Erdogan fait beaucoup parler de lui, en ce moment. Il serait plutôt dans le camp des contestataires, avec notamment son formidable geste de refuser les condoléances des USA pour les victimes de l’attentat d’Istanboul, la semaine dernière. Rarement, l’“Empire” aura essuyé un affront pareil, dans ses entreprises de terrorisme et de déstabilisation qui devraient imposer respect, admiration et allégeance. Pendant ce temps, Zelenski marque contre son camp (du Bien) en votant contre Israël à l’ONU. En toutes choses, il s’agit du “désordre de l’’Empire’”, sans but et sans fin.
‘Ukrisis’ bouillonne dans tous les sens, et l’on ne peut s’en tenir à l’étrange épopée de Kherson, qui continue à entretenir un certain mystère, tandis que les armées libératrices font la chasse aux ‘collabos’ après avoir privé les journalistes “convenables” (CNN, par exemple) de toute accréditation sur place. La presse libre américaniste-occidentaliste ne témoigne des horreurs commises par les russes que sous le consentement des victimes, et l’affaire ukrainienne ne cesse de reculer les domaines d’intervention de la tragédie-bouffe...
En attendant, nous avons quitté Kherson, classé “victoire historique”, pour des domaines bien plus larges, au-delà des frontières. Erdogan et la Turquie, actuellement, y règnent en maîtres du jeu, à la plus grande satisfaction de Poutine. L’attentat de la semaine dernières (20 morts et blessés dans une rue commerçante d’Istanboul) constitue désormais un redoutable exercice de communication qui se fiche en plein cœur de l’OTAN, avec notre complète admiration pour les capacités américaniste d’organisation chronologique et de coordination des événements dont on sait qu’ils sont les seuls scribes divins autorisés...
« Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité... [...] Nous sommes [les créateurs] de l’histoire... Et vous, vous tous, il ne vous restera qu’à étudier ce que nous avons [créé]. »
Larry Johnson s’y emploie et résume tout cela pour nous, et fort bien... Il reproduit d’abord le communiqué turc repris par la presse du pays en même temps qu’il est diffusé officiellement... On notera la complète absence d’ambiguïté des accusations implicitement lancées contre les États-Unis dont les condoléances pour les victimes de l’attentat ont été refusées. (“Geste fort”, dit-on en langage diplomatique, extrêmement fort à la limite de l’incident diplomatique majeur selon notre estime : ainsi se permet-on désormais d’agir avec l’‘Empire’, comme on s’essuie les pieds sur un paillasson ?) :
« Selon les dernières nouvelles, le ministre de l'Intérieur, Süleyman Soylu, a déclaré dans un communiqué après l'explosion survenue dans la rue Istiklal de Taksim à Istanbul : “Nous n'acceptons pas le message de condoléances de l'ambassade des États-Unis. Si nous n'avions pas attrapé l'assaillant, il se serait enfui en Grèce aujourd'hui”, a-t-il déclaré.
» Soylu a précisé : “Les opérations se poursuivent. Tous nos services de sécurité, nos forces de sécurité et toutes les unités de renseignement sont en alerte ensemble. Nous avons dit ce que nous allions dire hier soir. Nous savons comment l'incident a été coordonné. Nous savons comment il a été coordonné. Nous allons enterrer nos corps. [...] Il faut le dire. Nous connaissons le message qui nous a été donné, nous avons reçu le message qui nous a été donné et nous savons quel est le message qui nous a été donné. Nous allons répondre par un message très fort à ce message’, a-t-il déclaré. »
... Ensuite, Johnson donne son interprétation, qu’il pimente de précisions et d’interprétations de l’ancien officier de renseignement qu’il est. Une telle interprétation, venant d’une telle source, a l’avantage de nous dispenser de circonvolutions embarrassées pour arriver à l’évidence : une attaque directe des USA contre la Turquie, avec la complicité de la Grèce redevenue depuis la piètre aventure de Tsipras-2015 une colonie absolument bien rangée des USA en Europe ! C’est bien de ce “message” dont parle Soylu, auquel il sera répondu par un “message” de la même eau
Johnson prend la nouvelle de cette hostilité entre la Turquie et les USA quant aux conséquences qui sont se seront multiples, d’un seul des nombreux points de vue qui la caractérisent : point de vue de l’OTAN, de l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN et ainsi de suite. C’est-à-dire que nous bondissons ainsi de la Mer Noire à la Baltique, en passant par l’Ukraine évidemment...
