi l'un d'eux en voyant le bus pousser la barrière. Pourtant, durant le temps de l'instruction et le temps « trop court » durant lequel Nadine Oliveira a assisté à son propre procès, à peine quelques jours avant de s'effondrer à la barre et d'être hospitalisée, jamais elle n'a reconnu que les barrières étaient fermées.
Elle n'a pas été capable de manifester de l'empathie envers les victimes, qui ont regretté qu'elle ne soit pas en état d'entendre leurs témoignages à la barre et leur souffrance. Selon le procureur, la prévenue adopte un rempart qui consiste à « repousser à fond tout ce qui est traumatique pour essayer de survivre, elle n'est pas dans le déni, ni le mensonge, mais elle affirme ce que son cerveau lui impose. Nadine Oliveira se vit comme une victime, au même titre que les enfants ». De cet état psychologique qualifié de dissociation psychique par les médecins, le représentant du parquet tire les conséquences sur la peine. Sur les cinq ans requis, le procureur a demandé à la cour d'en assortir quatre ans d'un sursis total et d'une obligation de soins.
Jean Codognès, l'avocat de la conductrice a de son côté dénoncé un procès inéquitable. «Ce dossier, M. le procureur, il part d'un mauvais pied», a plaidé Me Codognès, pointant des «irrégularités» dans l'instruction au cours de laquelle des cadres, ingénieurs et référents techniques de la SNCF ont assisté les experts judiciaires mandatés par le magistrat instructeur. Dans ce procès, «un doute sérieux pèse sur l'impartialité des opérations d'expertise», a poursuivi l'avocat, avant d'accuser nommément les experts ferroviaires d'avoir «laissé de côté sciemment ce qu'on appelle l'environnement de dysfonctionnement du passage à niveau». Je voudrais «vous dire, vous convaincre, qu'il peut y avoir une réponse judiciaire dans la relaxe de Nadine Oliveira», a-t-il ajouté, provoquant une humeur d'indignation chez les parties civiles présentes dans la grande salle du tribunal judiciaire de Marseille.
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