« Laissez-moi traduire : la Turquie rend les États-Unis responsables de l'attaque en raison de leur rôle dans le financement et l'armement des Kurdes en Syrie et en Irak. Le gouvernement turc est en guerre contre le Parti des travailleurs kurdes (c'est-à-dire le PKK) depuis les années 1970. Pour tout vous dire, mon ancien patron au Département d'État, l'ambassadeur Morris Busby, et moi-même avions été engagés en 1996 (après avoir quitté le service du gouvernement américain) par le gouvernement turc pour produire une étude concernant le soutien de la Grèce au PKK. Ce fut un choc, – nous avions conclu que le gouvernement grec fournissait un soutien financier au PKK, faisant des Grecs un État sponsor de facto du terrorisme, du moins aux yeux de la Turquie.
» La déclaration du ministre turc de l'intérieur n'est pas une simple réaction passagère et émotionnelle. Il envoie un message clair à Biden et à son équipe : nous dénonçons votre complète responsabilité. C'est une rupture potentielle du processus visant à faire entrer deux nouveaux membres de l'OTAN dans le giron de l'organisation. Cela risque de rendre la Turquie encore plus déterminée à faire pression sur la Suède et la Finlande pour qu'elles cessent d'héberger des membres du PKK. Si les deux aspirants à l'OTAN ne se soumettent pas aux exigences de la Turquie, celle-ci continuera à bloquer leur admission. Cela créera un dilemme pour l'OTAN. Faire pression sur la Suède et la Finlande pour qu'elles accèdent aux demandes de la Turquie sur la question ou ignorer la Turquie et risquer qu'elle se retire de l'OTAN. »
La Turquie, arrangeuse du Bosphore
Autre aspect des choses, toujours avec la Turquie en vedette super-américaine, toujours selon Johnson, très complet là-dessus et ayant consulté les sources qui importent (Martyanov et ‘TheMoonofAlabama’ [MoA]).
... Alors qu’il nous a montré une Turquie furieuse, qui encaisse et riposte, il nous signale ici une Turquie qui règne en intermédiaire indispensable. Nul ne s’étonnera de la contradiction ? Ici, la Turquie prend un coup des USA, le dénonce et se dit prête à riposter ; là, elle se montre comme un maillon nécessaire et essentiel pour les entreprises arrangeuses des USA vis-à-vis de l’Ukraine, dans une occurrence qui ne déplaît point à la Russie et qui risque fort d’approfondir la méfiance entre les USA et leurs amis zélenkistes. Dans cette affaire, en liant les deux épisodes et bien d’autres, le vilain et surtout très incohérent petit canard ce sont les USA, pas la Turquie. (La Russie, elle, regarde l’agitation d’un œil rigolard.)
« La Turquie semble savourer son influence croissante en tant que courtier politique international. En mai, elle a été le théâtre de pourparlers de paix futiles entre la Russie et l'Ukraine. Elle a joué un rôle clé dans la négociation de l'accord autorisant l'expédition de céréales ukrainiennes vers des pays prétendument dans le besoin. Hier (lundi), les chefs de l'espionnage russe et américain se sont rencontrés en Turquie :
» “Des rapports ont circulé dans les médias russes sur des discussions secrètes américano-russes accueillies par la Turquie. Le quotidien Kommersant rapporte, en citant des sources anonymes, que la réunion non annoncée se serait tenue lundi dans la capitale turque, Ankara. Selon le quotidien, Moscou a envoyé Sergei Narichkine, directeur du Service russe de renseignement extérieur (SVR), aux discussions. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Pechkov, a ensuite confirmé aux médias russes que des discussions bilatérales avaient eu lieu à Ankara, ajoutant qu'elles étaient organisées à l'initiative des États-Unis. Au début du mois, les médias occidentaux ont rapporté que de hauts responsables russes et américains entretenaient des contacts non déclarés. Selon le Wall Street Journal, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, s'est entretenu avec Youri Ouchakov, un conseiller principal en politique étrangère du président Vladimir Poutine, et avec Nikolai Patrouchev, qui occupe au sein du gouvernement russe la même fonction que celle de Sullivan dns l’administration Biden.” »
L’Ukraine à l’ONU, sabre au clair
On ne s’arrêtera pas là dans notre quête du désordre salvateur. A côté des péripéties turco-américanistes et autour de la Turquie, on placera une équipée diplomatique assez inattendue de l’Ukraine.
Assez curieusement, ou bien d’une façon bien synchronisé par les architectes de l’inversion du Camp du Bien, l’Ukraine a couronné sa “victoire” de Kherson d’une énigmatique manœuvre, à New York, à l’ONU et aux dépens d’Israël que Zelenski courtise assidûment pour obtenir son soutien et des armes. La passe d’armes dont on se demande à quelle ligne politique elle correspond, a fait un bruit de ferraille que l’on entend en général dans les usines à gaz désaffectées. ‘ZeroHedge.com’ nous conte l’aventure dont nous donnons quelques rapides détails assez marquants, comme notamment le teint “livide” de l’État d’Israël, selon la phraséologie journalistique, commentant la nouvelle de la trahison rocambolesque l’Ukraine :
« Bien que l'Ukraine ait supplié pendant des mois le gouvernement israélien de lui fournir des armes létales dans le cadre de l'invasion russe, elle a voté à l'ONU pour envoyer Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) basée à La Haye. [...]
» Israël était livide à la suite de ce vote et a convoqué l'ambassadeur ukrainien pour lui adresser un blâme et une réprimande formels. “Le soutien de l'Ukraine à la résolution de l'ONU sur les pratiques israéliennes, qui nie les liens entre les Juifs et le Mont du Temple et demande un avis consultatif de la CIJ, est extrêmement décevant”, a déclaré l'envoyé israélien Michael Brodsky. “Soutenir des initiatives anti-israéliennes à l'ONU n'aide pas à établir la confiance”. »
Le vote ukrainien illustre également un certain désordre à l’intérieur du camp zélenkiste. Témoignage et illustration très vivante de ce désordre, cette intervention d’un assistant personnel de Zelenski qui attaque et critique violemment le “ministère des affaires étrangères de l’Ukraine” comme si l’on parlait d’un pays étranger, la Russie par exemple. Là aussi, on observe cette très curieuse façon de fêter la “victoire” de Kherson...
« L'assistant personnel du président ukrainien Zelenski, Alexey Arestovich, a déclaré dimanche que le récent soutien de l'Ukraine à une résolution des Nations unies contre Israël était “une grave erreur”. Il a déclaré que “la position du ministère ukrainien des Affaires étrangères était illogique et inacceptable”. “Nous nous retrouvons dans le même camp que la Russie et l'Iran qui nous attaquent, et nous nous éloignons d'Israël, – que nous voulons comme allié”. »
Désordre dans le désordre, dans le désordre, dans le...
On tirera de ces différents épisodes, sans chercher nécessairement les causes et arrière-pensées derrière leurs impulsions, plusieurs enseignements constituant la confirmation de ce qu’on peut considérer comme des vérités-de-situation nouvelles en cours de formation dans l’ensemble stratégique.
• Le premier point concerne la Turquie. On a ici, indirectement dans tous les cas, la confirmation d’une évolution stratégique importante de la Turquie, confirmée par l’accord avec la Russie sur le rôle de “centre gazier” attribué à la Turquie. Cette confirmation se nourrit largement de la violence de la réaction turque après l’attentat, dont nul ne doute de la nature américaniste de l’impulsion originelle. Ce constat, renforcé par les mots d’encouragement du président turc pour la Russie face aux USA, place de plus en plus la Turquie dans une situation stratégique objective, devenant naturelle, d’entrer dans la sphère eurasiatique contre le monde euroatlantique... D’où l’accent mis sur ce qui devient de plus en plus un hiatus stratégique, dans le chef de l’appartenance de la Turquie à l’OTAN.
• Le deuxième point concerne la nature absolument terroriste, – soutien des terrorismes, emploi de méthodes terroristes, etc., – de l’action de ce qui fait figure de gouvernement de l’‘Empire’. Pour le commentateur normalement informé, c’est une confirmation, pour le commentateur-zombie courant c’est un affreux sacrilège qui vaudrait excommunication... Quoi qu’il en soit et puisque ce qui est n’est pas autrement, c’est dans ce sens des USA-terroristes que les Turcs ont perçu l’attentat de la semaine dernière, le “message” dont parle le ministre turc de l’Intérieur. Le constat correspond à des remarques de certains commentateurs, concernant des tentatives US terroristes ou/et de ‘regime change’, notamment contre la Turquie et l’Arabie dont le comportement est en ce moment l’objet de toutes les critiques. Cela est l’analyse notamment d’Alastair Crooke et d’Alexander Mercouris, comme on le voit ci-après concernant justement la Turquie :
« Effectivement, note Mercouris, les deux présidents sont conscients du risque qu’ils prennent. Si les expressions de “regime change” et de “révolution de couleur” ont un sens, contrairement au “hub gazier”, c’est aujourd’hui, dans les mois qui viennent dans tous les cas, qu’il faut y prendre garde.
» “Cela va rendre l’Ouest extrêmement nerveux et je pense qu’il faut s’attendre dans les prochains mois, très rapidement, à des tentatives de faire tomber Erdogan... Je crois qu’il faut se préparer à cette possibilité”... »
• Le troisième point embrasse le désordre américaniste tel qu’il se développe et interfère sur les relations de l’‘Empire’ avec les autres, vassaux, marionnettes ou résistants. Les innombrables variations de ces derniers jours autour de possibles/probables/certaines/confirmées prises de contact et rencontres officieuses entre Russie et USA sur des perspectives diverses où pourrait figurer un éventuel apaisement du conflit, tout cela met à rude épreuve les nerfs des dirigeants zélenskistes et peut en bonne part expliquer l’étrange vote ukrainien, – désordre plutôt que recherche d’un but politique, – concernant Israël. Or, et c’est bien cela qui est intéressant : ces diverses manœuvres (?) américanistes illustrent d’abord et avant toute chose une bataille interne à Washington entre la faction belliciste (neocon et Cie) et les faction plus “réaliste” dont le général Milley nous a donné un bel écho.
« Selon des responsables américains, les messages contradictoires de Washington concernant une solution diplomatique au conflit ukrainien “mettent à rude épreuve... [les] relations” entre Washington et Kiev. Cette situation est encore accentuée par l'émergence d'un clivage entre les responsables américains, certains estimant qu'il est trop tôt pour des pourparlers de paix, tandis que d'autres pensent que l'hiver offre une chance à la diplomatie.
» Ces derniers ont fait pression sur leurs homologues à Washington pour qu'ils considèrent cette opportunité "plus sérieusement", mais ils n'ont pas réussi jusqu'à présent à convaincre le président américain Joe Biden et de nombreux membres de son administration, indique le rapport. »
Le désordre américaniste touche aussi bien les rapports des USA avec ses vassaux et ses obligés corrompus que ses ennemis quant au sens et au but de sa politiqueSystème. Plus encore, il touche ses multiples propres centres de pouvoir, agences, bureaucraties, bureaux, départements, etc. Il est très probable qu’aucune information, donc aucune coordination n’ont été établies entre l’attentat d’Istanboul, la rencontre entre les directeurs de la CIA et du SVR en Turquie et la tenue du G20 où représentants US et représentants turcs seront obligés de se côtoyer, avec tous les possibles incidents que pourrait provoquer cette corrélation. Le désordre américaniste est quelque chose qui ne se justifie pas ni ne s’explique ; il croît et se multiplie sans nécessité de s’en expliquer.
Arrivé au stade où il se trouve, le désordre américaniste est universaliste, globaliste en un sens, et pourrait effectivement se désigner américaniste-occidentaliste ; il est à la fois totalement aveugle et sans possibilité de freinage, complètement indifférent à ses contradictions par rapport à son origine et à ses effets. Si demain, un accord de cessez-le-feu était passé en Ukraine, – chose bien improbable mais prenons là pour référence théorique, – on pourra se demander à quoi ont servi ces efforts échevelés d’armement, de simulacres, ces dévastations, ce saccage des politiques et des liens internationaux. « A détruire l’Europe », répondait Christoforou, ce qui est une absurdité puisque, dans ce cas, l’Europe est partie intégrante de l’‘ordre’ américaniste-occidentaliste, et que sa destruction implique une destruction d’une partie de soi-même. Pourtant, dira-t-on comme dans un rêve, le but était clair et net : détruire la puissance russe, chasser Poutine et ‘regime change’, cela dans un laps de temps record (quelques semaines). Voyez ce qu’il en reste...
Il reste que l’ordre règne à Moscou, et le désordre à Washington. Que faire maintenant ? Continuer sans relâche, comme il est fait sans aucune restriction ni référence depuis 1989-1991. Ne rien apprendre de ce qu’on fait et poursuivre dans ce même tourbillon. Il en naîtra bien une Chute Finale.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.